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Revue de presse du 16 janvier 2022

L’actualité éducative a été marquée par la mobilisation du 13 janvier. La revue de presse revient longuement sur les raisons de la colère et ses expressions. Le mouvement gagnera t-il l’enseignement supérieur attaqué aussi par des velléités de profondes réformes ? Sur le front des attaques, l’école inclusive n’est pas non plus épargnée.

Illustration Fabien Crégut

Pilotage en panique

En début de semaine, tout était (à peu près) sous contrôle pour Jean-Michel Blanquer. « En terme logistique, cela va tenir. Sur le plan humain, tout le monde est fatigué, lassé de cela. Il faut se serrer les coudes, être unis », a précisé le ministre de l’Éducation nationale sur France 2 . Juste se serrer les coudes et zou ! La formule magique n’a pas dissolu l’exaspération généralisée et partagée au sein de l’univers large de l’éducation. L’appel à la mobilisation pour le jeudi 13 s’est propagée. « Ce jeudi, le monde de l’éducation connaîtra une journée de grève inédite qui regroupera la quasi-totalité des métiers de l’enseignement. Ils se mobilisent contre la gestion de l’épidémie dans les écoles, collèges et lycées, et ont aussi des revendications touchant au scolaire, notamment à l’organisation du baccalauréat. » explique l’Étudiant.

La FCPE, fédération majoritaire chez les parents d’élèves, s’est jointe au mouvement en appelant les parents à ne pas mettre leurs enfants à l’école le 13 janvier. « Lassée des différents protocoles imposés par le ministère de l’Éducation nationale depuis le début de la pandémie, la FCPE demande que des moyens soient enfin accordés aux établissements scolaires : masques, capteurs C02, purificateurs d’air et savons… » précise Sud-Ouest.  

L’Étudiant fait une revue des troupes. Outre une union syndicale à spectre large, « On compte enfin dans les appels ceux d’un syndicat de l’enseignement privé et d’une intersyndicale d’enseignants en lycées agricoles. Plusieurs de ces syndicats représentent également les CPE (conseillers principaux d’éducation), les assistants d’éducations ou les psychologues de l’Éducation nationale. Chose très rare, les cadres de l’éducation nationale rejoindront le mouvement : les proviseurs et personnels de direction, ainsi que les inspecteurs d’académie. » Libération le constate aussi (article réservé aux abonnés) « Une unité de la communauté éducative «exceptionnelle», selon l’historien de l’éducation Claude Lelièvre, qui estime que Jean-Michel Blanquer n’a pas «mesuré l’exaspération du personnel».

Sans doute devant l’ampleur annoncée du mouvement, Jean Castex tente de calmer les choses en intervenant à la télé. « C’est raté. Après cette intervention au 20 h de France 2, ceux qui hésitaient vont avoir encore plus de raison de faire grève​, réagit Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp, le premier syndicat d’enseignants du primaire. Certes, il y a des aménagements utiles. Mais ce protocole reste un protocole fait pour les adultes, certainement pas pour le bien des enfants, fustige de son côté Nageate Belhacen, co-présidente de la fédération des conseils de parents d’élèves. » peut-on lire toujours dans Sud-Ouest.

La faute à Omicron ?

Pour la Croix (article réservé aux abonnés), Omicron est un « catalyseur du malaise enseignant ». « Pendant près de deux ans, la pandémie avait mis la protestation sociale entre parenthèses mais le nouveau variant, associé à des protocoles successifs inopérants, change la donne. L’expression du ras-le-bol n’en est que plus vigoureuse. »

La Croix relaie également l’exaspération vécue au sein de l’enseignement catholique. « « La grève, ce n’est pas dans l’ADN de l’enseignement catholique », commente Christophe Geffard, directeur diocésain à La Roche-sur-Yon. « Certains profs ne se sont pas déclarés officiellement grévistes mais ont imaginé des actions pour protester contre le chaos, le manque de considération de l’éducation nationale, la lassitude de remplir des tableaux avec les dates d’autotests plutôt que de faire cours ! »

La rentrée chaotique a sans doute versé du sel sur les plaies déjà vives chez les enseignants. Le dogme de l’école ouverte privilégié coûte que coûte et sans réelle concertation avait déjà fatigué les professionnels de l’éducation et renforcé leur sentiment d’être méprisés. « La vraie raison du maintien des écoles, tout le monde la connaît et le reconnaît à demi-mot : c’est pour préserver le fonctionnement de l’économie. Pourquoi ne le dit-on pas clairement ? Cette hypocrisie, ce demi-mensonge, est néfaste. Car il donne aux enseignants le sentiment d’être « sacrifiés » sans qu’on leur dise officiellement les vraies raisons. En somme, on les prend pour des idiots alors qu’un langage de vérité pourrait – ou au moins aurait pu – être accepté. » explique Philippe Watrelot dans Alternatives Économiques.

La continuité éducative est mise à mal « avec des absences perlées liées à la circulation du SARS-CoV-2. ». « Cela fait deux ans que ça dure », s’agace Manuella Delbecq, élue de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) d’un collège de Montpellier classé REP +, dont le fils a raté plusieurs mois de cours de français – le Covid-19 a mis une pression trop forte sur le vivier de remplaçants. » lit-on dans le Monde.

École ouverte, continuité éducative, des mots, des doctrines, voire des mantras, qui usent à mesure que le gouvernement en abuse. Sans compter « la petite musique que l’on entend au second plan de la communication gouvernementale », décryptée par Clément Viktorovitch. « Jean-Michel Blanquer n’hésite donc pas, lui, à dire tout haut le fond de sa pensée. Il parle explicitement de division. Et il a même cette phrase terrible : « on ne fait pas grève contre un virus ». