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Non-titulaires : les enseignants jetables de l’Éducation nationale

Le recrutement d’enseignants non-titulaires va bon train, comme le montrent les fameux job datings d’enseignants contractuels organisés dans plusieurs académies en ce mois de juin. Critères de recrutement peu clairs, renouvèlements de contrats aléatoires, formation très insuffisante, ces enseignants précaires subissent une gestion pour le moins hasardeuse des recrutements par l’Éducation nationale. Peu convaincus que cette tendance s’inverse prochainement, certains d’entre eux dévoilent ici les dessous de leurs conditions de travail.

« Ça m’a choqué, car du jour au lendemain, on vous annonce que vous n’avez plus de travail. » Malgré les sept mois qui se sont écoulés, cette sensation d’être constamment sur un siège éjectable est toujours aussi vive chez Matthieu*. Ce Normand de 37 ans a accepté de témoigner de façon anonyme, comme tous ses collègues dans cette enquête. Signe de l’impossibilité de parler librement lorsque l’on est non-titulaire de l’Éducation nationale.

C’est en septembre 2021, après avoir été sollicité par Pôle emploi et reçu le feu vert du rectorat, que Matthieu, est embauché en tant qu’enseignant non-titulaire de mathématiques dans un collège de Saint-Lô (Manche). Après à peine dix jours d’exercice, il reçoit un mail du rectorat. « On m’informe qu’une anomalie est détectée dans mon dossier et qu’ils doivent mettre fin à mon contrat immédiatement », se remémore-t-il.

L’anomalie en question est invraisemblable : Matthieu enseigne sans avoir de diplôme de mathématiques. Son master en économie-gestion est insuffisant pour poursuivre ses fonctions. Pourtant, c’est cette même maitrise qui lui avait permis d’exercer la matière lors d’un précédent contrat, en 2012, dans un établissement du Calvados. Pourquoi lui demande-t-on cette certification ? Quelques jours plus tard, la réponse du rectorat tombe : « Nous étions moins regardants à l’époque. » Matthieu n’en croit pas ses oreilles. Le lendemain, c’est le retour à Pôle emploi.

Variable d’ajustement des pouvoirs publics

Pour répondre à l’arrivée massive d’élèves dans le système éducatif français, des enseignants non-titulaires sont recrutés à partir des années 60. Leur point commun : enseigner sans concours, ni certification. Les profils et statuts sont divers. Recrutés à partir d’un bac + 2, ce sont des étudiants à la recherche d’une première expérience, des personnes en reconversion professionnelle ou simplement intéressées par l’enseignement.

Aujourd’hui, les enseignants non-titulaires sont environ 65 000 et forment 7,5 % du corps professoral, selon la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) du ministère de l’Éducation nationale. Fléchés vers les académies très demandeuses (Créteil, Versailles et Lille en tête), les non-titulaires sont positionnés sur des postes laissés vacants à la sortie des concours ou sont remplaçants, principalement en lettres, mathématiques et allemand. Selon le ministère de l’Éducation nationale, le taux de couverture (qui quantifie la part de postes pourvus par les concours) était de seulement 49 % pour les lettres classiques à la rentrée 2021.

Ainsi, pour limiter la casse, les effectifs de non-titulaires repartent à la hausse depuis 2010, avec une augmentation de 2,7 % en moyenne chaque année. Rien que dans le second degré privé, plus de deux professeurs sur dix n’ont ni concours ni certification. « Depuis deux ans, l’administration procède à une uniformisation du nombre de non-titulaires par académie », observe Maud Valegeas, cosecrétaire fédérale de Sud Éducation. Mais ce n’est pas tant l’augmentation de leur nombre qui crispe les syndicats que l’absence d’amélioration des conditions de travail.

