Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Joue-la comme Marie Curie !

Une équipe de la Maison des sciences de Châtenay-Malabry, en lien avec La Main à la pâte, a eu l’idée de proposer à des enseignants d’écoles de la circonscription de réaliser des expériences en adaptant des « leçons » de physique élémentaire dispensées par Marie Curie au début du siècle dernier. Ce travail a abouti à un ouvrage bien utile pour qui veut se lancer. Entretien avec un des initiateurs, Éric Bernard, et deux enseignantes, Nadia Dowlut et Fabrice Dodeman, de l’école François-Peatrik au Plessis-Robinson.
Pouvez-vous présenter la Maison des sciences ?

Éric Bernard : Nous sommes une association loi 1901 qui a signé une convention avec l’Éducation nationale, qui fournit un conseiller pédagogique (moi-même), et avec la Fondation La Main à la pâte. La municipalité de Châtenay-Malabry, elle, met à disposition des locaux notamment. Nous travaillons aussi avec deux écoles d’ingénieurs sur le plateau de Saclay : Centrale Supélec et l’Institut d’optique, qui envoient des étudiants dans le cadre de leur cursus pour faire de la médiation dans les classes (une quinzaine par an pour chaque école) soit pour un nombre limité de séances, soit toute l’année. Pour ma part, je les forme, les aide à préparer leurs séquences.

Il y a deux temps distincts : un temps scolaire (on développe des modules pédagogiques, on fait de la formation, on met à disposition des ressources) et un temps non-scolaire où, avec des bénévoles de l’association, on s’adresse à des publics variés dans divers lieux (médiathèque, théâtre, etc.), on fait venir des chercheurs, on organise également du soutien scolaire. Nous sommes implantés dans le réseau d’éducation prioritaire et nous existons depuis vingt-cinq ans.

Parlez-nous du projet qui a abouti au livre Leçons de Marie Curie, des activités qui se sont déroulées en amont en particulier ?

Éric : J’ai été contacté par le CNRS dans le cadre de l’Année de la physique, car nous avions élaboré une mallette pédagogique sur cette thématique il y a quelques années. Nous avons voulu l’étoffer en reprenant la démarche de Marie Curie, qui avait créé avec des amis scientifiques une coopérative scolaire dédiée à l’enseignement des sciences pour leurs enfants. À chaque « leçon », nous avons ajouté des expériences à celles proposées par la double prix Nobel, adaptées au niveau de classe. Le chercheur Hervé Arribart a validé les expériences. Quand on a achevé ce travail, j’ai voulu tester sur le terrain les dix « leçons ». L’objectif était que les enseignants puissent mener ces expériences tout seuls dans un second temps. Je suis intervenu dans les classes de Fabrice et Nadia, à qui je cède la parole.

Fabrice Dodeman : Le projet nous a tout de suite intéressés. Nous avons commencé autour de la pression de l’air. Les expériences nous ont paru simples à utiliser. Les élèves ont vite compris des notions autour de ce thème à partir des quatre séances de quarante-cinq minutes menées par Éric. Nous avons en fait observé une réussite totale.

Nadia Dowlut : Nous nous en sommes bien rendu compte, car les enfants, lors d’un Forum des sciences en fin d’année scolaire, ont pu expliquer ces notions à un public. Cela a été un grand moment, car nous avons eu aussi la chance d’avoir comme invitée la petite-fille de Marie Curie, Hélène Langevin, qui est une grande scientifique.

Fabrice : C’est vrai que nous avons l’habitude de travailler les sciences de façon active, avec une démarche d’investigation.

Nadia : Éric est notre référent scientifique sur la circonscription, et c’est une ressource précieuse dès qu’on a un projet à mener, comme cette année autour de l’électricité.

Fabrice : Je voudrais revenir sur le Forum des sciences organisé chaque année, où les enfants échangent sur des activités qu’ils ont menées. C’est souvent enthousiasmant. Quand les enfants font vivre et partagent leurs expériences, il y a une grande fierté chez eux.

