DECLENCHEUR. J’étais néotitulaire la première fois que j’ai recueilli la parole d’une élève victime d’abus sexuels graves. Avec du recul, je réalise que dans d’autres circonstances, j’aurais pu passer à côté de son appel au secours. Nous étions au CDI, en demi-groupe, c’était un peu avant les vacances de Noël. J’avais décidé de faire des lectures de contes avec mes 6es, les élèves étaient assis face à moi en demi-cercle et j’ai commencé ma lecture : « Il était une fois un homme qui avait sept filles. » Une petite a murmuré : « Moi je sais pourquoi il a sept filles. » Un signal d’alarme a retenti dans ma tête. J’ai demandé à ma collègue documentaliste de poursuivre la lecture et suis sortie avec l’élève. La suite, vous la devinez. L’enfant était victime d’abus sexuels. Il y a eu d’autres cas dans ma carrière, mais une constante demeure dans la libération de la parole : elle avait pour origine une lecture. Il est plus facile pour un élève de dire « ce que vit ce personnage, je le vis aussi » que de raconter son histoire directement. J’espère qu’à travers les titres qui suivent, les victimes puiseront la force de demander de l’aide et de dénoncer leurs agresseurs.