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Enseigner le climat, un défi pour le futur

Qu’est-ce que le changement climatique? Quelles preuves en avons-nous? Et que pouvons-nous faire? Après avoir mené des ateliers avec les enfants des participants des rencontres d’été du CRAP-Cahiers pédagogiques, Mathilde Tricoire, responsable pédagogique à l’Office for Climate Education (OCE), organisation chargée de promouvoir et développer l’éducation au changement climatique. Après avoir présenté quelques bases scientifiques sur le changement climatique, elle a proposé des pistes pour travailler avec des enfants, en classe ou ailleurs.

Le changement climatique est une réalité, nous en avons des preuves observables. Il y a une hausse globale des températures d’un degré Celsius en moyenne en un siècle à l’échelle de la planète. Ce réchauffement -induit par les activités humaines- devrait atteindre 1,5°C autour de 2040. La hausse des températures s’amplifie donc ces dernières années. Elle n’est pas uniforme, et est très problématique au pôle Nord, où certains scénarios la voient aller jusqu’à 11 ou 12 degrés s0upplémentaires. Globalement, les continents se réchauffent davantage que les océans.
Graphique extrait du résumé à destination des enseignants de l’OCE basé sur le rapport spécial du GIEC <em>Réchauffement à 1,5°C</em>
Autre constat : les précipitations augmentent à certains endroits (Europe, Amérique du Nord) et diminuent ailleurs (en particulier dans les zones déjà sèches). En outre, les évènements extrêmes (feux, tempêtes, cyclones…) sont de plus en plus nombreux et le phénomène s’accélère. Et pour le coup, c’est quelque chose dont on peut facilement se rendre compte en gardant les informations ou en lisant la presse.

Ainsi, les problèmes associés au changement climatique ne sont pas les mêmes selon les pays et les modifications peuvent être globales ou plus locales et ponctuelles.

Le fameux effet de serre

L’effet de serre est un phénomène naturel et utile. Les rayons du soleil arrivent sur la surface de la Terre, qui se réchauffe et émet des rayons infrarouges, dont une partie est à son tour renvoyée vers la Terre par les gaz à effet de serre, dans une sorte de phénomène de pingpong. Phénomène utile, car si ce réchauffement n’existait pas, la température moyenne de la Terre serait de -18° C. Le problème actuel est lié à l’augmentation des gaz à effet de serre (CO2, méthane, protoxyde d’azote, gaz fluorés) qui retiennent davantage les rayonnements infrarouges et donc augmentent le réchauffement.
Schéma extrait du résumé de l’OCE à destination des enseignants basé sur le rapport spécial du GIEC <em>L'océan et la cryosphère face au changement climatique</em>

Les conséquences sont importantes sur la cryosphère (les pôles, qui sont les principaux réservoirs de glace). La fonte de la glace continentale (glaciers et icebergs) ajoute de l’eau à l’océan et contribue donc à la hausse du niveau des mers. Et la fonte de la glace de mer (banquise) comme celle de la glace continentale diminue les zones blanches qui réfléchissent les rayons solaires au profit de surfaces plus sombres, ce qui augmente la chaleur et participe à la fonte des glaces. Cela cause un cercle vicieux, qui est une des raisons pour lesquelles on a du mal à estimer le réchauffement.

Le changement climatique aura en outre des conséquences sur la biodiversité (en particulier avec la disparition possible des récifs coraliens qui abritent un quart de la biodiversité) l’agriculture: certaines régions vont avoir beaucoup plus de mal à produire des ressources alimentaires. Et enfin, la perte des habitats naturels pour nombre d’animaux et de plantes, avec en particulier le risque de disparition des récifs coraliens, qui abritent un quart de la biodiversité terrestre.

L’un des arguments des « climatosceptiques » est le fait qu’il y a déjà eu dans le passé des variations de concentration de CO2 et des températures et des hausses niveaux marins. Mais elles n’étaient pas de cet ordre-là, et ne se produisaient pas avec cette rapidité-là.

Que faire avec les enfants et les jeunes ?

