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Tandis que le vent des urnes souffle sur l’éducation, l’équation du second degré place les mathématiques en une. L’orientation cherche sa boussole entre sélectivité et massification.

Illustration de Fabien Crégut

Équation au second degré

Vendredi 11 février avait lieu la journée internationale des filles et femmes de sciences initiée par l’UNESCO qui indique « Cette journée permet de rappeler que les femmes et les filles jouent un rôle essentiel dans la communauté scientifique et technologique et que leur participation doit être renforcée. » Dans la même semaine, en France, on s’inquiète de l’abandon des mathématiques par les lycéennes. « Depuis la réforme du bac de 2019, les filles sont bien plus nombreuses que les garçons à arrêter les mathématiques dès la première. Une désertion qui a des conséquences sur leur orientation. », alerte Libération.

Les sociétés savantes et associations de mathématiques étayent le constat avec « une synthèse chiffrée au sujet des impacts de la réforme du lycée sur la formation en mathématiques. » Maud Marchal, enseignante en informatique à l’INSA de Rennes souligne pour RFI : « On s’inquiète, parce qu’on va récupérer ces lycéens dans un ou deux ans et qu’on aura moins de filles, clairement, et encore plus quand on fait de l’informatique : nous ne sommes déjà que 10% ». Or, titre le média « Femmes de sciences: la recherche ne doit plus se passer de la moitié de l’humanité. »

La réforme du Bac est pointée du doigt. « La suppression des maths obligatoires en Première et Terminale était-elle une mauvaise idée ? » s’interroge Ouest-France qui porte un regard critique sur une réforme aux conséquences négatives. « Le recul des mathématiques au lycée, un nouveau front politique pour Jean-Michel Blanquer » constate le Monde : « Le ministre de l’éducation a concédé qu’il faudrait « faire évoluer » l’enseignement scientifique de tronc commun. La spécialité n’est conservée que par 37 % des élèves en terminale. »

Ce vœu pieux est vu par Claude Garcia dans Alternatives Économiques comme une « Nouvelle concession du ministre de l’éducation nationale, nouvelle illustration qu’une réforme faite dans l’urgence et sans écouter les professionnels de terrain ne peut qu’aller, d’ajustements en renoncements, sans corriger ses travers les plus profonds. » Cette évolution est minime pour Sébastien Planchenault, président de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP) relaie le Figaro Étudiant « «Le ministre suggère seulement d’accroître la part des maths dans l’enseignement scientifique dispensé deux heures par semaine – le plus souvent par des profs de physique-chimie et de SVT -, et non de réintégrer pleinement les maths comme discipline autonome au sein du tronc commun».

Comment rendre attractive une discipline tout en diminuant le nombre d’heures d’enseignement qui lui sont consacrées ? Vous avez deux heures pour résoudre l’équation (ou pas). La Maison Poincaré souhaite s’attacher à développer le goût des maths. «  Dans ce contexte, le futur musée des mathématiques, qui ouvrira fin 2022, entend mettre sa pierre à l’édifice en les rendant plus accessibles et surtout en les rendant plus « aimables ». Un véritable défi. « Or le monde actuel, le numérique, l’intelligence artificielle, les data, ont plus que jamais besoin de mathématiciens et de scientifiques. » Les Echos racontent ce projet dont l’un des initiateurs est Cédric Villani .

Le souffle des urnes

De chouchou à boulet, la presse relaie les déboires de Jean-Michel Blanquer. « Le ministre de l’éducation nationale se félicite depuis près de deux ans d’avoir maintenu les « écoles ouvertes ». Mais au fil des protocoles sanitaires, les critiques ont gonflé, soulignant de l’improvisation et une certaine désinvolture. », explique Le Monde (article payant). « Alors que les réunions s’enchaînent pour préparer le retour des vacances de février, le jugement sur le ministre de l’Éducation nationale, au sein même du gouvernement, est sans appel. « On paie très cher les errements de fin de quinquennat de Jean-Michel Blanquer, cingle un ministre. Sa gestion de la rentrée de janvier a été un naufrage. », lit-on dans l’Opinion.

