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Faire évoluer les conceptions d’élèves de maternelle sur l’astronomie

Qu’y a-t-il dans l’espace, selon les représentations les élèves de maternelle ? Pas toujours le Soleil ou la Lune, souvent des astronautes et des bêtes imaginaires… Pour faire évoluer ces représentations vers plus de scientificité, voici une proposition de séquence d’activité, reposant sur une recherche.

D’après plusieurs recherches menées auprès d’enfants et d’adultes, l’astronomie intéresse tous les individus et les astres et phénomènes astronomiques font partie de l’univers enfantin1.

Aujourd’hui, enfants et adultes ont accès à des informations complètes sur le système solaire grâce à la télévision, aux réseaux sociaux, à la famille ou à l’école. Cette acculturation contribue au développement de la culture scientifique.

Le Soleil est-il une étoile ?

Pourtant, d’après Uygar Kanli, les multiples expériences vécues relatives à l’astronomie ont conduit chez les enfants à des conceptions erronées en contradiction avec les réalités scientifiques : le Soleil n’est pas une étoile, les étoiles ne sont présentes que la nuit, la planète Terre est plate, la planète Terre est le plus grand astre du système solaire, le Soleil se déplace dans le ciel et la Terre est statique, il fait nuit lorsque le Soleil est caché par la Lune2

L’objectif de cet article est de présenter des premiers résultats d’une étude menée sur l’astronomie avec des élèves et leur potentielle évolution après une séquence d’enseignement s’appuyant sur des observations et des expériences.

Quelles sont les idées des enfants sur le système scolaire ?

L’une des premières recherches portant sur les idées des enfants sur le système solaire a été menée par John Sharp3. L’échantillon, composé de vingt garçons et vingt filles âgés de 6-7 ans, a permis de caractériser les représentations sur la forme de la Terre, la taille relative des étoiles, les phases de la Lune, l’alternance jour-nuit et la façon dont ces phénomènes et objets sont perçus par les enfants.

D’autres études, dont l’objectif était de mettre en évidence les conceptions sur l’astronomie, ont été conduites et concernent des élèves d’école élémentaire, de collégiens, lycéens, étudiants et enseignants en formation initiale ou continue4. Néanmoins, à notre connaissance, il n’existe pas d’étude récente portant sur des élèves de maternelle de moins de 5 ans.

Ce qu’il y a dans l’espace

Dans le cadre d’un projet collaboratif (associant cinq enseignants d’écoles situées dans le 19e arrondissement de Paris XIX et des chercheurs) centré sur l’enseignement de l’astronomie à l’école primaire et porté par l’Institut français de l’éducation (IFE) dans le cadre du LéA (lieu d’éducation associé) Vivap, une première séquence d’enseignement a été conduite dans une classe de petite et moyenne sections, avec les élèves de moyenne section (neuf élèves).

Cette séquence, construite en collaboration avec le chercheur, s’appuie tout d’abord sur la mise en évidence des conceptions initiales (pré test) sur « ce qu’il y a dans l’espace ».

Après réflexion autour de la suite à donner à cette séance pour faire évoluer les représentations des élèves, trois objectifs ont été définis pour amener les élèves à prendre conscience de l’existence du Soleil et de la planète Terre, comprendre qu’il existe une relation entre ces deux astres et qu’il existe un mouvement.

Des dessins d’observation

Ainsi, des observations quotidiennes du ciel ont été réalisées. Les élèves avaient pour consigne de dessiner le ciel tel qu’ils l’observaient (en représentant le cas échéant le Soleil et les nuages).

Chaque dessin a donné lieu à une dictée à l’adulte ce qui a permis d’obtenir une idée plus précise de ce qui avait été représenté.

En parallèle, une séquence sur les ombres a été conduite : ombres des élèves projetées sur un écran, ombres visibles dans la cour (celle des élèves, des bancs et des arbres), expérimentations pour visualiser les ombres d’objets en classe grâce à une lampe et augmentation et réduction de la taille des ombres des objets projetés.

Un post test, réalisé quatre mois après le pré test, avait pour objectif d’identifier de potentielles évolutions à l’issue de la séquence d’enseignement.

Des objets célestes, des mouvements et des êtres imaginaires

L’analyse des productions des élèves obtenues lors du pré test montre que les enfants représentent et nomment des objets célestes auxquels ils associent des mouvements et des explosions, des éléments relatifs à la conquête spatiale sont représentés (fusée, astronaute, engin spatial, etc.).

Par ailleurs, l’espace est aussi peuplé d’êtres imaginaires peuplant des planètes (dragons, extraterrestres, fantômes, monstres, etc.). Il est important de noter que le Soleil n’est pas représenté par les élèves.

La comparaison entre les deux dessins des élèves à quatre mois d’intervalle montre que leurs représentations ont changé de façon significative.

