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À l’école de l’Assemblée

Née en Italie, Francesca Pasquini a grandi en France, où elle est arrivée à l’âge de 5 ans sans en connaitre la langue. Ses études l’ont menée des deux côtés des Alpes pour obtenir un master en sociologie des médias et un autre en criminologie. Sa carrière professionnelle commence dans le monde de la communication et de la publicité où, au bout de sept ans, elle ne se sent plus du tout « en phase. Je trouvais ce travail aliénant. Je produisais du chiffre d’affaires alors que je rêvais de travailler du côté de l’humain ».
Et puis, il y a dix ans, lorsqu’elle devient maman pour la seconde fois, elle prend le temps de faire le point. L’envie de travailler avec les enfants s’impose fortement. Elle postule comme contractuelle : elle est nommée en petite section de maternelle, où elle arrive peu préparée. « J’ai eu la chance d’atterrir dans une école où la direction et les collègues étaient formidables. L’Atsem était la première à me conseiller et à m’épauler. »
Le contexte bienveillant, les encouragements lui donnent envie de persévérer. Elle passe le concours avec succès, est nommée comme stagiaire en éducation prioritaire. « Les relations avec les parents et les enfants étaient géniales. J’aimerais enseigner à nouveau en REP. »
Élue locale depuis quelques années, elle tente en 2022 à la fois la liste d’aptitude aux fonctions de direction d’école et une candidature aux élections législatives pour les écologistes au sein de la Nupes. Elle est plus sereine sur ses conditions de réussite à la première ; elle obtient les deux.
Après le premier tour, elle écrit à son inspectrice pour la prévenir « au cas où », plus par acquit de conscience que par certitude. Après le second tour, elle lui envoie un message pour lui annoncer qu’elle est élue. « J’avais repris un poste de direction pour un remplacement. J’avais l’impression de partir comme une voleuse. »
L’impression est fugace car, très vite, elle a l’opportunité de s’impliquer à l’Assemblée nationale sur des travaux traitant de l’éducation en intégrant la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Elle est corapporteure d’une mission sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques. « Le Sénat s’était penché sur la question, mais uniquement sur le bâti scolaire. Nous avons ouvert sur d’autres sujets : les rythmes scolaires, l’alimentation, la végétalisation des cours d’école, les mobilités douces. » Le rapport rendu en décembre 2023 comprend cent recommandations, dont une préconise d’instaurer une demi-journée par semaine (cumulable dans l’année) pour faire classe dehors, avec l’appui d’un réseau de formateurs.
La mission s’appuie sur des auditions, dont celle de la Fabrique des communs pédagogiques, organisatrice des Rencontres internationales de la classe dehors, et sur des visites, à Marseille par exemple, pour avoir des exemples de rénovation des espaces scolaires.
Les questions explorées sont multiples. « Comment faire en sorte que la rénovation ne soit pas au coup par coup mais globale et rationnelle ? Comment les collectivités locales peuvent trouver des informations sur les budgets pour rénover l’école ? Comment faire classe dehors dans différents contextes ? »
Les questions portent aussi sur la consultation et l’implication des élèves et des parents, sur la débétonisation des cours, l’aménagement des espaces pour les dégenrer et qu’ils cessent également d’être des « bulles de harcèlement ». Elles concernent l’éducation à l’alimentation et la formation des chefs de cuisine à la cuisine végétarienne, les rythmes scolaires pour s’adapter aux épisodes de canicule.
Le rapport est attendu et valorisé, mais la valse des ministres freine les travaux pour la traduction des principales recommandations en proposition de loi transpartisane. À la suite de la dissolution, Francesca Pasquini n’est pas réélue, mais elle reste en lien et avec la corapporteure, qui a conservé son mandat, afin de poursuivre le travail.
À l’Assemblée nationale, elle intègre la délégation aux droits des enfants et s’investit sur le sujet des violences sexuelles faites aux enfants.