Côté pile, l’incorrigible Blanquer ? « L’image du ministre de l’éducation ne risque pas de s’améliorer : il a nommé Mark Sherringham à la tête de la stratégique instance. L’homme, controversé, avait plaidé pour la réintroduction du christianisme dans l’école publique. », souligne Télérama. La stratégique instance en question c’est le conseil des programmes qui « souhaite que l’enseignement moral et civique se recentre sur « l’instruction civique classique ». La présidente sortante « Souâd Aayada juge par ailleurs disproportionnée la place prise par l’étude des discriminations, critiquant sévèrement les manuels scolaires : On est dans le débat d’opinion là où l’école est censée d’apporter des connaissances. Il y a beaucoup de choses sur la liberté sexuelle, les discriminations raciales, sexistes… Beaucoup de choses sur les droits des homosexuels, des transsexuels, des migrants. » « Une prise de position tranchée qui devrait faire réagir. » conclut justement Sud-Ouest.

Côté face, une communication améliorée ? L’annonce du nouveau protocole applicable après les congés s’est faite de façon anticipée, concertée et en informant directement les personnels de l’éducation. «Il y a quelques jours, Jean-Michel Blanquer évoquait un éventuel passage au niveau 2 du protocole sanitaire en primaire pour la rentrée des vacances scolaires. C’est désormais chose faite : après des rencontres avec les syndicats enseignants, le ministre de l’Éducation nationale a présenté aujourd’hui les nouvelles mesures qui seront mises en place au retour des vacances de février. », explique vousnousils qui relaie aussi les réactions amusées des profs. « Quant aux enseignants, ils ont surtout ironisé sur la publication du protocole bien en amont de la rentrée scolaire, contrairement au précédent qui avait été dévoilé la veille dans les médias. »

Glisser un peu plus de concertation suffira t-il pour conduire les enseignants à renouveler leur vote majoritaire pour Macron en 2017 ? « Pour qui votent les enseignants ? » questionne Fild. « Profondément marqués par l’assassinat de Samuel Paty et les changements dans notre société, les profs semblent en tout cas se détourner progressivement du Parti Socialiste, voire de la gauche en général, qui constate ainsi la chute de son dernier bastion historique. »

Les candidats dévoilent au cours de la campagne leur programme pour l’éducation. Les Échos présentent celui de Valérie Pécresse. « La candidate de la droite à l’élection présidentielle a détaillé samedi, à Paris, ses propositions pour l’école. Elle veut des établissements scolaires autonomes, 5 à 10 % d’entre eux le seraient même à 100 %. Les lycées professionnels seraient confiés aux régions. Les mathématiques reviendraient en force dans le cursus des futurs bacheliers. » Les parents d’élèves de l’enseignement catholique adressent leurs propositions aux candidats. « Moyens financiers pour assurer une vraie liberté de choix éducatif, plus grande autonomie des établissements, bivalence des professeurs et même « laïcité positive »… » analyse La Croix.

Roger-François Gauthier, spécialiste de l’éducation comparée, nous invite à prendre de la hauteur pour réfléchir aux missions de l’Éducation Nationale (tribune réservée aux abonnés « Au moment même où il apparaît que, dans le débat public en cours, les questions d’éducation ont une place modeste (mais peut-être un peu plus nourrie que lors d’échéances similaires du passé récent), on voit ressurgir la vieille opposition instruction-éducation : si ce n’est pas une surprise, prenons-le comme une invite à une réflexion plus large ! ».

Orientation sélective

Le psychodrame d’Henri IV  et de Louis-Le-Grand met en lumière la procédure Affelnet. « Au nom de quoi un algorithme peut rendre les affectations plus équitables? » s’égosille Florence Berthout, maire du Ve arrondissement de Paris dans Le Figaro . La vie des idées analyse les données du rectorat de Paris pour peser les arguments. « Rentreront-ils dans le rang ? La modification annoncée de la procédure de recrutement des deux prestigieux lycées de la capitale est accusée par ses opposants de « briser l’excellence » et de faire le jeu du privé. L’analyse des données de l’académie de Paris va à l’encontre de ces arguments. »

Et si on quittait les affres du 5e arrondissement de Paris pour élargir le débat à un autre parcours du combattant dans le gymkhana de l’orientation. «De même que lorsque l’on s’émeut du baccalauréat et de ses réformes dans le débat public, on n’évoque en fait que le baccalauréat général, lorsque l’on s’inquiète du choix du lycée par les élèves à la fin du collège, on ne se préoccupe pas de tous ceux qui vont aller dans l’enseignement professionnel. Et pourtant, leur parcours est bien plus malaisé ! » explique Antoine Tregots.

Pour les décrochés de l’école qui souhaitent y revenir, trouver une structure d’accueil s’avère nécessaire. L’équipe du Lycée de la Nouvelle Chance de Cergy raconte sur notre site comment collectivement elle enseigne et accompagne des jeunes pour qu’ils trouvent leur chemin d’avenir. « Le taux moyen de 81 % de réussite au bac est satisfaisant pour ce type de public et les orientations diffèrent peu de celles de bacheliers en structure classique. La réussite se lit aussi dans l’effet positif sur l’estime de soi, sur la réparation du lien au sein des familles et avec l’école ».

