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Objectif mer
Le collège Django-Reinhardt de Toulon a beau être situé à moins d’un kilomètre de la Méditerranée, tous les élèves ne sont pas familiers avec l’environnement marin. Le projet « Objectif mer », inscrit dans un parcours citoyen en lien avec la protection des mers et océans, a permis aux élèves volontaires d’élargir leurs connaissances et de prendre conscience des actions à mener pour protéger ce milieu fragile. Entretien avec une des initiatrices, Anne-Cécile Laudon, professeure de français.Au départ, Francis Hélias, un ancien sous-marinier qui était au conseil d’administration de l’établissement, personne qualifiée de la réserve citoyenne, nous a parlé de navigation possible avec des enfants du collège. Il nous a mis en contact avec Stéphane Mingueneau, capitaine de bateau ayant déjà travaillé avec des jeunes en difficulté pendant des années. Le professeur d’EPS du collège, Sébastien Louchet, a décidé de monter un projet dans une classe de 4e autour de la mer au collège, à la rentrée 2018.
Le projet a dû être arrêté en raison du covid. Après le covid, nous avons décidé de remonter le projet avec la même équipe, dans le cadre de Néfle (« Notre école, faisons-la ensemble »), en orientant le projet davantage vers le développement durable et l’orientation scolaire. Katia Rebourg, enseignante de SVT et formatrice académique en éducation au développement durable, Sarah Jacquetton, en sciences physiques, et moi-même avons remonté ce projet sur les traces de celui de Sébastien Louchet, qui nous a aidées pour la nouvelle version. Ce projet « Objectif mer » se fait en partenariat avec l’entreprise solidaire Seanergies Océanes et l’association Idem2 (Institut de découverte de l’environnement et du monde marin).
Oui, nous sommes parvenues à impliquer quasiment toutes les disciplines. En maths, c’était essentiel, car il y a de nombreux calculs à effectuer pour la navigation. On a expliqué notre projet en conseil pédagogique et demandé qui était volontaire, sur la base bien sûr des programmes de la discipline. Il a fallu d’ailleurs faire des choix. Nous avons parfois mutualisé nos heures français-mathématiques pour travailler sur des textes, y prendre des données pour ensuite faire des calculs mathématiques permettant de mesurer des distances, des temps de navigation dans notre environnement géographique entre Toulon et Hyères.
Nous avons présenté le projet dans toutes les classes de 5e ; nous avons eu beaucoup de volontaires, qui devaient tous rédiger une lettre de motivation. Nous avons bien convenu et déclaré que les résultats scolaires ne seraient pas pris en compte dans la sélection. Nous avons veillé à respecter l’hétérogénéité, notamment entre ceux qui exprimaient leur envie de travailler sur la protection de l’environnement et d’autres, souvent quelque peu décrocheurs, qui avaient envie de s’en sortir en travaillant dans un autre cadre… disons entre ceux qui déclaraient « vouloir sauver la planète » et ceux qui « n’aimaient pas l’école ». Lorsqu’un élève qui avait eu de gros problèmes de comportement s’engageait à changer et à s’investir, nous savions qu’une place dans le projet pouvait lui donner une seconde chance.
Cette année, nous avons impliqué les élèves de la classe pour présenter le projet aux futurs 4es. Il faut bien dire que, même si le collège est tout près de la mer, beaucoup ne la connaissent pas et sont très éloignés des questions écologiques.
La moitié des élèves du projet de l’année 2024-2025 ont choisi de présenter leur travail au brevet des collèges cette année. Nous avons travaillé la dimension orale autant que celle de l’écrit, avec la rédaction d’un journal de bord : chaque action ou réflexion liée au projet a fait l’objet d’un compte-rendu et de publications dans le journal du collège. Les élèves avaient leur porte-vue du projet avec eux dans tous les cours.

© DR.
Le principe est qu’aucun élève ne perde une heure de cours. Lors d’une sortie – toujours accompagnée d’une des trois professeures référentes du projet – les élèves qui restent en classe sont chargés de prendre des notes et de réexpliquer le cours ensuite aux camarades participant à la sortie en mer.
