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Apprendre à l’ère de l’intelligence artificielle

Denis Crisol, ESF SH, 2024

Dans cet ouvrage, l’auteur veut nous amener à réfléchir sur le croisement de l’intelligence artificielle et de « l’Apprenance », sur les modifications apportées par son usage sur la pédagogie et son implication éthique, son impact sur l’économie du savoir et notre vie. Et il nous invite à repenser notre rapport à la formation.  Tout cela en réponse à 150 questions, non exhaustives !

Il évoque bien sûr le développement exponentiel de l’usage de Chat GPT et le développement de sa puissance de traitement. Les IA génératives pouvant être classées dans la famille des technologies intellectuelles, cœur de la société de la connaissances, ont un pouvoir disruptif déclassant des usages pourtant bien établis comme la consultation d’un moteur de recherche. L’IA peut être utilisée dans des activités diversifiées comme l’aide à la rédaction de texte, à la prise de décision, à la conception et à l’ingénierie, à la créativité et à l’analyse. De manière provocante face aux accusations de tricherie pour interdire l’usage de l’IA dans l’école, l’auteur s’interroge sur le fait qu’une école qui tire ses questions du passé « serait le vestige d’une pédagogie fossile » Nous devons penser l’avenir en remobilisant nos spécificités humaines (intuition, imagination…) et en identifiant les tâches non automatisables.

Dans une première partie, l’auteur traite des promesses de l’IA. La première question posée par l’auteur est le problème de l’intelligence de l’IA qui est définit par Wikipédia comme « agent intelligent » qui se caractérise par sa « capacité d’apprentissage » mais n’ayant pas la capacité de réflexivité. L’auteur aborde ensuite dans une deuxième partie l’idée que l’AI est une technologie aux impacts non maîtrisés.  Elle a des impacts sur notre économie, nos vies et sur nos réflexions philosophiques dont les implications éthiques avaient déjà été anticipées par les auteurs de science-fiction. Dans une troisième partie, il traite de la place de l’IA dans l’éducation qui devient de plus en plus importante depuis la crise du Covid 19, du fait de l’enseignement à distance où elle joue le rôle de tuteur pour les apprenants mais aussi est devenu incontournable pour la production de formation. Il montre qu’il s’agit d’accompagner le système éducatif dans sa prise en main de l’IA, tant dans la compréhension de ce que produisent les IA que dans les opportunités offertes par celle-ci et les limites à ne pas dépasser.

La cinquième partie est consacrée à la métamorphose de la formation qui s’accélère avec l’IA. Les formateurs cherchent à en tirer bénéfice pour l’ingénierie de formation ainsi que les apprenants pour un accompagnement sur mesure. L’IA est alors selon l’auteur un « préceptoriel » (croisement en le précepteur particulier et le tutoriel). Dans une sous-partie consacrée aux enjeux clés de l’IA en matière de formation des adultes, l’auteur souligne la mise en avant par les apôtres de l’usage de l’IA d’une approche cognitiviste de l’apprentissage, le réduisant au « fonctionnement efficient du cerveau, aux processus mentaux, à la perception et au langage, en omettant l’intégralité de l’individu, ses émotions, son corps et ses sentiments ».  L’auteur dans une sixième partie montre que les formateurs vont jouer un nouveau rôle avec le changement de paradigme accéléré par l’IA où ils vont devoir maîtriser cette technologie et identifier les opportunités qu’elle offre. Ils deviendront des technopédagogues. Il souligne que la médiation humaine sera toujours nécessaire pour initier les premiers pas, accéder à des niveaux de navigation et de sens difficilement accessible seul.

En annexe l’auteur propose un exemple d’ingénierie assistée par IA versus un codesign créatif réalisé par des formateurs, en montrant et en analysant le résultat de ces deux démarches. Enfin, l’ouvrage se termine par un glossaire  et une bibliographie.

C’est un ouvrage à lire, qui nous pousse à nous interroger sur l’usage de l’intelligence artificielle dans notre métier d’enseignant et de formateurs. En considérant bien que nous devons rester émotionnels, aléatoires, être critiques et désobéissants.  Pour conserver notre humanité…

Emmanuel Maugard