Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !
Les jeunes vont-ils mal ?

Photo Bayard
C’est vrai en partie, mais des lycéens pourront le lire dans des médiathèques ou des CDI. Et effectivement, mon ambition a été aussi de fournir à des parents, éducateurs, enseignants, des pistes de réponses aux jeunes, s’appuyant sur de nombreuses ressources : livres, articles, sites.
Je ne suis pas sociologue, mais j’ai essayé d’avoir une diversité de paroles, avec des jeunes de milieux différents (notamment d’un collège REP et d’un établissement des Apprentis d’Auteuil). On a fait des visios avec des élèves, par exemple avec des écodélégués autour de l’écoanxiété, et j’ai aussi mené des entretiens longs par téléphone. J’ai utilisé des réseaux de jeunes, dans des régions très diverses, ainsi qu’au Liban et dans un lycée français en Autriche.
Sans donner de « réponses », il me parait important de fournir des éléments de réflexion, de connaissances, comme je le faisais dans mon travail dans la presse jeunesse, en prenant les jeunes pour des interlocuteurs intelligents posant de bonnes questions. Mais je me suis aussi appuyée sur des experts, en particulier Serge Hefez, psychiatre réputé1, et Florence Clément, coordonnatrice des missions éducatives de l’Agence de la transition écologique (Ademe), qui m’ont conseillée et ont assuré une relecture précieuse, et aussi sur des enseignants ayant une grande expérience pédagogique. Les adolescents ont besoin de réponses — même s’ils ne seront pas forcément d’accord —, ne serait-ce que pour les confronter, les réfuter… La tranche d’âge cible est large, l’adolescence étant un long continuum qui démarre de la puberté jusqu’à l’indépendance financière, donc de 12 à 25 ans, disons.
Ce qui m’a frappé dans mon enquête, c’est que même les bons élèves étaient vraiment préoccupés par l’orientation. Parcoursup leur « pourrit la vie » littéralement. Je ne m’attendais pas à cela, à ce point ! Je ne sais pas si l’école accroit l’anxiété, mais elle y contribue autant que les parents et que la société en général. Avec cette idée forte que si on rate l’école, on rate sa vie, malgré les contrexemples de certaines stars… Je fais du soutien scolaire auprès d’enfants plus jeunes, et je sens aussi cette angoisse. D’autant que bien des jeunes m’ont dit qu’au fond, les enseignants les considéraient trop comme des élèves et non comme des personnes.
Par ailleurs, la mise en place de parcours personnalisés quand il y a des troubles psy est loin d’être évidente. Les phénomènes de phobie scolaire sont mieux repérés, ils ne sont pas négligeables. Chaque jeune connait quelqu’un qui ressent cette phobie. Cependant, ce n’est pas forcément la scolarité qui est en cause, comme me l’a bien expliqué Serge Hefez, une phobie ou trouble scolaire anxieux peut avoir diverses origines : harcèlement, conflits familiaux, précocité, troubles autistiques, etc. Les adolescents sont aussi extrêmement sensibles à l’équilibre et au bienêtre ou malêtre familial, même s’ils ne le montrent pas.
En fait, aujourd’hui, je pense – après en avoir parlé à des psychiatres ou en m’appuyant sur des études comme celle de la Fondation Jean-Jaurès – que s’il n’y a pas forcément davantage de jeunes qui vont mal, on peut en revanche constater une aggravation des difficultés, un écart grandissant entre ceux qui vont bien et les autres, dont on peut estimer le nombre entre 10 et 15 %. Récemment, l’enquête de l’École des hautes études en santé publique, menée sur plus de neuf mille jeunes, va dans le même sens. Il faut dire aussi que les jeunes n’ont souvent pas une connaissance juste de ce qu’est le bienêtre psychique et peuvent déclarer qu’ils vont bien alors que des indicateurs précis (pensées noires, crises d’angoisse, difficultés d’endormissement, etc.) montrent le contraire. L’Éducation nationale essaie d’agir, mais avec des moyens limités – qu’on pense au nombre d’infirmières en poste !
Laelia Benoit, qui est une pédopsychiatre spécialisée dans les questions d’écoanxiété et chercheuse à l’université de Yale, montre bien les limites de cette notion, d’autant qu’elle concerne tout autant les adultes. C’est sans doute une banalité que de dire que beaucoup de jeunes se sentent impuissants devant des phénomènes comme le changement climatique. Ils ont surtout besoin qu’on leur propose d’agir. J’ai souvenir d’un éducateur me disant « laissez les jeunes tranquilles avec ces problèmes, ils ont d’autres soucis ». Or, cela me semble inconcevable, les jeunes ont des oreilles et une sensibilité comme tout le monde.
J’aime beaucoup cette réplique, dans le film Virgin Suicides de Sofia Coppola, d’une jeune fille qui a tenté de se suicider à un médecin qui lui dit qu’elle est trop jeune pour comprendre combien la vie est dure : « Manifestement, docteur, vous n’avez jamais été une fille de treize ans. » Tout est dit. Bien sûr, les jeunes ont bien d’autres problèmes ! Mais ce que différents travaux, notamment ceux de Laelia Benoit, montrent bien, c’est que quand on propose des actions collectives, l’anxiété peut disparaitre ou s’atténuer. Au fond, c’est le but de ce livre.
Ceux qui s’expriment ne comprennent pas qu’on puisse être homophobe ou antisémite. Mais je ne dis pas qu’ils sont totalement représentatifs de la population adolescente. Ce qui m’a frappée vraiment, c’est leur incompréhension : comment est-ce possible aujourd’hui que l’homophobie ou l’antisémitisme puisse encore exister ?
J’espère en tout cas que ce livre pourra se faire l’écho d’une vitalité des adolescents, de l’existence de nombreuses initiatives, associatives ou autres, en faveur de la solidarité ou de l’écologie. C’est ça qui vous aide – qui nous aide tous – à aller de l’avant !
À lire également sur notre site
La santé mentale des étudiants sous l’œil des chercheurs, par Marie Lauricella
La qualité de vie des élèves à l’école, cet impensé, par Cécile Blanchard
Vers une marchandisation de l’orientation, par Marie Lauricella
Sur notre librairie
Notes