Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !
Harcèlement scolaire : conséquences individuelles et remédiations collectives
Considéré autrefois comme un rite de passage ou une forme « désagréable » d’apprentissage de vie en société1, le harcèlement scolaire entre élèves est progressivement devenu un problème social majeur, mis à l’agenda politique. Zoom sur les recherches autour de cette forme de violence à l’école, ses effets psychologiques et les actions publiques pour y remédier.
L’analyse terminologique de Claire de Saint Martin témoigne des évolutions de conception des violences répétées entre élèves : « L’évolution sémantique passe progressivement du terme “incivilité” (année 1990), à celui de “microviolences” (années 2000), pour parvenir au terme actuel de “harcèlement scolaire” (année 2010)2. » Cette transition conceptuelle trouve racine dans les travaux du psychologue norvégien Dan Olweus au cours des années 1970. Il stabilise la définition du harcèlement à l’école considéré comme des actes répétitifs et intentionnels de domination – des agressions physiques aux intimidations verbales et non verbales entre pairs – souvent invisibles aux adultes, et dont les conséquences psychosociales sont lourdes et durables.
En France, la prise en compte politique du harcèlement scolaire prend notamment la forme d’un rapport d’Éric Debarbieux publié en 2011. Il visait à faire état des spécificités de cette violence et à proposer des dispositifs de prévention à l’école. L’action publique de lutte contre le harcèlement en milieu scolaire s’est depuis intensifiée : la loi de mars 2022 le qualifie désormais de délit et, en septembre 2023, un plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école et le cyberharcèlement est lancé.
Une enquête publiée en février 2024 par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) permet une quantification du phénomène : 5 % des écoliers du CE2 au CM2 sont victimes de harcèlement, 6 % des collégiens et 4 % des lycéens. Les garçons sont autant victimes de harcèlement que les filles, mais ils subissent davantage de violences physiques, alors que les filles sont plus exposées à des agressions verbales.
Ces formes de violence provoquent de lourdes séquelles chez les victimes comme parmi les harceleurs. Au niveau scolaire, les victimes présentent des difficultés de concentration, un risque important d’absentéisme et de décrochage. Le harcèlement a également des conséquences à long terme : symptômes anxiodépressifs, troubles du sommeil, isolement social ou encore fort sentiment de culpabilité. Parmi les élèves harceleurs, on relève une propension à développer des troubles psychologiques (dépression) et des conduites addictives (alcoolodépendance, consommation importante de substances psychoactives).
Dans ce sombre jeu de rôle, les positions ne sont pas figées : il arrive que certaines victimes adoptent des comportements violents dans une logique de reproduction de ce qu’elles ont subis.
Les dommages collatéraux ne sont pas négligeables. Des enquêtes basées sur des observations estiment que plus de 80 % des épisodes d’intimidation surviennent devant des témoins, qu’ils assistent l’agresseur, viennent en aide à la victime ou restent passifs face à la situation. Cette position provoque une forme de détresse psychologique et est associée à une vision dégradée de l’environnement scolaire3.
Les programmes de lutte contre le harcèlement en milieu scolaire comprennent souvent de nombreuses composantes4 : formation des équipes pédagogiques et éducatives, campagnes d’information auprès des élèves et des parents, interventions d’un médiateur extérieur pour prévenir et réguler les violences, etc.
Certains programmes d’intervention visent à lutter de manière indirecte contre le harcèlement scolaire, en développant les compétences psychosociales et les comportements prosociaux des élèves (aide entre pairs, partage et coopération). D’autres proposent des actions thérapeutiques dont l’objectif est de traiter à postériori les effets psychopathologiques du harcèlement à travers l’exercice théâtral : en interprétant des textes portant sur des situations conflictuelles, le théâtre offre aux élèves des espaces pour s’exprimer et diminuer leur sentiment d’impuissance.
Sur notre librairie
Notes
- Benoît Galand, Le harcèlement à l’école, Retz, 2021.
- « Harcèlement scolaire : une souffrance depuis toujours, reconnue depuis peu ? », dossier du Carnet/PSY n° 2024/6, en ligne : https://www.cairn.info/dossiers-2024-6-page-1.htm.
- Violaine Kubiszewski, « Agir ou ne pas agir ? Réactions des élèves témoins de harcèlement », Enfance n° 3/3, 2018.
- Yann Algan, Nina Guyon, Élise Huillery, « Comment lutter contre la violence et le harcèlement à l’école et au collège ? », Liepp Policiy Brief n° 19, 2015.