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Du lait au yaourt

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Laisser les élèves se tromper puis s’apercevoir de leurs erreurs pour consolider la méthodologie, tel est le parti pris de cette enseignante avec sa classe de 6e. Cela suppose un cadre rassurant.

L’entrée dans la démarche expérimentale peut être très linéaire si l’on est dans le modèle Oheric (Observation, hypothèses, expériences, résultats, interprétation, conclusion). L’élève suit alors un schéma élaboré et réfléchi par le professeur. L’expérimentation est ici un moyen de rendre l’élève actif en classe, mais il est loin d’être acteur. Au contraire, nous devons permettre à nos élèves de réfléchir, penser, élaborer, tâtonner, mettre en œuvre, se tromper, réajuster, recommencer. C’est ainsi que fonctionnent les scientifiques. J’aime rappeler à mes élèves que ce sont parfois par des erreurs que naissent les plus grandes découvertes.

J’exposerai ici un exemple abordé avec les élèves de 6e. Ils cherchent les facteurs responsables de la transformation du lait en yaourt. C’est en privilégiant le réel que l’on motive les élèves, ils se trouvent face à quelque chose qui les interpelle et ont envie de savoir. Naissent alors des idées, ils se rendent vite compte qu’elles sont peu efficaces pour la résolution du problème, qu’ils n’en savent rien ! C’est à moi de les mener à construire leurs hypothèses, les élèves ne pourront, seuls, penser aux ferments lactiques et à une température de 42 °C. Une fois les idées posées, je leur demande comment poursuivre notre démarche ? Ils proposent tous de faire la même chose : un yaourt. J’aime les laisser partir dans ce qu’ils croient être de l’expérimentation. Ils trouvent alors à leur disposition tous les éléments pour réaliser la recette d’un yaourt qu’ils appliquent à la lettre, soucieux de bien faire, se donnant comme unique objectif de réussir leur yaourt. Quelques jours plus tard, nous voilà avec une série de yaourts dont ils pourraient se contenter. Je demande aux élèves s’ils pensent avoir prouvé que les deux facteurs étaient indispensables à cette transformation ; émergent alors les premiers doutes. Les élèves se rendent comptent qu’ils se sont contentés de croire en des idées. Ils comprennent alors que ces idées ne doivent pas être considérées comme des affirmations, mais comme des suppositions qu’ils doivent vérifier grâce aux expériences. On ne fait pas des expériences pour se contenter de manipuler, d’être actif en classe. L’expérimentation s’inscrit dans un processus, c’est un moment clé de la démarche qui sert à éprouver les hypothèses.

Avant d’expérimenter, ils doivent élaborer une stratégie. Comment prouver que ces deux facteurs sont indispensables ? Cette étape est réalisée d’abord en binôme, puis ceux-ci confrontent leur stratégie avec celle des autres. Le but est ici de développer l’esprit critique : accepter de remettre en cause ses propres idées. C’est durant cette phase que les élèves font appel aussi à leur créativité en imaginant des dispositifs de test. Je discute avec eux de la faisabilité et de la pertinence de ces derniers. Les élèves sont également amenés à faire des prévisions : qu’attendent-ils comme résultats ?

Lâcher prise pour exploiter les résultats

Vient alors la phase de mise en œuvre de la stratégie, celle où les élèves manipulent. Ils pourront être amenés à trouver d’eux-mêmes les outils, le matériel qui leur sera nécessaire. Ici, le matériel était connu des élèves, mais ils ne suivent plus une recette préétablie. À nous de les rassurer, de leur faire comprendre que l’on sait qu’ils peuvent bien faire. Ils oseront alors se tromper, recommencer et modifier leur cheminement. Nous devons aussi leur montrer que nous avons confiance en eux, il faut accepter de lâcher prise et de leur laisser de la liberté, ce qui valorisera leurs travaux et les responsabilisera : ce qu’ils entreprennent vient bien d’eux et non du professeur. L’élève est ainsi à la fois actif et acteur, il est partie prenante dans ses apprentissages.

Pour rendre compte des résultats, les élèves ont déjà travaillé différents moyens de communication (dessin, phrases, tableaux, cartes mentales, schéma, photos, etc.), nous pouvons les laisser de nouveau libres dans leur choix ou le leur imposer selon les objectifs visés. Dans cet exemple, nous avons travaillé avec les élèves sur la manière de schématiser des expériences.

Enfin, les élèves apprendront à exploiter leurs résultats. Ils peuvent alors se trouver déstabilisés quand ils se trouvent face à des résultats qui contredisent leurs conceptions initiales. À nous de leur permettre de garder confiance en leur montrant que les sciences se construisent et tendent à se rapprocher de la vérité sans la saisir tout à fait. Les sciences peuvent émettre des énoncés, mais elles restent provisoires, car sans cesse remises en question par de nouvelles découvertes ou question.

Développer la curiosité, la confiance en soi, le questionnement et l’envie de chercher chez nos élèves est là notre challenge.

Alice Vandermoere
Professeure de SVT, formatrice collège Louis-Blériot de Sangatte