Février 1982. « Elle travaille tous les jours, elle a un super boulot, sur l’parking de Carrefour elle ramasse les charriots. Le weekend c’est l’enfer, quand tous ces parigots viennent remplir l’coffre arrière d’leur 504 Peugeot, de quinze tonnes de lessive, de monceaux de bidoche, en cas d’guerre en cas d’crise, ou d’victoire de la gauche », chante Renaud à l’Olympia. L’état de grâce qui a suivi l’élection de François Mitterrand en mai 1981 s’achève. Dernier acte des grandes réformes, les réformes sociales (cinquième semaine de congés, trente-neuf heures, retraite à 60 ans) et les nationalisations viennent d’être adoptées. Pour autant, la vie quotidienne dans cette banlieue rouge que chante Renaud ne change pas. C’est l’économie qui a fait l’alternance politique et qui constitue plus que jamais la trame de nos existences. Le dossier des Cahiers pédagogiques du mois intitulé « De l’économie pour tous » interroge la place de l’enseignement de l’économie au lycée. Rédigé surtout par des enseignants de sciences économiques et sociales, le dossier insiste sur l’adversité dans laquelle cet enseignement s’est développé. Les auteurs décrivent et déplorent les résistances universitaires face à une discipline scolaire hybride, celles des ministères de droite contre sa dimension sociale et politique, celles du milieu enseignant face à ses méthodes innovantes et sa dimension critique. Cela prend un ton parfois polémique, comme ces mots de Pierre Autran : « Faute de pouvoir obtenir la disparition brutale d’une discipline qu’ils abhorrent, ils pratiquèrent la stratégie de la mort lente par asphyxie progressive et par concurrence favorisée. » Pour équilibrer le propos, le dossier donne la parole à un professeur de philosophie qui ose la question : « Et si elle n’existait pas ? »
Yannick Mével