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Des classes à horaires aménagés en REP

Lorsque l’on pense classe à horaires aménagés musique, on pense réussite, sélection, compétition… À Quimper, l’excellence est bien là, mais elle est avant tout humaine !

Cette année, j’ai en charge l’organisation des visites des élèves de CHAM (classes à horaires aménagés musique), dans les écoles de rattachement du collège. Je suis donc amenée à téléphoner aux directeurs et directrices de ces écoles pour leur demander à quel moment un trinôme de nos élèves CHAM, accompagnés de leur professeure de musique et d’un personnel de direction, peuvent intervenir dans les classes de CM2 et présenter la CHAM.

« Oh mais il n’y a pas d’élèves musiciens dans ma classe !, me répond un des enseignants-directeurs que je contacte.

— Tant mieux ! La CHAM, ce n’est pas pour les musiciens.

— ?

— Non ici, au collège, notre projet c’est d’offrir aux élèves qui ne font pas de musique un parcours pour découvrir la pratique instrumentale, le chant choral et l’expression scénique. Et c’est pour ça que nous souhaitons présenter la CHAM aux futurs collégiens. Ce sont les 6e CHAM qui présenteront leur classe, ce qu’ils y font, comment cela se passe, comment ils ont fait pour choisir leur instrument, quel niveau de pratique ils ont actuellement après quatre mois. Et nous les accompagnons pour répondre aux questions plus administratives : comment s’inscrire, quels sont les attendus, etc. »

Rendez-vous est pris. La semaine suivante, j’accompagne la professeure de musique et trois élèves. Un professeur du conservatoire nous rejoint. La professeure introduit le propos, explique ce que veut dire CHAM, comment s’organise l’emploi du temps (trente minutes sont prises sur les heures de maths, d’histoire géographie et d’EMC, de sciences et de langues, pour donner du temps de pratique instrumentale). Elle précise que les élèves de cette classe font chorale, pratique orchestrale, pratique instrumentale individuelle avec un professeur d’instrument du conservatoire, et qu’en classe, ils travaillent aussi les percussions corporelles, l’improvisation, l’écoute, qu’ils rencontrent des chanteurs, des musiciens, des comédiens, qu’ils participent à des projets scéniques à partir de la 5e.

Flûte, hautbois ou clarinette ?

Puis, les élèves, chacun leur tour, présentent leur instrument : un violon alto, une flute traversière, une trompette, montrent comment ils produisent du son. En mars, ils n’ont que quatre à cinq mois de pratique, ils ne sont pas encore virtuoses. Là n’est pas le projet. Le professeur du conservatoire va de son côté insister pour dire qu’il n’est pas besoin de savoir déjà jouer pour s’inscrire.

Comment faire pour choisir son instrument ? Eh bien, toute la première période, les élèves vont tester tous les instruments disponibles : violon, alto, flute traversière, hautbois, clarinette, trombone à coulisse, trompette, etc. Ce n’est qu’après, en fonction des affinités qui naitront entre le jeune et l’instrument, que le choix se décidera. Faut-il acheter les instruments ? Non, ils sont prêtés pour quatre ans. Une convention est signée avec l’établissement, une assurance est prise. Mais attention, un instrument c’est précieux, c’est fragile ! Il ne faut pas le poser n’importe où, ni l’oublier dans le bus ou le prêter à son petit frère. À partir du moment où on vous l’aura remis, vous deviendrez responsable de votre instrument. Faut-il être un bon élève pour s’inscrire en CHAM ? Non. Il faut être volontaire, en avoir envie, et s’engager à jouer un peu tous les jours. Pour les élèves qui ne peuvent s’entrainer à la maison (parce qu’en appartement, les voisins ne sont pas toujours d’accord pour vous entendre faire vos premières gammes), il est possible de jouer sur le temps du midi ou lors d’une permanence au collège.

Au collège Max-Jacob de Quimper, le projet existe depuis 2016. Il n’a pas été monté dans l’idée de faire des « classes réservées » dans lesquelles la mixité n’existerait pas. Bien au contraire, dès le début, l’objectif était d’offrir aux élèves du REP (réseau d’éducation prioritaire) un accès à la musique et aux instruments, au-delà de l’heure obligatoire d’éducation musicale prévue à l’emploi du temps. Le projet de la CHAM vise à prendre en compte l’hétérogénéité du public accueilli et à fédérer les élèves autour d’un projet d’éducation culturelle.

Des années inoubliables

Aujourd’hui, les premières cohortes sont sorties du collège et s’en sont allées vers le lycée. Quel bilan peut-on faire ? Les professeurs qui ont les élèves de la CHAM disent tous qu’il existe une cohésion de classe, un groupe soudé et une évidente entraide en classe, que les élèves sont bien plus à l’aise à l’oral que ceux des autres classes, que même si certains ont des résultats scolaires faibles, la CHAM les porte, ils y développent un rapport positif à l’école, aux savoirs et au monde.

Cette classe, c’est aussi la musique qui entre à la maison et des parents qui viennent au spectacle découvrir des créations scéniques auxquelles participe leur enfant. La dernière en date c’est un opéra, L’Odyssée avec les chanteurs lyriques Jeanne Crousaud, Fabien Hyon et Laurent Deleuil, les chanteurs du chœur d’enfants de la maitrise de Bretagne de Rennes et nos élèves de la 4e CHAM.

Il arrive que des élèves n’accrochent pas et, après quelques mois, rendent leur instrument, mais cela concerne au maximum un élève par an, et ce sont souvent des élèves qui n’avaient pas fait personnellement ce projet. Il arrive aussi que des élèves inscrits en 6e CHAM doivent être réorientés en 5e Segpa (section d’enseignement général professionnel adapté), pour autant le collège s’organise pour leur permettre, s’ils le souhaitent, de continuer. C’est le cas de Marwin, qui continue la chorale et participe à certaines représentations scéniques. Il arrive aussi que certains veuillent poursuivre après le collège et s’inscrivent au conservatoire. Mais tous, quel que soit leur parcours, quelle que soit leur orientation, gardent un souvenir inoubliable de leurs années de collège.

Rachel Harent
Directrice de Segpa, collège Max-Jacob, dans le Finistère