Nadia : Il y a en plus le développement de nombreuses compétences, comme prendre la parole devant les autres, se faire comprendre…

Est-ce que vous essaimez dans les autres classes, est-ce que l’enseignement des sciences progresse dans les écoles de la circonscription ?

Éric : Oui, je pense. Je suis aussi conseiller pédagogique au niveau départemental, et je me rends compte combien la présence de la Maison des sciences est importante.

Fabrice : Cela reste toujours plus compliqué quand on n’a pas un élément moteur. Avoir quelqu’un qui nous aide, nous propose des ressources, cela change tout…

Nadia : La disponibilité d’Éric est un atout majeur. D’année en année, on gagne de la confiance et on s’investit davantage dans les projets scientifiques.

Je voudrais revenir sur Marie Curie. Avez-vous aussi travaillé sur son itinéraire ?

Éric : Nous avons en effet présenté la vie de cette grande figure au sein du module pédagogique, avec des documents et des fiches. Quand je suis intervenu dans les classes, j’ai demandé aux élèves s’ils la connaissaient. Les élèves la connaissaient et disaient que c’était « la première femme scientifique connue », quand ce n’est pas « la première femme scientifique ».

Fabrice : Le nom ressort souvent, ça leur parle.

On pourrait aussi évoquer à cette occasion l’apport de l’immigration à la France !

Nadia : Oui c’est sûr. Cette année, nous avons à l’occasion du travail sur l’électricité, choisi la figure emblématique de Thomas Edison, une autre manière de mêler les sciences à l’histoire, avec les découvertes de la fin du XIXe siècle.

Pourriez-vous citer des exemples d’expériences citées dans votre livre, faciles à utiliser ?

Éric : Le module pédagogique est accessible sur le site de la Main à la pâte. Dans le livre, il est adapté au plus grand nombre, avec l’idée qu’on peut mener une expérience avec un matériel très facile d’accès, autour de la pression de l’air par exemple. On peut insuffler un peu d’air dans un ballon de baudruche et l’enfermer dans une boite à vide. On demande ce qui se passe alors, les enfants pensent qu’il va s’envoler ou au contraire se réduire en taille, alors qu’il va prendre plus de place.

On sait que la centration sur les « fondamentaux », demandée par l’institution, peut se faire au détriment des sciences. Comment surmontez-vous cet obstacle ?

Éric : Dans les Hauts-de-Seine, on a la chance d’avoir une inspectrice qui encourage les formations aux sciences. On essaie en tout cas de montrer qu’en faisant des sciences, on fait également du français et des mathématiques, ça leur donne souvent du sens.

Nadia : J’ai pu bénéficier d’une formation longue sur le développement durable à la Maison des sciences et nous avons pu travailler sur des dimensions transversales, comme le lien sciences et arts.

Fabrice : Et on a pu voir combien les élèves pouvaient être motivés et s’impliquer dès lors qu’on leur propose des activités créatives, des projets. Aujourd’hui, c’est indispensable…

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

 

Hervé Arribart, Eric Bernard et David Jasmin (coord.), 40 expériences de physique élémentaire issues des leçons de Marie Curie, éd. EDP sciences, 2024.


À lire également sur notre site

Vous reprendrez bien un peu de physique ? Par Jean-Michel Zakhartchouk

Faire évoluer les conceptions d’élèves de maternelle sur l’astronomie, par Géraldine Cavallo et Soria Hamdani-Bennour

Des hypothèses sur les orbites du Système solaire, par Emmanuel Rollinde, Magalie Keradennec et Cindy Aubert

Enseigner, un métier vivant, portrait de Sabrina Ben Brahim

La chimie pour une école en couleurs, portrait de Freddy Minc

« Donner le gout des sciences », entretien avec Bruno Maquart

Pourquoi Felix Baumgartner a-t-il sauté de 40 000 mètres ? Par Martial Gavaland


Sur notre librairie

Couverture du HSN n° 58 : « Enseigner la science aujourd'hui »

Couverture du n° 533 des Cahiers pédagogiques, "Créer et expérimenter en sciences et technologies".