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La classe dehors pour faire évoluer la société

Développer la classe dehors est à la fois un enjeu social, pédagogique et écologique. Il y a mille et une manières de le faire : partager des réflexions et des bonnes pratiques entre professionnels, de la maternelle à l’université, voilà l’objectif des Rencontres internationales de la classe dehors, qui ont eu lieu à Marseille du 14 au 17 mai 2025. Les témoignages de deux participantes à cet événement organisé par la Fabrique des communs pédagogiques.

Une conférence et trois citations

La conférence « Communs et pédagogie : regards croisés, Italie, Brésil, France, en temps de nécessaire redirection écologique et dangers d’extrémisme politique », animée par Nicole Alix, présidente de La Coop des communs, a réuni Daniela Ciaffi, chercheuse au laboratoire Labsus (Italie), et Camilo de Lima Amaral, enseignant d’architecture au Brésil. J’en ai retenu trois citations pour retracer ces voix engagées pour une autre société.

« L’intelligence collective existe, mais elle est très transformée en capital par les plateformes numériques. » (Camilo de Lima Amaral)

Partout, tout le temps, et notamment sur les réseaux sociaux, des personnes s’interrogent et partagent des connaissances, s’inquiètent de la fragilisation de ce qu’ils partagent en commun : l’eau (parmi d’autres ressources naturelles), leurs écoles ou encore la démocratie. Pour les entreprises du numérique, ces questionnements sont des données monétisables, mais pour les citoyens, ils sont une ressource pour rendre les sociétés plus écologiques et plus démocratiques. Pour mettre ces connaissances en commun, de nombreuses communes italiennes ont ouvert les écoles sur les temps hors scolaires afin que celles-ci soient à la fois service public et bien commun.

« Il n’est jamais trop tôt pour se questionner sur la verticalité du pouvoir. » (Nicole Alix)

Les communs se caractérisent par un système de gouvernance où la question du pouvoir vertical est remise en question. Cette gouvernance horizontale a permis à de nombreux projets progressistes, comme celui de l’école comme bien commun de se maintenir, malgré la prise de pouvoir de l’extrême droite. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient été mis en place par des communautés locales plus durablement installées que les pouvoirs exécutifs.

« Nous nous sommes rendu compte que ce que nous appelions de l’innovation pédagogique et sociale était en fait un engagement politique. » (Daniela Ciaffi)

Ouvrir les écoles, mener des conseils démocratiques avec les enfants sur des aires écologiques, mettre en commun des ressources naturelles et réfléchir à leur gestion dans des communautés locales… Tous ces projets et façons de vivre l’école et l’engagement associatif peuvent être perçus et appelés « innovation ». Mais ils sont surtout politiques, parce qu’ils ont pour objectif de changer la société.

Céline Cael
Enseignante de SES en lycée en Seine-Saint-Denis

 


« Les enfants joyeux sauveront le monde »

Plusieurs jours passés aux rencontres internationales de la classe dehors m’ont permis de croiser des acteurs, des associations vivant au quotidien et faisant vivre des projets riches de sens, des leviers pour faire avancer notre monde ouvert au-dehors dans l’objectif de préserver notre planète et l’espèce humaine.

J’ai croisé le GPAS (Groupe de pédagogie et d’animation sociale). En s’appuyant sur les pédagogie de Célestin et Élise Freinet, Paolo Freire (Brésil), Janusz Korczak (Pologne), il s’installe sur les espaces publics et propose, dans un premier temps, des activités de proximité aux enfants entre 6 et 12 ans, puis les invite à sortir de leur quartier pour créer les projets qu’ils ont envie de réaliser.

Ces éducateurs de rue, à la croisée de plusieurs métiers (sociaux et pédagogiques), leur font rencontrer des personnes spécialisées afin qu’ils acquièrent les compétences ou le savoir qui leur sont nécessaires. Des livrets, des cartographies sont édités, pour valoriser leur projet et en laisser une trace.

J’ai aussi écouté des Québécois qui nous ont expliqué et fait vivre leur éducation au plein air. D’entrée de jeu, ils signalent que cette pratique a une forte incidence sur la performance scolaire des élèves, sur leur perception d’eux-mêmes, et que l’impact est à long terme. Le coenseignement permet la différenciation pédagogique et permet à chaque jeune de prendre conscience de son propre rythme (courir ou marcher), dans les apprentissages aussi. Ils sont ainsi plus épanouis dans les activités.

Nous avons ensuite, par petits groupes, expérimenté l’éducation au plein air canadienne par la coopération. Il s’agissait de s’orienter dans le parc du 26e Centenaire à partir d’une carte et d’un GPS et de trouver des animaux de la forêt canadienne d’après leur définition.

Puis il y a eu la conférence passionnée de Louis Espinassous, pionnier de l’animation nature et conteur, qui nous a expliqué en quoi seuls les enfants joyeux sauveront l’humanité. « La joie ne peut pas se passer du corps. Le cerveau qui suit le mouvement, c’est le geste qui construit la pensée », dit-il. Impressionnant, cet homme qui vit ses paroles et nous transporte dans son extraordinaire expérience dans la nature !

Par ailleurs, plusieurs élus de Lille, Lyon et Montpellier, et des acteurs associés du dispositif Ville à hauteur d’enfants ont présenté leur projet initié par l’Unicef : un dispositif qui met à l’honneur la parole et donne du pouvoir d’agir aux enfants dans un laboratoire, lieu de réflexion et de création de projets portés par le conseil municipal des enfants. Enseignante, j’ai été très intéressée de connaitre le point de vue des collectivités dans la mise en œuvre d’un tel dispositif et leur motivation, leur implication.

J’ai assisté à d’autres ateliers, tables rondes, conférences et ne vais pas tout évoquer ici, mais je ressors grandie de ces partages d’expériences dans la simplicité et la bienveillance. Me voilà encore plus motivée pour poursuivre la classe dehors avec mes élèves ! Je me suis aussi nourrie de cette grande diversité de dispositifs qui poussent à vivre dehors pour apprendre et dans le respect de chacun, à l’image de ces Rencontres internationales d’école dehors.

Un grand merci à toutes celles et ceux qui les ont rendues possibles !

Jeanne-Claude Mori
Directrice et enseignante en maternelle et membre du conseil d’administration du CRAP-Cahiers pédagogiques
Banderole réalisée pendant les rencontres de La classe dehors

Banderole réalisée pendant les rencontres de La classe dehors. ©Cécile Blanchard


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