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Au collège Saint-Louis, mixité sociale et pédagogie de la réussite de tous

Jérome Widemann, le directeur, nous montre avec fierté le tableau de répartition des élèves de son établissement par catégories socio-professionnelles : sur 570 élèves, 110 viennent de milieu très défavorisé et à peu près la moitié d’un milieu peu favorisé. Une vraie mixité sociale.

Nous sommes au collège Saint-Louis La Guillotière de Lyon, établissement innovant labellisé par l’Éducation nationale tout en étant rattaché au centre Saint-Marc Jésuite, en plein cœur d’un quartier qui garde une mixité sociale qu’on retrouve donc dans ce collège qui accueille aussi hors secteur des familles séduites par la pédagogie qui est pratiquée.

Le directeur nous montre aussi un indicateur choc de réussite : 97% de réussite au DNB, pratiquement sans qu’il y ait de déperdition entre sixième et troisième. Avec un souci de l’élève, une conjugaison continuelle entre vie scolaire et apprentissages et un vrai travail d’équipe, qui, il est vrai, s’inscrit dans une longue durée depuis les années 80 (Philippe Meirieu a été un des acteurs importants dans l’équipe enseignante, des articles de notre revue en témoignent).

Il faut dire que l’organisation des enseignements ne manque pas d’originalité : quatre fois dans l’année, les élèves choisissent leur professeur dans la plupart des matières, ce qu’on appelle « les inscriptions » et qui demande certes une certaine habileté technique de l’administration mais qui n’est pas si compliqué à mettre en place en fait. C’est le choix de la responsabilisation des élèves, qui peut dérouter au départ, mais encourage forcément le travail d’équipe, l’harmonisation des progressions, l’échange de pratiques. Du coup, la « classe » traditionnelle éclate, mais un groupe permanent existe quand même et se retrouve chaque semaine avec le professeur principal pour une heure de suivi. Les classes sont à 28-30 élèves, pas de moyens particuliers… Il existe aussi des temps d’« assemblées générales » qui regroupent trois classes fonctionnant en parallèle.

Semaine sur les planches des 6èmes

Semaine sur les planches des 6èmes

Au niveau sixième et cinquième, les notes ont été supprimées et on évalue par compétences, selon des grilles qui se perfectionnent peu à peu, avec quatre niveaux entre acquisition solide et non-acquisition. L’ambition serait d’étendre ce système en quatrième ; en troisième, les contraintes institutionnelles obligent de toutes façons à un retour des notes, mais pas un abandon des compétences. Ce système a été initié en 2008 et donne satisfaction visiblement. Dès novembre, il faut clore les inscriptions d’élèves venus d’ailleurs, car on est au complet.

Une disparition symbolique : les sonneries. On se débrouille sans et ça marche !
Les itinéraires de découverte ont survécu ici, avec deux heures en cinquième et quatrième. Ils donnent lieu à de belles réalisations.

Pour chaque niveau, un grand projet mobilise tous les élèves durant une semaine spéciale, avec un axe central : le théâtre en sixième, « vraie vie, vraie défis » (choix de métiers, présentation par des parents et des professionnels) en cinquième, plein air et découvertes en quatrième, et voyages linguistiques en troisième où on s’efforce d’emmener tous les élèves.

Les sanctions sont pensées sous l’angle de la responsabilisation de l’élève. Des systèmes de SAS permettent de raccrocher les élèves qui dérapent. Il y a très peu de conseils de discipline.

Semaine en plein air en 4ème

Semaine en plein air en 4ème

Jérome Rivoire, enseignant d’EPS et formateur dans l’académie avec le CEPEC, responsable du projet « travail par compétences » nous parle ensuite de l’importance du travail d’équipe, de l’accueil de nouveaux collègues parfois déroutés par le fonctionnement de l’établissement, qui a été suivi plusieurs années par le CARDIE de Lyon, et des débats qui peuvent exister notamment pour améliorer les outils existants. En particulier l’établissement d’échelles de compétences et sans doute une nouvelle version du « guide d’accompagnement des parents » dans la perspective du nouveau socle commun.

Olivia Savouret, enseignante de français, au passage ravie des projets de programme de collège, nous parle également de l’heure dite de « ressources » où les élèves travaillent sur l’apprendre à apprendre : compréhension des consignes, mémorisation, utilisation des « intelligences multiples » et formation à l’auto-évaluation et au travail sur les erreurs. L’idée est aussi d’utiliser les apports des neurosciences et de la psychologie cognitive, mais avec toujours le souci fort de l’implication des élèves.

On ressort de la salle des professeurs, où le tout dernier numéro des Cahiers pédagogiques est bien visible, revigoré par l’enthousiasme des enseignants rencontrés, leur espoir que la « refondation » du collège ne va pas se dissiper dans les brumes de l’immobilisme. Nombre d’établissements dans le privé comme dans le public sont intéressés par cette expérience lors de formations, d’échanges. Nous reviendrons certainement sur ce genre d’innovations inscrites dans une perspective démocratisante, notamment pour donner des idées pour le nouveau collège (EPI, nouvelles formes d’évaluation, travail sur le domaine 2 du socle).

Laissons la parole au directeur qui, dans le mot d’accueil du site, écrit : « Dans notre démarche, et dans la volonté d’autonomie et de bienveillance, nous aidons et favorisons la responsabilisation de nos élèves par la prise en charge de leur cadre de vie et de classe. Ces mots ne résonnent pas uniquement sur le papier, mais ils sont vécus au quotidien grâce à l’expérience des adultes mais également celles que les élèves vivent pleinement. »

Reportage de Jean-Michel Zakhartchouk, avril 2015

Site : http://www.collegesaintlouis.org/