De plus, l’étude des productions individuelles montre que les élèves ont construit quelques connaissances scientifiques : ils représentent désormais le Soleil et les étoiles.

La plupart des élèves qui avaient initialement représenté les planètes peuplées d’êtres imaginaires ne les ont plus fait figurer dans leur post test. Sont apparus à la place des objets sans lien avec la notion étudiée (une chemise, un carré, un rectangle) et certains élèves ont fait figurer des orbites (un de ces deux élèves a expliqué avoir demandé à ses parents de lui acheter un « livre » sur l’astronomie).

Mouvements, révolutions, gravitation

Ensuite, seuls deux élèves ont fait mention de mouvements de révolution dans leur post test :

Évolution des représentations des élèves entre le pré test et le post test.

Une élève explique avoir représenté le Soleil et des planètes qui gravitent autour, indiquant avoir demandé à ses parents l’achat d’un documentaire sur l’espace, suite au projet engagé en classe.

Enfin, des élèves ont représenté une planète Terre sphérique.

Des études internationales ont montré que les élèves pensent qu’il existe deux planètes Terre : celle sur laquelle nous vivons et qui est plate, et une autre qui est située dans l’espace et sphérique5.

Alors, existe-t-il chez ces élèves deux planètes Terre comme l’indiquent les chercheurs ?

La courte étude que nous avons menée met en évidence l’existence de conceptions d’élèves de maternelle nouvelles que la littérature n’avait pas mises en évidence avec des élèves âgés de 4–5 ans.

Perspectives

Ces conceptions peuvent évoluer, mais il serait intéressant d’évaluer la persistance de ces nouvelles connaissances à moyen et long terme.

Dans le cadre d’un projet soutenu par l’IFE, cette recherche collaborative va se poursuivre avec des séances centrées sur l’observation de la Lune et la découverte des planètes du système solaire, grâce à l’introduction du planétaire humain dans le cadre de formations continues d’enseignants puis en contexte scolaire6.

Il s’agit d’une bâche sur laquelle les positions des planètes sont imprimées. Les élèves se déplacent directement le long de chaque orbite en écoutant l’enseignant frapper régulièrement dans ses mains. Ils doivent avancer d’un pas et poser leur pied à chaque son sur le point suivant. Les élèves reproduisent de ce fait la cinématique des planètes en mobilisant tous leurs sens.

L’utilisation d’un planétaire humain dès l’école maternelle permettrait donc entre autres de contribuer à construire, dès le plus jeune âge, un modèle scientifique du système solaire.

Un planétaire humain.

Enfin, en collaboration avec des enseignants et chercheurs, un travail de réflexion est engagé pour entreprendre une approche interdisciplinaire et une progression possible du cycle 1 au cycle 3 pour appréhender l’astronomie à l’école primaire.

Soria Hamdani-Bennour
Formatrice en sciences à l’Inspé de l’académie de Versailles, doctorante au LDAR (Laboratoire de didactique André Revuz) de Cergy Paris université, membre du LéA Vivap
Géraldine Cavallo
Professeur des écoles à l’école maternelle Jean-Menans, Paris 19e

À lire également sur notre site

Les sciences à l’école primaire : réalités du terrain et perspectives, par Soria Hamdani-Bennour

Allumer les étoiles en classe, par Frédéric Pitout (accès réservé aux abonnés)

Récit de l’univers : comment lier l’astronomie et les cultures du Monde? Épisode du podcast La classe résonne, avec Marjorie Decriem


Sur notre librairie

Couverture du HSN n° 58 : « Enseigner la science aujourd'hui »

 


 

Notes
  1. Voir la communication de Frédéric Charles, Mohamed Soudani, Maud Philibert, « Travailler la relation imaginaire/science en astronomie avec des enfants d’école maternelle », lors du congrès international « Inégalités : quelles contributions des « éducations à… » ? », mars 2017, Hammamet (Tunisie).
  2. Uygar Kanli, « Using a Two-Tier Test to Analyse Students’ and Teachers’ Alternative Concepts in Astronomy », Science Education International, 26(2), 2015, 148-165.
  3. John G. Sharp, 1996, « Children’s Astronomical Beliefs: A Preliminary Study of Year 6 Children in South-West England », International Journal of Science Education vol 18, 1996, p.685-712.
  4. Voir notamment : Valérie Frede, Patrice Venturini, « Exploration des conceptions en astronomie de futurs professeurs d’école », Didaskalia n° 29, 2006, p. 41-65.
  5. Voir Valérie Frède, « La construction des connaissances en astronomie chez l’enfant d’école élémentaire : influence du contexte culturel », Enfance n° 1, 2023, p 55-73.
  6. Emmanuel Rollinde et al., « Un apprentissage en mouvement », 9e édition du colloque « Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur », 17-19 juin 2015, Brest, p. 747-776.