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« Chacun essaie d’agir seul face aux difficultés des élèves, alors que la solution, c’est le collectif. »

Dans notre récent dossier « Peut-on inclure sans exclure ? », nous avons voulu faire le point sur l’école inclusive, dont le principe est inscrit dans la loi mais dont l’application peine à se faire. Nous restons convaincus que l’école doit accueillir tous les élèves dans leurs différences, notre dossier montre donc à la fois les freins et les difficultés de la mise en œuvre et des pistes pour les surmonter. Les trois coordonnateurs du dossier nous le présentent.
Le chemin est-il encore long jusqu’à l’école inclusive ?

Hélas oui ! Au fil du temps, les termes ont changé et si le passage d’intégration à inclusion est un grand pas dans les textes règlementaires, il n’y a pas encore eu de révolution au sein des équipes pédagogiques. Mais il y a de belles avancées : il n’y a plus de remise en cause à la présence des AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) en classe par les enseignants, les professeurs ont envie de bien faire pour accompagner les élèves, les pratiques se sont diversifiées… un peu sur le tas !

Quels sont les principaux freins à l’école inclusive que le dossier permet d’identifier ou de confirmer ? Et quels « remèdes » propose-t-il ?

Le principal frein est le manque de formation des enseignants. Chacun essaie d’agir seul face aux difficultés des élèves, alors que la solution, c’est le collectif.
Collectif au sein de la classe, pour faire des autres élèves et des AESH de véritables acteurs de différenciation. Collectif au sein de l’équipe pédagogique, car c’est à plusieurs que l’on peut réussir à inclure. Les adaptations peuvent être partagées et discutées entre les différents enseignants d’une classe. Par exemple, si un élève réussit une tâche, par exemple lire un tableau à double entrée, dans une discipline, mais que cela lui coute beaucoup en temps et en concentration, on peut le décharger de cette tâche dans une autre discipline, pour alléger sa charge cognitive afin qu’il puisse se concentrer sur d’autres apprentissages.
Ce collectif, c’est aussi l’équipe éducative, dans laquelle on peut inclure les enseignants référents ou ressource. Et le collectif s’étend aussi aux parents qui ont parfois le sentiment de se battre contre des moulins à vent. Il s’agit de se rencontrer, de voir ce qui marche, ce qui ralentit la progression.
Par ailleurs, une autre piste est évoquée pour l’évaluation : l’autoréférencement. Si on compare l’élève à ses précédents travaux et non à une norme, il y a toujours des progrès à souligner. Au-delà de la motivation que cela génère chez l’élève, cela permet aussi à l’enseignant de ne pas avoir le sentiment d’avoir à monter l’Everest à chaque chapitre.
Enfin, un article écrit par des orthophonistes nous donne des pistes pour diminuer la charge mentale des élèves empêchés.

À qui ce dossier s’adresse-t-il ?

Ce dossier s’adresse à tous, y compris aux parents ! Il permettra à chacun de ne plus se sentir seul. Le webinaire du 10 avril dernier, auquel nous avons participé, peut aussi aider, donner des clés de compréhension. C’est un dossier inspirant, qui montre que, non seulement l’école inclusive est portée par les textes, mais que c’est possible !
Le titre est volontairement provoquant : inclure un élève en lui donnant une feuille à part, une évaluation différente, laisser l’AESH parler lorsque le professeur décrit les concepts, n’est-ce pas des moments par nature excluant ? L’élève n’est-il pas hors du groupe ?
Ce dossier permet aussi de voir tous les champs que regroupe le terme inclusion : les enfants allophones, les dys, les « agités »… Il donne des pistes aux enseignants, mais également aux personnels de direction. Dans le cadre de l’autonomie de l’établissement il est possible d’adapter le mobilier, de créer du collectif…

Le dossier évoque la pédagogie universelle et la conception universelles des apprentissages (CUA). De quoi s’agit-il ?

La conception universelle des apprentissages est un principe de conception des cours. Actuellement les professeurs préparent leur séquence et réfléchissent ensuite aux adaptations à mettre en place pour Louise, Abdel et Théo qui sont dans la classe. Le professeur se retrouve alors submergé par cette accumulation d’adaptations à créer, réfléchir et ensuite mettre en œuvre. Sans compter que certains élèves peuvent avoir le sentiment que « c’est de la triche »… Les enseignants disent tous la surcharge de travail que cela génère et leur abandon pour se protéger eux-mêmes. La CUA permet de réfléchir en amont à la conception même du cours pour qu’il soit adapté à tous, sans avoir à faire une deuxième ou une troisième version pour ceux qui en ont besoin. Ainsi, oraliser les données et les consignes pour tous permet de compenser les difficultés des élèves à besoin éducatif particulier et aussi celles des autres ! Une fiche outil montre un exemple de conception de séquence de lecture selon ce principe.

Et vous, que retenez-vous de cette coordination ?

Être bénévole pour une revue pédagogique est enthousiasmant. On fait de belles rencontres, on apprend beaucoup de choses. On découvre des auteurs, des pistes de réflexions. C’est un moment riche en émotions. C’est aussi un moment d’affirmation de ses valeurs pour crier haut et fort à la place de ceux qui n’ont pas toujours cette possibilité ! Merci aux Cahiers de porter haut les valeurs d’inclusion et d’ouverture !

Propos recueillis par Cécile Blanchard

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