Flexibilité contrainte, valorisation salariale sous conditions, difficulté structurelle, blocage de la « CDIsation », recrutements peu regardants sur les compétences disciplinaires, absence d’accompagnement par des tuteurs, etc. Les non-titulaires de l’Éducation nationale sont devenus la variable d’ajustement des pouvoirs publics pour tenter de sauver une profession en perte d’attractivité. Une gestion managériale de l’école qui pousse tous les syndicats interrogés à tirer la sonnette d’alarme : « Le gouvernement parle de transformation de la vie publique. En réalité, c’est un assouplissement pour faire des économies. Et dans ces conditions, c’est plus facile d’organiser la précarité », se désole Stéphane Chiarelli, secrétaire départemental du Snuipp FSU, syndicat majoritaire du premier degré, dans les Côtes d’Armor.

Quand les non-titulaires sont trouvés, les contrats signés sont divers. L’enseignant contractuel (ou maitre suppléant ou délégué, pour les établissements privés) est recruté en CDD (contrat à durée déterminée) pour une année scolaire ou moins, à temps plein ou partiel. Sa rémunération est sous condition de diplôme (niveau bac + 3 ou diplôme technique avec une expérience professionnelle). Le contrat peut être reconduit pendant six ans.

Au bout de la sixième année, deux choix s’offrent au professionnel : obtenir un CDI (contrat à durée indéterminée) ou passer un concours interne de l’enseignement pour être titularisé. Mais si l’enseignant parvient à signer un CDI, cela ne fait pas de lui un titulaire (et donc un fonctionnaire) pour autant, malgré la sécurité de l’emploi que ce type de contrat suggère. Le maitre en CDI reste un remplaçant : il n’a pas de poste « à lui » mais bénéficie d’une priorité un peu plus forte qu’un enseignant en CDD lors du mouvement de l’emploi.

Comme cette enquête le montre, le phénomène de la non-titularisation concerne autant l’enseignement public que privé. Qu’ils exercent dans l’un ou l’autre, les enseignants ont des conditions de travail assez similaires. Pourtant, leur statut est différent. Les enseignants du privé n’ont pas le statut de fonctionnaire et relèvent de la législation spécifique aux enseignants des établissements privés. Cependant, comme leurs collègues du public, l’État est leur employeur et les paye, à condition que l’établissement dispense des enseignements conformes aux règles et aux programmes de l’enseignement public.

« J’ai appris toute seule »

Sous la présidence de François Hollande, 60 000 postes sont créés. Mais sur ces 60 000 postes, seuls 20 261 sont des postes d’enseignants titulaires. Pour le reste : 25 628 enseignants stagiaires (en dernière année de formation et donc à mi-temps seulement devant une classe), 350 CPE (conseillers principaux d’éducation), 310 CPE stagiaires, 4 251 AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap), 2 150 assistants d’éducation, 600 personnels médicosociaux et 4 530 personnels administratifs. Même s’il y a création, la baisse du nombre de postes de professeurs perdure. Sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, près de 7 500 postes sont supprimés dans les collèges et lycées.

Les non-titulaires sont devenus un vivier intéressant pour l’État. En effet, la contractualisation revêt des avantages financiers et budgétaires, comme l’explique Xavier Pons, professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université Paris Est Créteil : « Quand vous recrutez un enseignant titulaire, vous le recrutez pour trente à quarante ans. Vous devez budgéter son poste, vous devez budgéter sa retraite. À l’inverse, recruter des non-titulaires introduit plus de souplesse financière. »

Contrairement à leurs collègues titulaires, les non-titulaires ne sont pas fonctionnaires et ne profitent pas de l’évolution du point d’indice, qui permet de calculer les salaires. « Ils doivent chaque jour s’adapter à une fragilité salariale, même si le ministère cherche à l’améliorer en établissant des grilles, plus avantageuses dans les académies de masse », précise Xavier Pons.

Une difficulté d’autant plus exacerbée que les salaires concordent rarement. « Pour le même travail, je suis moins bien payé », lance Arthur, qui enseigne depuis sept ans dans un collège de Normandie pour un salaire de 1 500 euros nets par mois. « Un titulaire va gagner 400 à 500 euros de plus. En tant que non-titulaire, je m’implique énormément, et parfois bien plus que certains de mes collègues ayant réussi le concours. L’injustice est grande. »

Une injustice accentuée par d’autres types de précarité, plus insidieuses, selon Xavier Pons. Pour répondre à une demande exponentielle, beaucoup de non-titulaires doivent en effet travailler dans plusieurs établissements, souvent éloignés les uns des autres, parfois entre plusieurs départements. Ou bien, ils peuvent être appelés pour un remplacement de quelques semaines seulement.

