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Les classes sociales et l’école

Les études de mobilité montrent que la classe ouvrière est reproduite largement à partir d’elle-même (70 % environ des fils d’ouvriers sont ouvriers), de la classe paysanne et de la petite bourgeoisie ; les classes moyennes à partir d’elles-mêmes et, assez largement, des classes supérieures et ouvrières ; les classes supérieures à partir d’elles-mêmes et des classes moyennes. Si l’on impute non pas à des qualités psychologiques des individus (les aptitudes, les motivations, les désirs), mais à des déterminations structurelles (l’organisation de la production économique, les fonctions du système d’enseignement) la sélection qu’opère l’école, on voit que la question de la démocratisation doit être retraduite en ces termes : par quels moyens l’école joue-t-elle son rôle de conservation sociale ?

De nombreuses recherches ont mis en évidence que, à leur arrivée à l’école primaire, les enfants se différenciaient déjà fortement selon leur classe d’origine. Basil Bernstein a pu montrer qu’en Angleterre (mais ces résultats sont surement généralisables), il existe de grandes différences dans l’apprentissage de la langue entre les enfants des classes populaires et ceux des classes moyennes. Non seulement les conditions de l’apprentissage de la langue sont, selon Bernstein, différentes, mais la forme même de la langue apprise : celle des enfants de classe moyenne leur permet de se différencier du groupe, de prendre conscience de leur propre individualité, d’exprimer des nuances et facilite l’usage de l’abstraction. Comment s’étonner dès lors de leur meilleure adaptation ultérieure à l’école, si l’on reconnait là justement les caractéristiques de la langue de l’école et des instituteurs, membres eux aussi des classes moyennes ? L’élève de classe populaire dont la langue est syntaxiquement plus simple, et qui n’explique pas verbalement les nuances et l’intentionnalité dans les relations à autrui, doit, pour s’adapter, acquérir péniblement le code qui permet de répondre aux demandes de l’école et, en quelque sorte, de réussir une véritable acculturation.

Bien loin de n’agir que dans les premières années de scolarisation, cet effet d’héritage culturel joue encore un rôle important, même dans l’enseignement supérieur. Les travaux effectués par le Centre de sociologie européenne ont mis en évidence l’importance des savoirs et des dispositions à l’égard du savoir qui, tout en n’étant jamais explicitement transmis par l’école, jouent un rôle déterminant dans la réussite scolaire. Parmi les conclusions les plus importantes de ces recherches, on peut retenir :

1. La réussite scolaire des élèves dépend fortement de la familiarité avec la culture, familiarité qui n’est produite, dans l’état actuel de l’enseignement, que par l’application diffuse dans les familles cultivées. Cette relation est démontrée en particulier par le fait que le niveau de diplôme du père (ou de la mère) est plus fortement lié statistiquement à la réussite scolaire que, par exemple, le niveau socioéconomique.

2. Cette relation entre réussite scolaire et niveau culturel dépend en grande partie du caractère explicite de l’enseignement. Les techniques et méthodes de travail ne sont pas systématiquement enseignées à l’école, ce qui désavantage les élèves des classes populaires qui ne les possèdent pas naturellement (c’est-à-dire par le seul fait de la familiarité avec la culture scolaire) comme les élèves des classes supérieures.

3. L’analyse des critères implicites du jugement des enseignants (par exemple aux examens) montre l’importance de ceux qui réalisent les valeurs des classes supérieures (distanciations, désintéressement, brillant et habileté d’expression). D’une manière générale, l’école dévalorise ce qui est proprement scolaire (d’où la fréquence d’annotations dépréciatives reprochant à un travail d’être scolaire), et valorise ce qui ne peut être acquis au cours d’un apprentissage extrascolaire, c’est-à-dire, d’abord dans la famille : ce sont donc les élèves originaires des familles non cultivées (donc des classes populaires) qui sont condamnés à être scolaires et dépréciés par l’institution.

Ces analyses permettent de comprendre le rôle que joue l’école dans la reproduction de la structure sociale. En affirmant l’égalité (formelle) de chaque élève devant l’enseignement qui lui est offert, en sélectionnant préférentiellement par examens et concours, l’école fonde l’idéologie qui la justifie, et, traitant de manière égale des individus inégaux vis-à-vis d’elle, accomplit son rôle de différenciation sociale. Ainsi elle ne justifie jamais mieux la structure de la classe que quand elle ne semble poursuivre que ses propres fins (la sélection des meilleurs selon ses propres critères), transformant ainsi des différences sociales en différences scolaires. En ce sens, l’inadaptation apparente de l’école au monde moderne (programmes démodés, etc.) est plus fonctionnelle qu’il n’y parait : elle contribue à fonder l’illusion de l’autonomie de l’école et de l’action de ses agents. La diffusion parmi les enseignants du secondaire et, surtout du supérieur, de l’idéologie du don, qui interprète en termes d’aptitudes innées, et subsidiairement, de mérite individuel, et différences de réussite scolaire, montre que ce rôle de conservation sociale reste très souvent dissimulé aux agents mêmes de l’institution, ce qui s’explique partiellement par les critères selon lesquels les enseignants eux-mêmes ont été sélectionnés.

