Mai 1988. George Michael inonde les ondes « Teacher / There are things that I don’t want to learn » (« One more try »). Ce n’est qu’une chanson. Mais elle résonne comme un avertissement : peut-être une alerte sur le risque de noyer la parole des professeurs et, avec elle, la distinction entre croire et savoir, l’autorité des autorités, sous l’équivalence des discours ? Ou bien la revendication d’un peu d’autonomie de penser, d’un peu de silence et d’écoute de la part de ceux qui, même s’ils ont quitté l’estrade, parlent trop ?
En voilà deux, de ces grands parleurs, Bernard Defrance et Michel Serres, philosophes qui, lors d’une conversation, en février 1988, ont envisagé la place de la parole des élèves dans la classe. Dans la rubrique « Faits et idées » des numéros 264-265 des Cahiers pédagogiques, le premier explique : « Ce qui devait être un entretien pour notre dossier sur la philosophie s’est progressivement transformé en une conversation que nous publions dans son entier, en feuilleton. » Six épisodes tiendront les lecteurs en haleine de mai 88 à janvier 89.
La publication de cette conversation n’en restituait qu’une partie de la richesse. Bernard Defrance écrivait : « Michel Serres rit souvent, comment traduire ce rire dans la transcription ? La voix enfle parfois aussi. Il faudrait inventer un système pour noter, comme on le fait pour la musique ou la danse, les accents, l’accent, la musique du verbe. » Nous ajoutons un second appauvrissement. Dans la conversation, chacun digressait, revenait sur un sujet abordé plus tôt, commentait les propos de son interlocuteur. La lecture de l’intégralité de la conversation montrait une construction conjointe d’une pensée que la réduction en extraits gomme largement. C’est de cela qu’il s’agit dans le dossier des Cahiers pédagogiques que vous avez entre les mains.
YANNICK MEVEL