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Henri IV, Louis-le-Grand et les lycées pro

De même que lorsque l’on s’émeut du baccalauréat et de ses réformes dans le débat public, on n’évoque en fait que le baccalauréat général, lorsque l’on s’inquiète du choix du lycée par les élèves à la fin du collège, on ne se préoccupe pas de tous ceux qui vont aller dans l’enseignement professionnel. Et pourtant, leur parcours est bien plus malaisé !

Depuis quelques semaines, on ne compte plus les articles et les tribunes concernant l’affectation des élèves de 2e dans deux établissements parisiens : le lycée Henri IV et le lycée Louis-le-Grand. Cette mobilisation médiatique est à l’image du prestige de ces deux établissements mais elle ne concerne que quelques dizaines de jeunes1. En parallèle, le même logiciel est utilisé tous les ans pour affecter en lycée plus de 800.000 élèves de 3e dont un tiers ira dans la voie professionnelle. Ceux-là aussi méritent qu’on s’intéresse à leurs procédures d’affectation.

Pour les collégiens qui se dirigent vers la voie pro, deux parcours sont possibles. Les formations de type « bac pro », en trois ans et les formations de type CAP en deux ans. Depuis quelques années, les 2es professionnelles sont fortement remaniées et regroupées en familles de métiers. Les places en CAP « sous statut scolaire » sont attribuées prioritairement aux jeunes dits « publics particuliers », par exemple les élèves issus des Segpa (sections d’enseignement général et professionnel adapté). Les autres CAP se font essentiellement par la voie de l’apprentissage, en lycée ou en CFA (centres de formation des apprentis). Il est aussi possible de faire une 2e professionnelle en apprentissage. Rien n’est simple.

Au mois de mai, les élèves – ou plutôt leurs représentants légaux – formulent des vœux pour la poursuite de leur scolarité. Comme pour la voie générale – et désormais pour Henri IV et Louis-le-Grand – les élèves des lycées professionnels sont affectés en fin de 3e par le logiciel Affelnet. Mais avec quelques différences qui peuvent faire toute la différence.

Nombre de places limité

Dans la voie professionnelle, pas de sectorisation. Un élève qui va en 2e générale et technologique est peu ou prou assuré d’avoir une place dans un lycée en fonction de son domicile. Rien de tel dans la voie professionnelle. D’une part, tous les établissements ne proposent pas les mêmes spécialités, d’autre part, le nombre de places dans chaque section est limité. Les candidats sont donc sélectionnés par le logiciel selon un unique critère : les résultats de l’année de 3e2. Les résultats sont simples : les meilleurs candidats obtiennent leur premier vœu. Les autres sont placés sur liste d’attente pour ce vœu dans l’ordre de leur barème. Pour ces candidats, l’ordinateur étudie alors les vœux suivants avec la même procédure jusqu’à trouver une formation que leur barème permet d’obtenir. Ou jusqu’à épuiser la liste des vœux.

Le plus souvent, à l’heure des résultats, l’élève a une place quelque part. Mais pas toujours. Ces élèves, en liste d’attente sur tous leurs vœux sont dits « sans solution ». Pour une partie d’entre eux, les choses se décantent rapidement. Ils sont tout près sur la liste d’attente et les démissions immédiates de jeunes affectés (qui préfèrent par exemple partir en apprentissage) leur permettent d’obtenir une place au tout début de l’été. Pour les autres, c’est le jeu des places vacantes. Ils vont se rendre au CIO (centre d’information et d’orientation), monter un dossier puis attendre plus ou moins longtemps pour trouver une place dans les sections qui n’ont pas fait le plein. Ce n’est évidemment pas leur premier choix, ni même leur dixième, mais c’est une place. À la fin, pour les moins de 16 ans, il reste la possibilité de redoubler en 3e.

Dans ce jeu complexe, tout ne se vaut pas. Il y a des spécialités plus ou moins demandées et plusieurs établissements peuvent proposer la même formation. Pour chaque section, on parle de « taux de pression ». Les 2es professionnelles les plus prisées peuvent avoir plusieurs dizaines de candidats pour chaque place. À l’inverse, les moins attractives reçoivent moins de candidatures que de places. C’est là qu’on retrouve les « sans solutions », en espérant qu’ils trouvent la motivation pour suivre cette formation dont ils ignoraient parfois jusqu’à l’existence.

Le travail d’orientation au long de l’année de 3e, mené principalement par les professeurs principaux, cherche à concilier le projet du jeune et ce que ses résultats lui permettront d’obtenir. Comme toujours, il y a des fois où tout concorde pour trouver facilement une solution satisfaisante et d’autres où aucune perspective n’émerge. Les règles sont claires et connues mais leur application concrète reste parfois douloureuse. Avec des conséquences pour ces jeunes bien plus importantes que le fait d’obtenir tel ou tel lycée d’un arrondissement parisien.

Antoine Tresgots
Principal de collège dans le Loiret

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Notes
  1. Sept classes dans chacun des lycées d’après Wikipédia.
  2. Le barème prend en compte d’une part les résultats tout au long de l’année et d’autre part le bilan des compétences en fin d’année.