La question de l’orientation interroge aussi la répartition des rôles entre État et Régions. Tandis que la région Occitanie met en ligne un guide pour accompagner les choix « du collège à la sortie de l’université », « le Gouvernement et l’ONISEP lancent le programme Avenir(s), une des briques de la stratégie d’accélération « Enseignement et numérique ». Ce dispositif permettra d’améliorer l’orientation par l’identification par les élèves de leurs compétences, leur mise en œuvre dans la construction des projets de chacun, et rendra possible de garder la preuve de ses compétences tout au long de ses études» Bernard Desclaux analyse ce nouveau dispositif en s’interrogeant : « L’ONISEP porte ce programme qui réunit un consortium d’acteurs (sur lequel il faudra s’interroger). Que se joue-t-il avec ce projet ? »

Et pour se former comment, pourquoi ? Dans Alternatives Économiques (article payant), Camille Peugny revient sur les propos d’Emmanuel Macron devant les présidents d’université : « « L’université doit d’abord préparer nos jeunes à exercer leur futur métier. […] En somme, elle doit devenir plus efficacement professionnalisante ». Il mentionne notamment : « Il reste à souligner un point important. La professionnalisation, c’est la rencontre entre un système de formation et le marché du travail. Accuser le premier de tous les maux, comme il est de bon ton de le faire, revient de fait à absoudre un peu rapidement le second de ses responsabilités. »,

Pour l’Étudiant, Julien Gossa propose une note d’analyse fouillée sur la massification de l’enseignement supérieur sous l’angle de la relation formation-emploi. Dans sa conclusion, il constate « Si la métaphore de la « formation-bouclier contre le chômage » est insatisfaisante, elle risque de toutes façons d’être rapidement laminée par la fin de la massification. En l’absence de reforme de l’organisation du travail pour offrir plus d’emplois aux jeunes, et en restant coincés sur une conception de la formation ayant pour seul objectif l’insertion professionnelle, les politiques de « professionnalisation » sont sans doute condamnées à déplacer le problème de l’insertion professionnelle sans jamais le résoudre, sinon par des effets marginaux. »

Et puis il y a celles et ceux pour qui le souhait d’orientation c’est simplement pouvoir aller à l’école dans des conditions dignes. « Il y a plus de 50 000 enfants sans domicile en France, alertent des associations réunies à Lyon ce jeudi pour manifester contre le mal-logement des enfants. » lit-on sur le site du Nouvel Obs. Soulignons l’action de : « Le collectif Jamais Sans Toit, notamment composé d’enseignants et de parents d’élèves, intervient dans l’agglomération lyonnaise pour les droits des élèves sans domicile et de leurs familles. Depuis 2014, le collectif indique avoir trouvé une solution d’hébergement pour 450 enfants, dont 89 depuis la dernière rentrée scolaire. »

Il y a aussi les enfants privés d’école, comme c’est le cas des filles en Afghanistan. Dans l’émission Interception de France Inter, on entend le témoignage d’une professeure qui enseigne clandestinement à des écolières, celui aussi d’une étudiante désespérée de ne pas pouvoir poursuivre son cursus à l’Université. A écouter pour ne pas oublier.

Aux manettes de la revue de presse cette semaine, Monique Royer, épaulée par le dénicheur de liens Bernard Desclaux et l’affûté illustrateur Fabien Crégut

Quelque soit votre zone, chanceux vacanciers ou encore au turbin, nous vous souhaitons une bonne semaine.

 

Sur la librairie des Cahiers pédagogiques

N° 574 – Ce qui s’apprend en EPS

Mal reconnue, bien qu’obligatoire à tous les niveaux, l’EPS contribue à l’acquisition du socle commun, donne accès à des pratiques motrices et à la culture physique, sportive et artistique, tient une place de choix dans l’entretien de la santé et du bienêtre, contribue à l’égalité entre les filles et les garçons et à l’inclusion.

N° 573 – Les maths, est-ce que ça compte ?

Tous les acteurs de l’enseignement se trouvent confrontés à la question des « bases » ou des « fondamentaux » : pour effectuer des choix dans les programmations, pour remédier aux difficultés d’élèves, pour proposer des évaluations. Quelles sont les mathématiques que l’on doit enseigner aujourd’hui ?