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La COP des enseignants et ses prolongements
Djian Sadadou : Ma mission est de faire connaitre l’OCE en France et ailleurs, et de contribuer à organiser une communauté de partenaires et d’enseignants, écouter leurs besoins pour pouvoir produire des outils et ressources adéquats. J’ai rejoint l’OCE il y a un an. Avec Lydie, nous avons donc lancé un évènement innovant : la Teachers’COP. Cela n’existait pas alors même qu’il y a de nombreuses COP : celles des villes, des jeunes, des entreprises, etc. La mission de l’OCE est de faire le pont entre la science et la pédagogie, et justement, la COP pouvait être ce lieu de rencontre. Nous avons ainsi monté en amont plusieurs sessions de brainstorming pour demander à une centaine d’enseignants d’une vingtaine de pays différents, de la France à l’Indonésie ou au Pérou, leurs besoins, leurs attentes et surtout leurs limites pour essayer de dégager un ensemble de propositions. Puis nous avons lancé une invitation à se connecter pour voter lors de l’événement de Glasgow afin d’adopter ces propositions pour aboutir à une déclaration commune (avec près de 300 participants). On n’a pas retouché celle-ci, on a laissé les mots des enseignants pour que ce soit leur parole. On peut la trouver sur notre site internet, et on peut d’ailleurs la signer. La bonne surprise a été de voir que, quel que soit le contexte national, les enseignants ont à peu près les mêmes besoins, les mêmes idées. On peut ainsi apporter des réponses globales.
Nous avons présenté ce travail dans différents lieux : le pavillon français, celui du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et celui de l’Union européenne.
Lydie Lescarmontier : À la COP, il y a des « pavillons » qui organisent des événements. Bien sûr, nous n’avons pas participé aux négociations entre pays. Il y a aussi du « off », avec les ONG, etc. Nous, nous avons essayé de faire entendre la voix des enseignants. Mais nous avons aussi participé à un événement organisé par l’Unesco avec des ministres de l’Éducation. Une quinzaine de pays se sont engagés à mettre en place dans les programmes scolaires les questions climatiques. La France n’était pas signataire de cet engagement…
D.S. : Un vent a soufflé. Le changement climatique prend de plus en plus d’ampleur dans les systèmes éducatifs, surtout si on prend aussi en compte les demandes des mouvements de jeunesse. On cherche à renforcer la collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale, en travaillant en même temps avec le ministère de l’Écologie. Nous travaillons aussi par ailleurs avec d’autres pays comme le Royaume-Uni et son ministère de l’éducation et des partenaires locaux.
L.L. : Il faut impliquer les élèves dans la tranche 9-15 ans surtout. C’est à cet âge-là que l’on peut faire réfléchir sur les comportements nécessaires pour atténuer les effets du changement climatique ou s’y a adapter. On ne doit pas commencer au lycée, mais bien avant. C’est une éducation qui ne peut pas en rester au seul plan scientifique, mais couvrir toutes les disciplines. On fournit des outils pour travailler sur l’écoanxiété ou sur la justice climatique, et cela concerne aussi bien la philosophie que l’EPS ou les langues.
Un autre retour des enseignants, c’est la nécessité de revoir la structure des cours et développer des logiques de projets transversaux. De même, revient le thème de l’accompagnement des enseignants, avec un apport d’experts. Pour l’heure, cela reste l’affaire d’une poignée d’enseignants déjà engagés comme citoyens. Ils doivent pouvoir bénéficier de ressources, directement liées aux programmes scolaires, accessibles facilement. Est ressortie aussi l’idée de redonner de la valeur à l’école, ce qui est un peu oublié aujourd’hui. L’école est un lieu éducatif où peuvent aussi s’apprendre des comportements nouveaux et elle doit être exemplaire (bilan carbone, alimentation dans les cantines, etc.).
D.S. : J’ai bien aimé cette récurrence du thème de l’école qui doit être « inspirante », qui doit permettre de se projeter dans le futur.
Dans la déclaration, finalement, on trouve bien une dimension politique. Peut-on enseigner les changements climatiques sans s’interroger sur les dégâts de la mondialisation, sur les questions de justice sociale, de modèle de société ?
L.L. : Notre ADN, à l’OCE, c’est la science. Nous sommes pour la plupart des scientifiques à la base. Nous sommes là non pour dicter une conduite, mais pour présenter les faits (c’est la même chose pour le GIEC, d’ailleurs). Nous ne sommes pas « militants », mais totalement objectifs. Bien sûr, nos analyses montrent l’importance de décarboner l’économie, mais après, chacun va juger si on est ou pas sur cette trajectoire.
D.S. : Nous travaillons à 70 % dans la dimension internationale, avec donc des contextes très différents. Les besoins de formation scientifique sont partout criants. Notre rôle est d’éveiller l’esprit critique, ce qui permettra aux jeunes de faire des choix citoyens plus tard. Le défi est de parvenir à toucher tous les enseignants qui ne se sentent pas encore vraiment concernés par ces questions. Nous avons une mission de support aux politiques publiques. Va-t-on vraiment mettre la question climatique au cœur des programmes et pratiques, ou au moins voir dans chaque discipline comment on peut systématiquement intégrer un lien avec le changement climatique ?
L.L. : Nous n’avons pas vraiment de programme. Nous répondons à des demandes, à partir des thématiques du GIEC, comme les océans, et des « solutions », nous proposons aussi des outils pédagogiques.
D.S. : Nous venons de tenir une université d’automne avec des enseignants de diverses disciplines dans cette perspective pendant une semaine. Nous organisons aussi des webinaires avec des climatologues
Il faut développer l’inventivité des enseignants. Je pense à cette enseignante du Pays de Galles qui raconte comment elle a fait inventer une chanson sur le changement climatique, ou à la mise en œuvre de pièces de théâtre, ce qui permet aussi de communiquer avec les parents. Dans chaque matière, on peut trouver des idées et les mutualiser.
L.L. : On a fait aussi des ateliers en EPS sur l’effet de serres et ça fonctionnait très bien.
D.S. : On peut aussi évoquer les « climathons », où l’école s’allie avec la communauté locale pour découvrir ensemble des solutions, en sollicitant divers métiers, de l’ingénieur au policier.
D.S. : Je voudrais pour finir évoquer les prochaines grandes étapes du travail de l’OCE. Nous avons trois moments-clé : en janvier un séminaire international avec une cinquantaine de participants de vingt-cinq pays différents, (en binômes, un décideur et un éducateur) avec visite de classes. Un autre événement à l’Unesco officialisera le fait que l’OCE est « centre Unesco », le seul au monde sur le climat. En mars-avril, nous publierons des ressources (manuel, vidéos, résumé du rapport du GIEC, formations) sur les Terres. Nous avons distribué cette année déjà 3000 guides pédagogiques.
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