« Une mascarade »

Le 17 mars dernier, à Aubervilliers, le président-candidat Emmanuel Macron dit être prêt à revaloriser « substantiellement » les salaires des professeurs allant « vers [de] nouvelles missions ». Le Grenelle de l’éducation, grande concertation amorcée à la rentrée 2020, a, quant à lui, annoncé vouloir regarder « finement » la situation des non-titulaires et « rendre les transports collectifs gratuits pour les agents chargés du remplacement de collègues absents ». Un sur-place, sur lequel le nouveau locataire de la rue de Grenelle, Pap Ndiaye, devra revenir, alors que l’inquiétude grandit face à la pénurie d’enseignants attendue à la rentrée.

Autre sujet de crispation : une concurrence croissante entre les professeurs en raison de l’évaluation des établissements scolaires. Le premier mandat d’Emmanuel Macron et le programme politique du second ont un point commun : le gouvernement s’inspire des méthodes de management du secteur privé comme du système éducatif anglo-saxon, où l’intérêt commercial est la norme pour les établissements scolaires.

« Une mascarade » pour Louis, enseignant non-titulaire d’anglais dans un établissement de la banlieue lyonnaise. « Si on regarde notre salaire en fonction du nombre d’heures en présentiel, c’est intéressant. Or, quand il y a des conseils de classe, des réunions parents-profs, des évaluations à préparer, nos semaines dépassent facilement les quarante heures, et cela sans valorisation. La réponse, c’est de nous demander d’en faire plus ? » Après six ans de bons et loyaux services, Louis confie stagner à l’échelon zéro de sa grille de salaire. C’est uniquement grâce à son statut de professeur principal et à la prise en charge d’une classe Ulis (unité localisée pour l’inclusion scolaire) deux jours par semaine, que Louis peut gagner plus.

« Mes collègues sont dans des situations d’une telle précarité que c’est difficile pour eux de faire respecter leurs droits. Beaucoup d’entre eux démissionnent très rapidement », alerte Maud Valegeas. Robin Maillot, secrétaire départemental du syndicat SE-UNSA, dans les Côtes d’Armor, acquiesce : « La rémunération, les conditions de travail… Plutôt que travailler sur l’attractivité, les responsables politiques préfèrent s’appuyer sur le vivier de non-titulaires. Mais ça a ses limites car, dans certaines régions, beaucoup d’établissements n’en trouvent plus. »

Les failles de ces choix politiques ne semblent pas freiner les pouvoirs publics. En 2018, le ministère de l’Éducation nationale est interpelé par la Cour des comptes dans un rapport dénonçant « un recours massif aux non-titulaires sous l’effet de contraintes non maitrisées ». Chiffrant la dépense annuelle dans l’enseignement public à 3,7 milliards d’euros pour l’année 2016-2017, la juridiction dénonce « un cadre rigide » et estime que la conséquence a été de faire appel à toujours plus de non-titulaires alors qu’entre 2012 et 2017 plus de 50 000 postes de titulaires ont été créés en France.

Contacté, le ministère de l’Éducation nationale nous a renvoyés à l’interview de Jean-Michel Blanquer, accordée le 13 janvier dernier à nos confrères de Franceinfo, la chaine d’information en continu du service public. Loin de vouloir freiner la course à la contractualisation, le ministre y annonce le recours à 3 300 contractuels dans l’enseignement public à la rentrée 2022.

