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Les balades pédagogiques : apprendre du dehors

Pour contribuer à reconnecter les élèves à leur environnement, naturel comme urbain, les balades pédagogiques apparaissent comme une pratique innovante essentielle. Plus qu’une simple sortie scolaire, elles deviennent un outil d’apprentissage interdisciplinaire, immersif et actif.

Apprendre par l’observation, l’exploration et l’interaction avec l’environnement, même sans espace vert à disposition, et quel que soit le niveau d’enseignement, telle peut être la vertu des « balades pédagogiques ». Elles ont comme support une cartographie numérique permettant un déplacement géolocalisé et un apport multimédia. Et sont adaptées à tous les types de pratiques pédagogiques. Elles visent l’apprentissage de savoirs académiques autant que de savoir-être. Elles peuvent être créées par les élèves et mises à disposition pour d’autres classes en tant que commun numérique.

Il s’agit en fait d’un pratique ancienne, présente dans les premiers programmes de l’Éducation nationale quand les instructions officielles du 20 juin 1923 décrivent les « classes promenades », développées et promues par la pédagogie Freinet. Avec les balades pédagogiques, c’est tout l’environnement de l’école, devenu « territoire apprenant », qui peut être exploité pour développer toutes sortes de compétences.

Des compétences qui se développent

Les balades pédagogiques ne sont pas forcément des sorties régulières, même si elles peuvent le devenir ou s’inscrire dans un parcours qui englobe d’autres sorties, et elles ne sont pas obligatoirement en rapport avec la nature. Elles se situent dans le concept anglophone d’outdoor education.

Ce sont des apprentissages dehors et par le dehors. Une riche littérature scientifique met en évidence les avantages de ce type de pratiques. Elles permettent une interconnexion des apprentissages, en particulier en stimulant la créativité à travers l’expérience sensorielle

Elles participent d’une pédagogie active dans laquelle les élèves deviennent des explorateurs engagés et non de simples récepteurs d’informations. Cette pratique à un impact sur la citoyenneté, car elle permet de développer la compréhension des enjeux locaux (urbanisme, agriculture, patrimoine).

Afin de créer une balade, les élèves développent des compétences en recherche d’archives, en cartographie, en lecture d’articles encyclopédiques. Leur production est destinée à être publiée et utilisée par d’autres classes. Cela donne du sens et une exigence de qualité à la création de carte. Cela nécessite aussi le développement des connaissances concernant les droits d’auteurs et les licences.

Cette pratique favorise également l’intégration des élèves en difficulté, en donnant un aspect concret aux apprentissages et en valorisant les connaissances de tous. Par exemple, les enfants allophones observés se déplacent plus à pied que leurs camarades et connaissent mieux leur territoire. À une époque où l’autonomie des élèves est passée en quelques décennies du kilomètre à près de 0 km, ils développent une connaissance plus importante du quartier de l’école. Ils peuvent ainsi contribuer avec succès à la création de balades pédagogiques et lors de la participation, ce qui tend à modifier leur image dans la classe.

En route pour Marseille !

Des balades pédagogiques seront créées pour lesRencontres internationales de la classe dehors organisées par la Fabrique des communs pédagogiques à Marseille en mai 2025. Des ressources sont mises à disposition des enseignants contributeurs. Les classes pourront s’emparer de ces « briques » afin de créer leurs propres balades. Après validation, elles seront proposées aux participants aux Rencontres. Ce travail pourra être autonome, accompagné à distance ou sur site. Ainsi, à Callelongue, un doctorant formera des enseignants et leurs élèves à l’accompagnement d’autres classes dans un environnement naturel.
Des pistes de création et des ressources sont proposées autour du parc du vingt-sixième centenaire, site de la manifestation. Au centre de Marseille, c’est un ensemble de parcours culturels qui sont proposés à l’adaptation par des classes pour en faire des balades pédagogiques.

Un exemple a été créé autour du thème de la rafle oubliée. La rafle de Marseille s’est déroulée dans le Vieux-Port les 22, 23 et 24 janvier 1943. Accompagnés de la police nationale, dirigée par René Bousquet, les Allemands organisent alors une rafle de près de 12 000 personnes dont un millier est déporté. Le quartier est vidé de ses 20 000 habitants avant destruction.

Carte de la rafle oubliée sur uMap.

Chaque école pourra s’emparer de ces briques mais aussi utiliser son environnement immédiat. Une rue aux enfants, une place, un square, une ruelle, une friche, tous les sites sont dignes d’intérêt. Ils peuvent devenir des lieux d’apprentissage que les enfants vont s’approprier.

Les étapes à suivre

Afin de réussir cette création, certaines étapes sont à mener, elles s’inscrivent dans un projet qui couvre une période scolaire.

La phase de préparation permet de choisir le lieu, de définir les objectifs et d’anticiper les contraintes notamment logistiques et de sécurité. La participation à une balade sur le site permet d’en comprendre les enjeux. Lors de cette sortie, les élèves sont impliqués en utilisant des outils (cartes imprimées et numériques, appareil photo, carnet de notes) et des méthodes interactives (questions ouvertes, jeux de recherche et d’observation). Un type de balade pédagogique particulièrement impliquant pour les élèves est la recherche de lieux illustrés par des cartes postales anciennes.

La phase suivante est l’utilisation des observations de terrains enrichies d’articles documentaires et d’illustrations libres de droits pour produire des travaux écrits, oraux ou artistiques en classe. Ces productions sont organisées afin de les intégrer dans la balade pédagogique créée par la classe. Un travail cartographique peut être mené pour créer la carte numérique support sur le logiciel uMap dès le cycle 3.

Les parcours culturels – Des briques pour la création de balade pédagogiques.

La création de balades pédagogiques présente des défis. Il peut être nécessaire de dépasser des résistances chez les enseignants, résistances liées à leur changement de statut, à la peur du manque de connaissances, et à la dimension technologique.

Ce travail implique une pédagogie de projet nécessitant la collaboration des élèves. Une courte formation, voir une autoformation à l’utilisation du logiciel de cartographie permet de résoudre les appréhensions techniques. Concernant la dimension pédagogique un compagnonnage, l’implication et les réussites des élèves encouragent les enseignants à sortir de la « forme scolaire ».

Hervé Baronnet
Professeur des écoles dans l’académie de Bordeaux, membre de la Fabrique des communs pédagogiques

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Sur notre librairie

Couverture du numéro 570, « Apprendre dehors »

Couverture du numéro 559, « L’aventure de la géographie »