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Bravo pour ton erreur !

On apprend tous de ses erreurs, mais peut-on apprendre des erreurs des autres ? Exemple d’un dispositif en CM2 permettant à chaque élève volontaire de partager les siennes au tableau et, en la corrigeant, de montrer ses progrès à la classe.

Depuis longtemps, j’ai abandonné les corrections collectives avec ce constat personnel et parfois partagé que ce sont le plus souvent des temps longs, investis par les élèves connivents. En effet, l’élève ne reprendra pas seul ces corrections, sauf s’il est aidé de ses parents. Ces traces deviennent vite des écrits oubliés et donc inutiles… L’effet feedback recherché n’a donc pas lieu.

Quand j’ai mis en place le plan de travail dans la classe, un des objectifs ciblés était de me permettre de proposer des temps de correction individuelle sous forme de « rendez-vous ».

En corrigeant son cahier du jour, j’ai pu remarquer que Nadia avait des difficultés pour accorder les participes passés de verbes employés au passé composé avec l’auxiliaire être et avoir. Afin de pouvoir l’aider, je l’ai inscrite au tableau des « rendez-vous » du jour. Durant la plage horaire consacrée au plan de travail individuel, je l’ai appelée pour qu’elle se rende à la table de soutien :

« J’ai remarqué que, dans l’exercice sur l’accord des participes passés, il y avait beaucoup d’erreurs. On va reprendre ça ensemble. Est-ce que tu te rappelles de la règle de l’accord des participes passés ?

— Oui ! Avec « être » on accorde et avec « avoir » on n’accorde pas.

— Très bien, mais qu’est-ce qu’on avait vu en classe mais que tu n’as pas appliqué dans cet exercice pour être plus sûre de toi ?

— J’ai oublié d’entourer les indices et d’appliquer la leçon pour accorder les participes passés.

— Tu veux qu’on le fasse ensemble ?

— Non, ça va aller. Mais je veux bien rester à côté de toi. »

Un dispositif d’accompagnement

Nadia est alors partie chercher sa « recette pour accorder les participes passés sans se tromper ou presque » dans le classeur de leçons. Dans un premier temps, elle a relu seule puis, avant de reprendre son travail, dit : « Ah oui, c’est bon ! Je m’en souviens maintenant ! » Munie de son crayon de papier et sans que je l’aide davantage, elle a entouré puis identifié les auxiliaires utilisés.

Dans un second temps, elle a repéré les groupes sujets puis elle a dessiné une flèche jusqu’au participe passé employé avec l’auxiliaire être et une croix sous l’auxiliaire avoir. Ensuite, elle a remplacé son groupe sujet par un pronom personnel pour mieux écrire la fin du participe passé.

Nous avons alors conclu ensemble :

« Tu vois, c’est beaucoup mieux, Nadia. Qu’est-ce que tu dois faire maintenant pour mieux accorder les participes passés ?

— Je dois regarder si c’est l’auxiliaire être ou avoir.

— Quand tu réfléchis sous les mots et que tu n’écris pas au hasard, tu es presque toujours sure de ne pas te tromper. Veux-tu partager ton erreur avec tes camarades ? »

Le partage volontaire de l’erreur

Nadia s’est alors inscrite sur l’affichage « Bravo pour ton erreur », pour partager et expliquer sa procédure de correction à ses pairs. Si un élève ne souhaite pas prendre la parole, je peux partager l’erreur à sa place sans le nommer. Ses camarades seront alors en recherche d’une solution adaptée à la situation proposée, telle que l’analyse d’un cas pratique anonyme. Nadia est donc venue présenter son erreur.

Tableau d’inscription « Bravo ».

Elle a inscrit une phrase au tableau et a commencé sa présentation : « Au début, j’avais écrit comme ça, puis ensuite, avec le maitre, je me suis rappelée de la recette de grand-mère. » Elle reprend alors sa phrase, applique les conseils vus en entretien et finit par dire : « Pour accorder les participes passés, il faut bien repérer l’auxiliaire. » Elle retourne alors à sa place et les élèves la remercient en chœur : « Merci pour ton erreur ! »

Nourrir la vigilance de chacun

Comme tous les élèves sont concernés et qu’ils sont volontaires, il n’y a pas ce sentiment de stigmatisation. Au contraire, en se corrigeant devant les autres, l’élève montre ses progrès à tous ses camarades. Après chaque passage, nous le remercions en applaudissant, car son erreur aura nourri la vigilance de chacun. Cela permet également de dédramatiser et l’élève peut alors se concentrer sur sa réflexion personnelle : « Pourquoi je me suis trompé ? Quelles solutions puis-je trouver pour progresser ? Que puis-je faire la prochaine fois ? » Ce temps lui permet donc de faire le point sur ses connaissances et de comprendre les raisonnements qu’il doit engager. Un retour métacognitif est ainsi partagé.

De mon côté, il m’a permis de constater les besoins de Nadia et de mettre en place des exercices supplémentaires sur son plan de travail pour renforcer cette notion qui semblait fragile.

C’est pour la classe un moment durant lequel chacun peut prendre conscience de l’importance de l’erreur, dans un environnement bienveillant, tourné vers le progrès et non la comparaison et le classement.

Nicolas Pontvianne
enseignant en classe de CM2, école du Bois d’Émery, Émerainville (Seine-et-Marne)

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