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Bruno Maquart : « Donner le gout des sciences »

© S Expilly-EPPDCSI

Du ramassage de marrons à la diffusion des connaissances scientifiques. Entretien avec Bruno Maquart, directeur d’Universcience, qui regroupe à Paris la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte.
Est-ce que l’école vous a donné le gout des sciences ?

Du ramassage des marrons en forêt aux expériences de physique et de chimie, l’école, primaire puis secondaire, a joué un rôle majeur dans mon éveil aux sciences, oui. Elle est pour beaucoup dans mon choix d’intégrer l’Institut national agronomique Paris-Grignon (aujourd’hui AgroParisTech), une formation qui m’a permis de comprendre comment fonctionnent les systèmes complexes.

Selon les enquêtes, on ne sait pas très bien où on en est du rapport des Français à la science, et des jeunes Français en particulier : comment faire pour rendre la science plus populaire ?

C’est pour cette raison qu’à Universcience, nous avons créé notre propre enquête, le Baromètre de l’esprit critique. Il interroge le rapport de nos concitoyens à la science, aux médias et essaie de comprendre comment ils se forgent leur opinion. Ses deux premières éditions, en 2022 et 2023, rappellent d’abord que parler « des Français » comme une généralité n’a pas de sens : des différences liées à l’âge, au genre, à la catégorie socioprofessionnelle, mais aussi au territoire, apparaissent clairement et doivent être prises en compte pour comprendre le rapport de nos concitoyens à la science.

Pour résumer, les sondés qui apparaissent comme étant les plus éloignés de la science sont plutôt de sexe féminin, de faible niveau d’études et vivant dans les territoires périphériques. Les jeunes de 18 à 24 ans apparaissent, contrairement à un discours que l’on entend souvent, plus intéressés par la science et plus actifs en ce domaine que le reste des sondés. Il faut donc se garder des jugements hâtifs, fondés sur des moyennes, et agir là où le besoin se fait vraiment sentir, dans les périphéries et sur les territoires, donc, mais aussi en ligne, notre étude montrant, comme d’autres, que les jeunes de moins de 24 ans – donc la France de demain – ont basculé totalement sur les canaux numériques pour s’informer.
Le besoin de science n’a jamais été aussi important : nous aimons dire que la culture scientifique est la culture générale du XXIe siècle, car une part importante des grands sujets de société sont en fait des sujets scientifiques (crise climatique, développement de l’intelligence artificielle). Comment rendre la culture scientifique plus populaire ? En s’adaptant aux gouts de tous les publics, en allant à leur rencontre sur tous les territoires, en rendant la science vivante et attractive par la multiplication des contacts entre le grand public et celles et ceux qui font la science.

Comment concilier la nécessité de connaissances solides et de confiance dans l’expertise scientifique et le besoin d’une pédagogie active, plus horizontale ?

Il faut être extrêmement rigoureux sur le fond des offres et perpétuellement innovant sur leur forme. Nos contenus sont validés par des scientifiques ou reposent sur la présence de scientifiques, comme les rendez-vous « Un chercheur, une manip » ou « Un ingénieur un projet » ; nos médiatrices et médiateurs, qui mettent en œuvre des façons interactives d’accéder aux sujets scientifiques les plus pointus, ont toutes et tous une formation poussée dans leur discipline.

Il est également essentiel d’expliquer ou de réexpliquer pourquoi et comment faire confiance à l’expertise scientifique. Cela passe pour nous par deux prérequis. D’une part, la présentation de la démarche scientifique et expérimentale, qui sera en particulier au cœur du projet du Palais de la découverte à sa réouverture en 2026. Que font concrètement les chercheurs, par exemple, en climatologie ? À quoi ressemble leur journée au laboratoire ? Comment est-on sûr de la réalité du réchauffement climatique ? D’autre part, le développement de l’esprit critique, qui doit permettre à chacun de construire solidement son point de vue et de distinguer le niveau de robustesse de différentes informations ou hypothèses. Nous y consacrons depuis 2022 un temps fort de programmation, « Le Printemps de l’esprit critique », qui, cette année, se nationalise et mobilise plusieurs dizaines de centres de culture scientifiques, bibliothèques et institutions de recherche sur tout le territoire, du 21 mars au 3 avril.

Universcience développe de nombreuses actions en direction des publics scolaires. Pouvez-vous nous en parler ?

Les publics scolaires représentent chaque année près 20 % de nos visiteurs : environ 5 000 groupes scolaires sont venus en 2022-2023, notamment au moyen du Pass culture. Nous concevons de nombreux formats pédagogiques innovants, à la fois à destination des élèves et de leurs enseignants, qui reposent sur le faire soi-même et l’échange interpersonnel.
Quelques exemples : aux Étincelles du Palais de la découverte – site temporaire qui accueille une partie de la programmation du Palais durant ses travaux de rénovation –, des exposés et des ateliers, en chimie, géosciences, physique, informatique et sciences du numérique, sciences de la vie, mathématiques et astronomie, sont proposés spécifiquement en semaine par nos médiateurs et médiatrices scientifiques aux groupes scolaires, du primaire au supérieur. À la Cité des sciences et de l’industrie, nos rendez-vous T’éduc – en partenariat avec les Cahiers pédagogiques – proposent aux enseignants et aux médiateurs de réfléchir autour d’un thème pour imaginer de nouvelles façons de faire, notamment à partir de nos expositions. Les deux dernières éditions, à l’occasion de l’ouverture en 2023 de nos expositions permanentes Urgence climatique et Mission spatiale, ont également offert la possibilité d’échanger directement avec Jean Jouzel et Claudie Haigneré.

Nous nous projetons également à l’extérieur de nos murs, avec Fab Lab à l’école. Ce dispositif d’éducation artistique et culturelle promeut les usages de la fabrication numérique auprès des élèves du cycle 3. Il offre aux établissements scolaires bénéficiaires un miniparc de machines prêtes à l’emploi, des tutoriels vidéo et des scénarios d’usage adossés aux programmes scolaires comme des prestations de formation à destination des enseignants. Déployé avec le soutien de Canopé, Fab Lab à l’école a déjà été mis à la disposition de 250 établissements dans quatorze régions.
Nous investissons également les espaces numériques et avons lancé notre propre média scientifique en ligne, le Blob.fr, qui propose chaque jour une nouvelle vidéo. Ses contenus, disponibles sur son site, sur YouTube et sur les réseaux sociaux, constituent une mine de ressources et de connaissances d’actualité à disposition de toutes et de tous.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

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