« Comment l’école peut les prévenir ? Comment sensibiliser les enseignants alors qu’un élève sur dix est concerné ? » Elle se lie avec l’association Les Papillons, qui a pour objectif de faciliter la parole des enfants en installant des Boites aux lettres Papillons® dans l’enceinte scolaire. Elles sont le plus souvent installées dans l’espace périscolaire avec l’appui des mairies, dans l’attente d’un agrément de l’Éducation nationale.
« Ce serait bien d’avoir plus d’adultes à l’écoute des enfants dans les écoles, plus d’infirmières et de psychologues scolaires. Mais en attendant, ce serait bien d’avoir ces boites aux lettres dans toutes les écoles. »
La députée participe également à la création de l’association Ambition école inclusive, au sein du palais Bourbon, avec pour ambition de « réunir toutes les petites associations et de porter la cause au niveau national ».
Lors d’un déplacement à Rome avec ses collègues députés, elle découvre un système qui permet une véritable inclusion. Pour chaque classe accueillant un élève en situation de handicap, un enseignant spécialisé est présent aux côtés de l’enseignant titulaire de la classe et parfois, en plus, celle d’un étudiant stagiaire en fin de parcours universitaire. Tous les soins apportés à l’élève se font dans l’école. « C’est une vision différente, avec cinquante ans d’expérience. En France, on ne peut pas tout changer d’un jour à l’autre, mais il faudrait que les AESH soient mieux payés et mieux formés. »
Sur ces travaux-là aussi, la dissolution pose un stop. Elle, de son côté, constate ce qui a été réalisé en deux ans, notamment avec d’autres élus enseignants. « Quand on est enseignant et élu à l’assemblée, on se rend compte du pouvoir que l’on a. On peut s’exprimer, proposer des axes d’amélioration, travailler dessus avec des partenaires de couleurs différentes et aboutir à des mesures consensuelles ».
Francesca Pasquini appréhendait son retour à l’école, ayant la sensation de ne pas être arrivée au bout des combats qu’elle souhaitait mener pour l’éducation et l’enfance. L’été est chargé de stress. Et puis, « à partir du moment où j’ai remis physiquement les pieds dans l’école, j’ai retrouvé les réflexes professionnels et la joie d’être là, entourée de mes collègues, avec les élèves ».
Dans ses fonctions de directrice à plein temps, elle s’appuie sur l’expérience accumulée à l’assemblée, les rencontres et les travaux menés avec les associations, les collectivités territoriales, différentes institutions ; les déplacements et les visites. « J’ai vécu un condensé d’expériences en deux ans que je n’aurais pu acquérir autrement. » Elle a d’emblée l’impression de mieux gérer les situations et les dossiers, de savoir où aller chercher les aides pour les projets.
Sur le plan managérial, elle mesure tout ce qu’elle a acquis en gérant une équipe et un foisonnement relationnel. « J’ai conscience d’avoir eu cette chance et de l’importance de mettre au service de mes collègues et de l’école ce que j’ai appris. Même si cela s’est arrêté brutalement, je continuerai à porter les sujets. »
Dès la rentrée, elle s’est saisie de celui des violences faites aux enfants en proposant à l’équipe pédagogique de discuter ensemble de toute situation qui semblait problématique. Une fois par semaine, une psychologue scolaire est présente dans l’école, deux fois pour l’infirmière. Elles sont parties intégrantes des échanges.
La classe dehors est un autre sujet qui lui tient particulièrement à cœur. « J’ai rencontré beaucoup de collégiens sur la question du changement climatique, l’écoanxiété était un sujet assez présent. Or, l’éducation au développement durable aide à réduire cette écoanxiété, car on sent qu’on peut avoir des clés individuellement. » L’idée, à terme, serait que tous les élèves deviennent des écodélégués, des ambassadeurs du développement durable auprès de leur famille.
Et puis, concède-t-elle, après avoir visité des villes pionnières comme celle de Poitiers, « je me demande s’il est toujours pertinent de faire tout le temps classe enfermés entre quatre murs… ».
Rapport d’information sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques
La Fabrique des communs pédagogiques
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