Mathilde Tricoire souligne qu’une place importante doit être donnée aux émotions, qui sont extrêmement puissantes. Il faut en parler avec enfants et ne pas leur laisser croire que ça ne fait rien aux adultes, oser dire que cela nous inquiète.

En atelier avec les enfants des participants aux Rencontres d'été du CRAP-Cahiers pédagogiques

En atelier avec les enfants des participants aux Rencontres d’été du CRAP-Cahiers pédagogiques

Elle suggère de comparer la situation avec l’approche d’une météorite: dans ce cas, on ne comprendrait pas pourquoi les gouvernants n’agissent pas. Or, le changement climatique est en cours, et ils n’agissent pas. «C’est un phénomène plus difficile à appréhender, parce qu’extrêmement progressif, mais le réchauffement est en marche et ne s’arrêtera pas !» Ce problème distant peut et doit être rendu visible. Et on peut pour cela apporter des exemples locaux, proches des élèves et qu’ils peuvent observer.

On peut ensuite transformer ces émotions en processus créatif, pour transformer la peur en œuvres d’art. Le Réseau action climat propose des pistes et de solutions pour cela.

Susciter un engagement collectif

Et surtout, il faut valoriser ce qu’ils peuvent faire, et motiver l’engagement actif. Les messages de peur doivent donc être dosés, et accompagnés d’instructions et de conseils sur les actions à réaliser. Il est important de faire comprendre aux gens qu’ils ont un pouvoir, pour les mobiliser, car s’ils pensent qu’il n’y a pas de solution, ils se détourneront du problème.

Les gestes individuels (réduire ou supprimer la part de la viande dans l’alimentation, privilégier les déplacements à vélo, covoiturage…) ont un impact, qui peut aller jusqu’à 50 % des efforts nécessaires pour un ménage particulièrement exemplaire, et un quart pour un ménage dont l’engagement serait moyen. Mais cela doit se doubler d’un engagement collectif et politique fort (décarbonation de l’industrie, de l’agriculture…).

Atelier sur la montée des océans avec les enfants

Atelier sur la montée des océans avec les enfants

Pour enseigner le changement climatique, Mathilde Tricoire propose quatre points ou messages clé. À commencer par leur apporter une maitrise de la science du climat, ce qui est pour elle le plus important. Il faut aussi les éduquer à la science, c’est-à-dire faire de l’épistémologie, afin qu’ils comprennent les méthodes scientifiques et les résultats, et ainsi risquent moins d’entrer dans les théories climatosceptiques. Et elle recommande également d’adopter une démarche d’investigation et une pédagogie de projet.

Enfin, elle souligne que pour que les individus s’engagent, les figures de confiance ont un rôle important. Et pour les élèves, ces figures sont les enseignants. Pour le grand public, la société civile, ce sont les scientifiques.

Cécile Blanchard

Pour aller plus loin:
L’OCE a produit deux résumés de rapports du GIEC à destination des enseignants :
un sur le rapport spécial du GIEC Réchauffement à 1,5°C
un sur le rapport L’océan et la cryosphère face au changement climatique


Sur les Rencontres d’été 2020 du CRAP-Cahiers pédagogiques, lire également :
Vous avez dit holacratie ?, entretien avec Sylvie Fromentelle et Gwenael Le Guevel

Sur l’éducation à l’écocitoyenneté:
«Depuis que nous faisons grève les jeudis, la question climatique est au centre du débat.», entretien avec Adélaïde Charlier

Pour une culture générale du climat, par Valérie Masson-Delmotte

Éducation à l’environnement – Lettre ouverte du CRAP-Cahiers pédagogiques au ministre de l’Éducation nationale

Le défi du climat doit être aussi un défi pour l’école !, par Marie Duru-Bellat

«L’école héritée du XIXe siècle n’est guère préparée à travailler sur les valeurs qui s’imposent au XXIe siècle, entretien avec le collectif «Paris-éducation 2015»

Éveiller à la conscience écologique, par Laurent Brice

«Mes élèves n’adoptent pas de posture de négation vis-à-vis du changement climatique.», entretien avec Jean-Yves Vilcot


Photo du chapo par Catherine Rossignol