Nous voudrions, à titre de conclusion, mettre le lecteur en garde contre certaines lectures fautives, mais fréquentes, des travaux de sociologie de l’éducation dont nous avons rendu compte. En premier lieu, on ne saurait imputer à la volonté des agents de l’institution scolaire, et, d’abord, des enseignants, le rôle de conservation sociale de l’école. Comme les agents des autres institutions sociales, les enseignants ne sont pas, le plus souvent, en situation de percevoir immédiatement toutes les fonctions de l’institution qu’ils servent.

En second lieu, la mise en évidence de la fonction de conservation sociale remplie par l’école ne signifie pas que celle-ci conserve et reproduise à elle seule, en toutes circonstances, la structure de classe : l’affectation des travailleurs aux différents emplois ne dépend pas exclusivement de l’institution scolaire, puisqu’un nombre considérable de cadres moyens et supérieurs ne possède pas les diplômes qui correspondent formellement à leur emploi. L’école n’est pas non plus le seul agent d’inculcation idéologique ; la famille et, dans une mesure variable les églises, les partis politiques, les relations de travail jouent également un rôle important.

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Antidotes, saison 2, épisode 8 – L’élitisme a-t-il été abandonné à l’école ?

L’école française est-elle trop égalitariste, au point de ne plus permettre que s’épanouisse l’excellence ? Ça n’est pas ce que montrent les évaluations internationales du type PISA ou Timss. En fait, les inégalités de réussite scolaire restent très marquées, et très liées aux inégalités sociales. Nous republions ce texte de François Dubet qui faisait déjà partie de notre première série d’antidotes en 2016.

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Antidotes, saison 2, épisode 7 – Les enfants d’immigrés, responsables de la baisse du niveau ?

Alors qu’une candidate à l’élection présidentielle propose un programme qui repose en grande partie sur un rejet de l’immigration et de tout ce qui lui est lié, il est bon de rétablir les choses concernant la scolarité et les résultats des élèves issus de l’immigration, et de combattre, inlassablement, une idée (trop bien) reçue.

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Livre du mois du n°572 – Exception consolante

Ce livre est d’une brulante actualité, à l’heure où fleurissent les discours contre « l’assistanat », à propos par exemple de l’utilisation de l’allocation de rentrée scolaire, où resurgissent les « internats d’excellence » dans une conception très méritocratique de l’école, où trop d’enseignants méconnaissent les difficultés des familles.

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Le livre du mois du n°559 – Enfances de classe : de l’inégalité parmi les enfants

Bernard Lahire, Seuil, 2019 Fruit d’un travail de recherche mené par dix-sept sociologues dirigé par Bernard Lahire, l’ouvrage, en 1 232 pages, explore en profondeur comment les inégalités s’instaurent dès la maternelle. « On peut dire que ces enfants qui naissent dans des environnements familiaux extraordinairement différents ne sont vraiment pas les mêmes enfants. Seule leur apparente […]

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Stéphane Beaud : « C’est rageant d’observer dans la durée cet immense gâchis »

Un coup de cœur pour le dernier ouvrage du sociologue Stéphane Beaud, La France des Belhoumi. Portraits de famille (1977-2017), sorti en mars 2018, nous a donné envie de lui donner la parole. Son projet de « donner une voix à ces descendants de l’immigration qui s’intègrent sans rien dire et sont pourtant stigmatisés » vaut d’inviter à lire cet ouvrage.

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Lutte contre les inégalités et EPI

La réforme du collège entend « mieux lutter » contre les inégalités, en s’intéressant aux pratiques en classe mais l’efficacité des mesures est fréquemment remise en cause par ceux qui ne veulent pas de cette réforme. Prise de position et visite guidée des EPI sous l’angle de la lutte contre les inégalités.

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Réduction des inégalités sociales et scolaires

Le système scolaire français est inégalitaire. L’origine sociale des élèves pèse sur leur destin scolaire. Ni l’allongement de la scolarité avec la massification du lycée et de l’enseignement supérieur, ni la politique volontariste d’éducation prioritaire entreprise depuis près de quarante ans pour réduire les échecs dans les zones au public le plus défavorisé n’ont limité le poids des facteurs sociaux. Les inégalités dans les carrières scolaires et dans l’accès aux diplômes les plus valorisés tiennent pour partie à des choix d’orientation socialement différenciés et aux stratégies des familles favorisées en matière d’établissement ou d’options dans le secondaire. Mais ces inégalités sont également liées à des inégalités d’apprentissages que mesurent notamment les évaluations internationales et qu’on constate dès les premières années de l’école primaire.

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L’école et les inégalités : une urgence sociale

L’école française est inégalitaire, PISA nous le rappelle à chaque rapport. Ces inégalités sont bien sûr en partie crées à l’extérieur, mais l’école ne peut pas se dédouaner d’une action plus équitable. Car les pratiques pédagogiques peuvent aussi être créatrices d’inégalités. Cette question doit être présente dans le débat public durant la campagne présidentielle.