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PISA : l’école française n’est toujours pas en forme !

Que dit l’étude PISA de l’école française ? L’OCDE rend publics aujourd’hui les résultats de son étude internationale menée en 2022 sur les résultats des enfants de 15 ans. La France reste dans la moyenne, mais, comme chaque année depuis la réalisation de cette enquête, ça n’est pas ce qui compte vraiment.

Ce n’est pas la « faillite », le « désastre » que certains proclament non sans délectation. Mais les résultats de PISA 2022 (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) qui portent sur de nombreux objets (mathématiques, compréhension de l’écrit, sciences, bienêtre à l’école) ne sont pas particulièrement brillants pour notre école.

Certes, la France est en gros dans la moyenne des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Elle est quinzième en mathématiques, bien en dessous de pays comme la Corée, la Suisse ou l’Estonie. Avec une faiblesse partagée par de nombreux systèmes éducatifs quant à la capacité à « formuler des situations de façon mathématique ».

En maitrise de l’écrit, elle est aussi dans la moyenne. 73 % atteignent le niveau 2 (identifier l’idée principale, trouver l’information fondée sur des critères explicites et réfléchir au but et à la forme des textes). Ce qui veut dire qu’un élève sur quatre en 3e n’en est pas vraiment capable. On retrouve les mêmes pays en tête, auxquels il faut ajouter l’Irlande.

En sciences, même proximité avec la moyenne de l’OCDE. Ce n’est que dans ce domaine qu’on retrouve la Finlande dans le peloton de tête, celle-ci ayant baissé de façon importante dans les deux autres domaines. On trouve sur ce point en France, comme dans les autres domaines, autour de 7 à 8 % d’élèves très performants.

Des performances en baisse

On pourrait se contenter de cette place moyenne, mais il faut souligner qu’avec des performances en baisse, la France ne se maintient dans la moyenne que grâce à une baisse égale des performances dans la plupart des pays participant à l’étude. « Dans l’ensemble, les résultats de 2022 sont parmi les plus bas jamais mesurés par l’enquête PISA dans les trois matières », annonce l’OCDE. En mathématiques, la chute est vertigineuse : 15 points de moins qu’en 2018, alors que, jusque-là, les écarts d’une évaluation à l’autre n’étaient que de quelques points. Paradoxalement (ou pas ?), les élèves français se disent moins anxieux qu’il y a quatre ans vis-à-vis des mathématiques…

Et on retrouve le problème affligeant d’une corrélation forte des résultats avec la classe sociale, souvent plus forte qu’ailleurs en France. Celle-ci reste un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socioéconomique des élèves et la performance aux tests PISA est le plus fort. Petite consolation : cela ne s’aggrave pas sur la période 2012-2022. On note en mathématiques près de 30 % d’élèves en difficulté, et l’écart avec les élèves très performants est très important.

Et sur la proportion d’élèves « défavorisés » se classant parmi le quart d’élèves ayant obtenu les meilleurs résultats en mathématiques dans leur pays, la France est très mal classée. Cela ne concerne que 7 % d’élèves contre le double en Grande-Bretagne (et près de 20 % en Uzbekistan, où le niveau global est cependant plus faible).

Remarquons deux enseignements intéressants :
• Si les établissements privés réussissent nettement mieux, avec un chiffre d’enfants scolarisés en augmentation (21,6 % contre 16,4 il y a quatre ans), l’OCDE observe qu’ « après prise en compte du profil socioéconomique, l’avantage des établissements privés disparait » et même, au contraire, la supériorité revient nettement au public qui prend en charge tous les élèves…
• Les élèves issus de l’immigration ont globalement de moins bons résultats, mais c’est surtout vrai pour les élèves issus de la première génération d’immigration (5 % des élèves). Dès la seconde génération, les choses s’améliorent. Et comme un élève immigré sur deux vient d’un milieu défavorisé, il faut là aussi prendre en compte ce biais pour juger des résultats, car toutes choses égales sur ce point, l’écart est inexistant par rapport aux autres élèves (d’autres études suggèrent qu’ils font même mieux).

Une forte anxiété des élèves

Concernant le bienêtre des élèves, là aussi, nous nous situons dans la moyenne de l’OCDE. Mais de 2015 à 2022, on est passé de 7 % à 16 % d’élèves non satisfaits de leur vie (en général). Cependant, « le sentiment d’appartenance à leur établissement s’est amélioré », relève l’étude. Ajoutons un constat qui n’est pas nouveau, mais plus qu’inquiétant : « La France est un des pays où les élèves déclarent percevoir le moins de soutien de la part de leurs enseignants. »

Ainsi, seule la moitié des élèves déclare que leur professeur en mathématiques s’intéresse aux progrès de chaque élève (moyenne OCDE : 63 %, Japon : 74 %). Alors que les élèves qui bénéficient d’un soutien plus important obtiennent de meilleurs résultats en mathématiques et sont moins anxieux.