Pourtant, le problème est loin d’être nouveau. En décembre 2011, une poignée de non-titulaires a publié un « Livre noir » pour lever le voile sur leur situation. Dans cette tribune, certains dénoncent l’instabilité de leur statut, se jugeant « bouche-trous » voire « enseignants de seconde zone ». Pour Xavier Pons, le premier mandat d’Emmanuel Macron laisse beaucoup de questions sans réponses : « Il est encore difficile d’évaluer si la hausse du recours aux non-titulaires est exceptionnelle et destinée à être limitée par la suite ou si ce sont les prémices d’une transformation structurelle beaucoup plus importante du système scolaire. »

Une quête du Graal semée d’embuches

Retour en Normandie. Après l’annonce du renvoi de Matthieu, c’est son directeur qui échange avec l’académie pour le garder. En vain. Dans les échanges, que nous avons pu consulter, l’institution explique sa décision par « une nouvelle procédure » : l’enseignant doit être inspecté pour s’assurer qu’il dispose des compétences requises. Dans le cas de Matthieu, l’inspectrice n’est jamais venue. Contacté, le rectorat de Caen (Calvados) auquel l’enseignant était rattaché n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

Pour éviter ce genre de situation, les enseignants non-titulaires cherchent à obtenir un CDI, quand ils ont raté le concours. Pour y prétendre, il faut cumuler six ans d’activité sur les mêmes missions au sein d’un même département ministériel avec moins de quatre mois d’interruption entre chaque contrat. « La dernière année, c’est un peu le Graal des personnes déterminées à attendre », sourit Daphné, enseignante dans un établissement marseillais. Graal peu scintillant dans la mesure où ce CDI ne permet pas de gravir les échelons, c’est-à-dire que les titulaires n’évoluent pas dans la grille de salaires. Et, comme dit plus haut, l’attribution d’un tel contrat n’équivaut pas à une titularisation, puisque les nouveaux lauréats du Capes (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) et les titulaires restent prioritaires sur les postes.

Et, pour ne rien arranger, les rectorats emploient des stratégies peu orthodoxes pour éviter de signer ces précieux contrats. Maud Valegeas remarque de nombreux cas d’inspection au cours de la sixième année d’activité qui débouchent sur des rapports négatifs. « Pendant cinq ans, ils ont été renouvelés et ont eu des avis positifs de la part de leur hiérarchie. Et puis, à l’approche d’un possible renouvèlement, l’institution prétend qu’ils ne sont pas compétents et ne sont donc pas renouvelés à la rentrée précédant la CDIsation », explique la syndicaliste.

Mais pas besoin de rapport d’inspection négatif pour ne pas être renouvelé. Chaque année, en septembre, de nombreux enseignants non-titulaires se retrouvent sans affectation. Cette coupure, si elle dure plus de quatre mois, remet les compteurs à zéro, peu importe si l’enseignant ne se trouve qu’à quelques mois de la signature d’un contrat plus stable. « C’est surtout dû au fait que l’administration a du mal à organiser les remplacements. Mais au final, cette mauvaise organisation les arrange bien », regrette Maud Valegeas.

Autre stratégie de l’Éducation nationale : depuis plus de vingt ans, le nombre de postes ouverts au concours de l’enseignement ne cesse de diminuer. En effet, plus besoin de tant de places quand « des non-titulaires aguerris peuvent rester dans cette situation toute leur vie », analyse Stéphane Mottier du syndicat Snudi-FO.

À la différence de leurs collègues, la formation se fait parfois des années après leur prise de fonction. Quand ils trouvent un poste, ils ne sont jamais assurés d’être accompagnés par un référent.

C’est ce qui s’est passé pour Daphné. En 2015, elle est appelée par un lycée professionnel qui recherche un enseignant d’histoire-géographie et de français. Pas le temps de réfléchir car, trois jours après, la trentenaire se retrouve seule devant sa première classe. « J’ai fait comme j’ai pu. Je me suis entretenue avec la proviseure pendant deux heures sur les règles de base de la gestion de classe. Après j’ai été formée sur le tas et j’ai appris toute seule », se souvient l’enseignante. Il faudra à Daphné attendre six ans pour suivre sa première formation, qui lui apprend à faire un cours et à établir une progression annuelle.

