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Le numérique fédérateur

À la rentrée 2019, Frédéric Vedrenne arrive à la DANE de l’académie d’Orléans-Tours, fort de son expérience des usages pédagogiques du numérique qu’il partageait déjà en tant que formateur académique. Dans sa nouvelle fonction, il est chargé de la construction d’un plan académique de formation, gère une équipe de formateurs, le suivi des appels à projets, y compris sur le volet financier. Il est en contact avec les collectivités territoriales. « Cela m’a amené à rencontrer plein de monde et de services au rectorat, à découvrir l’envers du décor, le côté Direction des services d’information, les infrastructures. »
Son propre parcours de formation le mène à l’IH2EF (Institut des hautes études de l’éducation et de la formation), où il sera, quelques mois plus tard, intervenant. Le confinement agit comme un accélérateur, avec la nécessité de construire rapidement un parcours de formation en ligne sur M@gistère. « Il y a eu plus de 7000 inscrits, c’était énorme ! »
Il échange beaucoup avec les chefs d’établissement, change son point de vue sur un métier qui depuis quelque temps l’attirait. « J’avais plutôt une vision de l’organisationnel, le contact avec les enseignants, le côté très concret. Là, j’ai vu les aspects macro, le pilotage, les dossiers transversaux. »
Fort de ces observations, il décide de préparer à nouveau le concours de personnel de direction qu’il avait antérieurement raté à l’oral. Et pendant sa préparation, il retourne enseigner pendant un an. Son passage à la DANE a été bref, mais déterminant. « C’était une super équipe. On a beaucoup appris les uns des autres avec nos profils différents. »
À la rentrée 2021, le concours en poche, il est nommé dans un petit collège girondin, à Saint-Jean-d’Illac, en tant que principal adjoint. Le poste est tout juste créé. « La principale avait été nommée l’année précédente. Tous les deux anciens profs d’EPS, nous avions des profils très différents et complémentaires, elle plutôt sur les projets Erasmus, moi sur le numérique. Nous avons construit ensemble nos rôles, notre pilotage à deux avec le souci de la transparence. »
Il apprécie d’avoir carte blanche sur les projets menés, tout en échangeant régulièrement au sein du binôme. Ils œuvrent ensemble pour l’élaboration du projet d’établissement en associant fortement les équipes dès l’étape de l’autoévaluation avec comme ligne de mire un dépôt de projet dans le cadre du Conseil national de la Refondation.
Un projet de classes de 6e estampillées neurosciences existe déjà depuis quelques années dans l’établissement. Il est porté par une enseignante d’anglais, formatrice académique, épaulée par une professeure de sciences de la vie et de la Terre. L’objectif est d’essaimer sur les autres classes. Une autre enseignante souhaitait une classe mobile, la conseillère principale d’éducation parle d’aménagements des espaces, une idée de webradio se partage. « En échangeant avec elles, on s’est rendu compte que les différentes entrées allaient dans le même sens. En faisant le lien, on a abouti à un projet fédérateur sur les neurosciences et le numérique, qui a été validé par notre hiérarchie. »
Le collège reçoit cinquante tablettes, un tableau numérique interactif, des équipements pour une webradio et une webtv, destinés notamment au projet média animé par la professeure documentaliste. La partie vie scolaire est repensée en plusieurs espaces qui favorisent les interactions, les jeux, ou permettent de s’isoler, de s’installer confortablement ou de bouger. Les élèves ont à disposition des tablettes pour apprendre et créer.
Les assistants d’éducation tout comme quelques parents se forment aux neurosciences avec les enseignantes de SVT et d’anglais qui utilisent la webtv pour toucher plus d’élèves sur ce thème. « Pour la direction, il y a beaucoup de gestion organisationnelle, technique, financière et de travail pour monter le dossier. Mais il ne faut pas oublier le pilotage pédagogique, le lien entre les différents projets et l’accompagnement. Nous devons être là pour fédérer, faire des choix et les assumer. »
Il faut aussi anticiper les départs potentiels pour que les initiatives perdurent. Le choix est que chaque axe soit animé par un binôme. « L’atelier média était coanimé par la professeure documentaliste et une enseignante d’espagnol. La seconde a changé d’établissement et l’atelier a pu se poursuivre avec la documentaliste qui est désormais accompagnée d’un professeur d’EPS. »
Pour construire le projet, il a proposé de s’appuyer sur le cadre méthodologique de design de service utilisé à la DANE, dans l’idée d’associer tous les personnels pour aboutir à un résultat ambitieux, financé sur plusieurs années. « Le personnel ne voyait pas top initialement l’intérêt de l’autoévaluation, car tout fonctionnait bien au collège. Nous si, car c’était l’opportunité de faire le lien avec toute la communauté éducative, y compris les agents avec qui un projet de potager et de bergerie a été monté. »
En mars 2024, Frédéric Vedrenne est nommé principal faisant fonction dans un collège neuf du Haillan (Gironde), qui a ouvert à la rentrée 2022. Là encore, il applique la même méthode. « La principale que je remplace avait paré à l’urgence avec l’ouverture et à la mise en route de l’établissement. Mon rôle a été de construire le projet d’établissement, de construire l’avenir, de fédérer les équipes, de les accompagner pour se projeter même si je n’ai pas vocation à rester. »
Les parents ont été associés à l’autoévaluation. Un café des parents est créé pour renforcer le dialogue avec les personnels du collège avec comme thème par exemple le cyberharcèlement. « C’était l’occasion de présenter de façon conviviale le programme pHARe, d’échanger avec eux. » Le logiciel Pronote est beaucoup utilisé pour la communication. Les 900 parents ont ainsi été interrogés sur les thèmes qu’ils aimeraient voir traités lors des prochains cafés des parents, par exemple.
Concernant le numérique, la question de la coéducation est pour lui centrale. « L’usage du téléphone est un vrai sujet de tension, y compris pour les enseignants, avec des interrogations sur les outils à utiliser, sur l’intelligence artificielle. La question doit être abordée dans une vision éducative et pédagogique, en coéducation. » Il aimerait créer une semaine de l’intelligence artificielle pendant laquelle des conseils seraient apportés aux usagers, enseignants, agents, parents, élèves. Un temps d’échange avec les parents serait organisé pour approfondir et avoir un espace d’échange.
« La question du numérique est problématique, car on ne le voit souvent que par le négatif. Or, cela peut apporter des éléments positifs aux élèves, des compétences dont ils auront besoin pour l’avenir. » Il perçoit l’importance d’avoir des communs sur l’IA, que tout le monde comprenne son fonctionnement, son utilité et les changements qu’elle peut induire dans les modalités d’enseignement et d’apprentissage. « Pour un élève, l’IA peut être un assistant et la posture des enseignants évolue de la transmission vers l’accompagnement. Le rôle de facilitateur des personnels de direction est central pour accompagner les changements. »
Début décembre, il animera un conseil pédagogique consacré au numérique et à l’IA pour échanger avec les enseignants. Au-delà de son collège, il partage aussi ses ressources, en particulier avec des padlet proposant des entrées par outils ou besoins, ou encore en animant des formations. Et, au-delà du partage, ce sont les interactions qu’il recherche pour « s’acculturer sur de nombreux sujets en permanence », et alimenter en retour ses propres pratiques d’accompagnement et de facilitation.
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