C’est une obligation qui rend aussi les élèves plus attentifs ! Chaque élève était engagé auprès d’un autre élève pour lui transmettre les leçons manquées, lui expliquer, lui permettre de réussir dès son retour en classe. Nous avons pu remarquer que des élèves s’investissaient davantage dans leurs rôles de « transmetteurs » que pour eux-mêmes. Ce système de binôme est très important pour responsabiliser les élèves.
Chaque élève a pu ainsi bénéficier de deux jours et une nuit en navigation sur les iles d’Or de Hyères.
Nous avons obtenu 42 000 euros pour trois ans dans le cadre du dispositif Néfle, mais tout cela n’aura qu’un temps et il nous faudra trouver d’autres subventions. À côté de cela, nous avons des partenaires qui travaillent bénévolement. La marine nationale nous a emmené à l’ile du Levant gratuitement : nous avons pu découvrir une histoire dramatique, celle du bagne pour enfants, avec la collaboration de l’écrivain Jean-Jacques Rocca.
Nous avons découvert la réalité historique de la colonie agricole grâce à l’ouvrage de Claude Gritti sur le sujet (Les Enfants de l’île du Levant, JC Lattès, 2009), puis nous avons approfondi nos connaissances lors d’un entretien avec Jean-Jacques Rocca.
Ce qui a aussi permis une validation du projet, c’est le travail sur l’orientation et les métiers de la mer, aussi bien de techniciens que ceux liés à la protection du milieu marin. Autant de découvertes pour les élèves, qui ont interviewé des professionnels et visité un centre de formation aux métiers de la mer, l’IPFM (Institut de promotion et de formation aux métiers de la mer) à La Seyne-sur-Mer.
Notre objectif, outre celui de souder et responsabiliser un groupe, était de sensibiliser à notre environnement. Ainsi, la connaissance de Port-Cros, de l’ile du Levant et de Porquerolles nous a interrogés sur la gestion des ressources sur les iles, sur la problématique de l’eau, sur la gestion des déchets, sur notre consommation au quotidien. Les élèves ont bien compris qu’un changement de comportement de chacun est nécessaire à notre avenir, à notre santé, à notre environnement.
Certainement. On peut avoir ici ou là un échec, mais la plupart des élèves ont vraiment amélioré leur comportement et ont eu de meilleurs résultats.
Le 10 juin 2025, nous avons présenté notre projet lors de la conférence de l’ONU sur les océans, à Nice. Ça a été un moment enthousiasmant ! Les élèves ont osé prendre la parole au micro, des auditeurs ont félicité leurs connaissances et leur qualité d’expression à propos des sujets environnementaux.
Les élèves ont pris conscience des liens, par exemple, entre consommer de la viande ou du saumon et les pesticides sur les céréales, ainsi que le chalutage de fond pour faire des farines afin de nourrir les élevages de saumon.
Je crois qu’ils ont progressé dans leur conscience environnementale, aidés aussi par toutes les rencontres qu’ils ont faites, avec le WWF France, partenaire essentiel du projet, mais aussi lors d’échanges avec des personnalités engagées rencontrées au fil des années comme Camille Étienne, François Sarano, Laurent Ballesta ou Hugo Clément, venus au théâtre Liberté de Toulon pour le théma Passion bleue, auquel les élèves du collège Django-Reinhardt participent. Ils ont pu aussi relier des phénomènes qui pouvaient leur paraitre éloignés, par exemple quel type de consommation a des répercussions sur l’environnement marin ou autre. Ils ont souvent été des ambassadeurs auprès de leurs familles : certains ont pu témoigner du changement de comportement et des prises de conscience dans leur famille en raison du projet.
Tout cela n’a été possible qu’en l’inscrivant dans une pédagogie de projet qui permet à l’élève de se construire comme un citoyen acteur dans la société qui l’entoure.

© DR.
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