Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Les arts plastiques se mettent au vert !

Comment impliquer des élèves dans un projet qui soit collectif, créatif et citoyen à la fois ? Comment engager une réflexion sur le recyclage et le développement durable en arts plastiques ? Comment inscrire un projet créatif dans la dynamique du projet d’établissement ? Par exemple, en réalisant une jungle éternelle !

Après des mois de contraintes sanitaires liées au covid et de recommandations complexes à mettre en œuvre en arts plastiques, l’envie était forte de proposer aux élèves un projet galvanisant, ludique et collectif, apte à motiver l’ensemble de l’établissement et qui permette aux élèves de pratiquer et de brasser des matériaux à tout-va.

La question du végétal et de la nature me trottait dans la tête depuis plusieurs mois, sans que je sache vraiment quel dispositif déployer pour engager les élèves dans cette pratique. Finalement, la démarche et le label E3D (Établissement en démarche globale de développement durable) dans lequel mon collège était engagé m’a permis de cadrer et de donner davantage d’ampleur à ce projet tout en lui insufflant une dimension citoyenne. Ainsi, dans le cadre de la semaine européenne du développement durable (du 20 au 24 septembre 2021), tous les élèves de la 6e à la 3e se sont engagés dans un work in progress en arts plastiques intitulé « jungle éternelle ».

Des références artistiques

Ce projet est avant tout un hommage aux jungles du Douanier Rousseau que les élèves ont (re)découvert à l’occasion d’une approche culturelle en classe. Mais le projet s’inspire également des murs végétaux du biologiste et botaniste Patrick Blanc (tels que ceux visibles au Musée du Quai Branly et à la Fondation Cartier) ainsi que des décors végétaux des dessins animés de Michel Ocelot (Kirikou, Princes et Princesses) et des installations délicates en papier découpé des graphistes Zim & Zou (set design des vitrines Hermès).

Enfin, et cela a son importance, le cours d’arts plastiques ne dure que cinquante-cinq minutes, et cette contrainte a largement orienté le projet vers une pratique simple et efficace, qui puisse être déployée de la 6e à la 3e et qui offre, malgré tout, un résultat visuel satisfaisant et suffisamment impactant.

La technique du collage comporte toutes ces caractéristiques et autorise même une certaine subtilité quand la surface est ajourée, ou que des aplats de couleurs sont ajoutés (nervures collées avec du papier plus clair ou plus foncé). Et, pour faciliter la logistique et assurer une cohérence visuelle, j’ai choisi d’imposer le format A4 (avec la possibilité de créer des feuilles plus ou moins grandes).

Papier, plastique, tissu

Chaque élève a apporté, la semaine précédant le projet, des papiers (tapisserie, imprimante, post-it), des morceaux de tissu ou de plastique qui ne servaient plus, avec pour seule contrainte que ces matériaux soient de couleur verte. Le premier jour, cinq classes se sont relayées à grands coups de ciseaux, réalisant de belles feuilles aux allures tropicales ou exotiques. Deuxième jour, trois classes et plus de quatre-vingts feuilles. Troisième jour, deux classes et quelque soixante feuilles, et ainsi de suite.

Au fur et à mesure que les classes se succédaient, les lianes prenaient forme et s’accrochaient aux murs de la réserve d’arts plastiques.

Des modèles de feuilles étaient à disposition des élèves (issues de banques d’images en ligne) mais également des reproductions des tableaux du Douanier Rousseau, afin que chacun puisse librement puiser son inspiration dans le modèle souhaité ; beaucoup d’élèves ont aussi choisi de laisser libre cours à leur imagination, en tenant compte des particularités de leur matériau. Le choix de la feuille est aussi motivé, car c’est un référent simple que tout le monde connait et peut reproduire facilement.

De nos matériaux utilisés, nous n’avons rien jeté : tout était soigneusement gardé et trié dans des cartons différents (opaque/transparent, clair/foncé) afin que la classe suivante mette à profit les restes de tissu ou chutes de papier. Cela a d’ailleurs donné lieu à des rencontres de matériaux réussies avec des feuilles contrastées aux silhouettes très graphiques.

Plus belle, plus grande, plus contrastée

Enfin, nous avons produit une liane par classe et ce choix a engendré une belle émulation dans les cohortes ! Rapidement, une sorte de chalenge est né, pour créer une liane « plus belle », « plus contrastée » ou « plus grande » que celles des classes précédentes, et le cours d’arts plastiques s’est transformé en un atelier continu où les élèves enthousiastes venaient en étant bien décidés à surpasser la classe d’avant !

À la fin de la semaine, toutes les lianes étaient suspendues dans la salle d’arts plastiques, chaque liane avait une étiquette avec le nom de la classe et la date, et chaque feuille portait le nom d’un élève. La réussite de ce travail collectif reposait sur la participation de chacun. De la 6e à la 3e, l’investissement a été le même et les élèves éprouvaient une grande fierté à la vue de ce travail plein de panache : la somme des feuilles individuelles créait un ensemble remarquable et coloré.

Installation de la « Jungle éternelle » par Hafid Lazizi, ouvrier professionnel du collège.

Enfin, les lianes ont été installées à l’entrée de l’établissement, sur un mur visible, situé entre l’administration et l’accès aux salles. Nous souhaitions sécuriser cette création (le papier reste malgré tout un matériau fragile), en évitant un lieu avec trop de passage, et, dans le même temps, qu’elle soit visible à l’ensemble de la communauté éducative.

Accrochage

L’ouvrier professionnel du collège a préparé l’installation de A à Z (percements, accrochage de câbles en fer et transport des lianes) et l’accrochage a été réalisé avec son aide précieuse et celles de quelques collègues et élèves venus prêter main forte. Dans la continuité de la semaine européenne du développement durable, les écodélégués du collège ont organisé une journée verte au collège (1er octobre 2021) qui nous a permis d’inaugurer, en leur présence et celle des personnels administratifs, « la jungle éternelle ».

In fine, il reste de la place sur ce mur et rien n’interdit d’agrandir cette « jungle éternelle », d’année en année. Les matériaux restants peuvent être réutilisés, le projet ne nécessite aucune compétence particulière si ce n’est de savoir découper et coller. Ce projet peut même s’affranchir de l’enseignant qui l’a créé afin de devenir une sorte de chalenge d’établissement, une création ouverte et poétique à réactiver, au gré des équipes, des générations d’élèves et des enjeux écologiques et créatifs.

Mélie Jouassin
Professeure d’arts plastiques et d’histoire des arts au collège Yves du Manoir de Vaucresson (Hauts-de-Seine) de 2016 à 2022

Sur notre librairie