Un écart spectaculaire avec l’ensemble des pays concerne le retour écrit des élèves sur la vie dans l’établissement. Il est très faible en France, selon ce que déclarent les chefs d’établissement : 18 %, contre 72 % de moyenne pour l’OCDE.

Un des aspects du rapport PISA concerne l’usage des appareils numériques en classe. Lorsque celui-ci reste modéré, c’est bénéfique pour les apprentissages (on s’en doutait un peu !). Il faut noter que beaucoup d’élèves font allusion à la distraction due aux appareils numériques pendant le cours de maths (un sur quatre, la France dans la moyenne).

Enfin, sur le redoublement, peu répandu dans le monde, il est en fort recul en France. On est passé en vingt ans de 40 % (élèves ayant redoublé au moins une fois avant 15 ans) à 10 %, pour rejoindre la moyenne OCDE. Cette baisse ne s’est nullement accompagnée d’une baisse des performances. Rappelons qu’une étude de l’OCDE avait estimé son cout à deux milliards par an, soit 5 000 euros par élève, sans parler du cout humain, souvent considérable à moyen terme.

Classes de niveau

Concernant le débat actuel sur les classes ou groupes de niveau, l’étude PISA ne permet pas d’avoir un avis tranché sur l’efficacité ou non du regroupement d’élèves. Les résultats semblent être négatifs pour les classes de niveau, mais ils peuvent en revanche être positifs pour des regroupements limités à certaines matières, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit de groupes de niveau ou constitués autour de compétences ciblées, ce qui change beaucoup la donne…

En tout cas, dans une communication à la presse, Eric Charbonnier, expert en éducation au sein de l’OCDE et responsable de l’étude Pisa en France, souligne que les classes de niveau ne peuvent se mettre en place que dans certaines conditions, pour pouvoir accompagner les élèves les plus en difficulté. Or, en France, comme nous l’avons dit, le soutien des enseignants est perçu par les élèves comme insuffisant pour la moitié d’entre eux. Et Eric Charbonnier de plaider pour une meilleure formation des enseignants français à la pédagogie, à la prise en compte des différences, au travail en équipe dans l’établissement.

Il note en outre que les regroupements par niveau n’ont pas d’effet positif concernant le sentiment d’appartenance à l’établissement et les relations entre élèves.

Bien d’autres enseignements sont sans doute à tirer de cette évaluation. On sait que chacun tire les résultats à soi et y lit ce qui l’arrange. La tentation sera grande d’incriminer tel ou tel aspect de notre école : pas assez de « transmission », pas assez de pédagogie ? Le fait que beaucoup d’élèves1 se plaignent d’une mauvaise discipline dans la classe doit-il conduire à un renforcement de « l’autorité du professeur » ou à une meilleure gestion de la classe qui articule exigence et bienveillance ? La période du covid peut aussi être un bouc émissaire facile. Certes, il y a eu des effets négatifs, mais pourquoi seraient-ils plus forts en France que dans des pays qui ont su, par exemple, davantage faire exister les liens entre enseignants et élèves avec des outils numériques ?

Quoi qu’il en soit, l’école ne va pas bien, il n’y a pas de solution miracle pour améliorer les choses. Les résultats de PISA peuvent nous aider à y voir plus clair, mais surement pas nous donner de « bonnes recettes ».

Jean-Michel Zakhartchouk
PISA évalue un échantillon d’élèves dans quatre-vingt-un pays, avec, en France, 6700 élèves représentant les 781 000 jeunes de 15 ans. Les tests portent sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique mais, plutôt que la maitrise d’un programme scolaire précis, PISA teste l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l’école aux situations de la vie réelle.

À lire également sur notre site :

Un premier mini « choc PISA » en France, par Alain Bouvier

À quoi sert le redoublement ? Antidote n°9, par Sylvain Connac

À qui profitent les classes de niveau ? Antidotes, saison 2, épisode 4, par Marie Duru-Bellat


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Hors-série n° 59 – Combattre les inégalités scolaires

Dossier coordonné par Florence Castincaud et Marie-Joana Chamlong

L’école française hérite des inégalités sociales et en produit en son sein. Ces inégalités pèsent lourd sur le devenir des élèves. Une fois que cela est dit, que peut-on faire, chacun depuis sa place, pour combattre ces inégalités ? Inclusion, égalité garçons/filles, orientation, différenciation pédagogique : il existe des leviers ! Voici une sélection d’articles issus de nos archives pour mieux vous armer.