« Peut-être que je vais finir à l’usine »

Les enseignants non-titulaires sont un véritable vivier, facilement mobilisable et prêt à combler en temps réel les besoins en personnel. « Quand on a besoin de nous, on nous appelle. Quand on n’a pas besoin de nous, on nous jette », résume Laura, 27 ans, contractuelle depuis deux ans en Bretagne. L’été dernier, la jeune femme apprend qu’elle n’est pas renouvelée pour la rentrée de septembre. Elle trouve alors un nouvel emploi dans un autre secteur, où elle est en passe d’obtenir un CDI. Mais quelques semaines plus tard, le rectorat l’appelle à plusieurs reprises pour lui proposer un poste. « J’ai décidé de démissionner, parce que j’aime enseigner, mais je n’ai aucune garantie que mon contrat soit renouvelé. Je sais que j’ai du travail pendant trois mois, mais après je ne sais pas. Peut-être que je vais finir à l’usine », confie-t-elle.

Les enjeux derrière la non-titularisation de ces enseignants sont multiples. « Ça crée des personnels beaucoup plus dociles. Ce sont des personnes qui font le même métier que leurs collègues titulaires mais ont beaucoup moins de droits », explique Maud Valegeas. Sur les affectations, par exemple, un contractuel affecté dans une académie loin de chez lui a relativement peu de marge de manœuvre pour demander une révision d’affectation, « par rapport à un titulaire, pour lequel il y a tout un système de mutation avec des points et un barème transparent », détaille la cosecrétaire de Sud Éducation. « Finalement, ça laisse beaucoup plus de marge de manœuvre à l’administration pour agir sur la carrière des enseignants. »

« Le concours, c’est ma seule porte d’entrée pour avoir une situation pérenne, donc il faut que je le retente » explique Laura, qui l’a déjà passé trois fois. « Mais c’est assez déroutant parce qu’à aucun moment notre pratique sur le terrain n’est prise en compte. On est un candidat lambda, qui pourrait n’avoir jamais été devant une classe et n’avoir jamais enseigné, ça serait la même chose pour eux », déplore l’enseignante.

En effet, être diplômé ne signifie pas pour autant savoir gérer une classe. Nous avons rencontré le directeur de l’établissement duquel Matthieu a été renvoyé. Depuis l’arrivée de son remplaçant, pourtant diplômé, il dit faire face à des élèves en manque d’appétence pour la matière et des parents en colère. « Je suis obligé de mettre un surveillant pour éviter que ce soit le bazar et je dois passer régulièrement dans ses cours. Avec une autre professeure titulaire de maths, on a dû mettre en place des cours de soutien pour compenser ses insuffisances », raconte-t-il.

Vivier essentiel pour assurer tous les enseignements, le traitement réservé aux non-titulaires est incohérent. Depuis plus de dix ans, le corps enseignant est de plus en plus non-certifié, précaire, mais il dispose d’un côté pratique : il est rentable pour l’État.

*Les prénoms ont été modifiés

Valentin Longuet et Violette Vauloup,
étudiants en journalisme à l’IUT de Lannion (Côtes-d’Armor)

Pourquoi une enquête sur les non-titulaires de l’Éducation nationale ?

Valentin Longuet : Avant d’avoir obtenu son concours du second degré, mon compagnon a été maitre-auxiliaire de l’enseignement privé pendant plus de six ans. J’ai eu beaucoup de retours sur les conditions de travail, les paradoxes, les manquements de ce statut. C’est aussi ce dernier qui nous a longtemps mis dans une précarité financière et géographique. J’ai voulu conjuguer mon travail de journaliste et cette réalité à la fois si proche et si éloignée. Cette enquête m’a permis de voir le monde enseignant (et les milliers de professionnels qui le font vivre) autrement. Deux questions m’ont guidé tout au long de cette enquête : quelle est l’ampleur de ce phénomène et pourquoi maintenir ces statuts ? Selon moi, notre travail y a largement répondu.

Violette Vauloup : Nous sommes convaincus que la multiplication des enseignants non-titulaires s’inscrit dans une transformation plus globale de l’école. À travers notre enquête, nous avons cherché à comprendre en quoi la précarisation croissante d’une partie du corps enseignant répond à une logique de rentabilité et de privatisation des services publics.

Photo de Jean-Charles Léon.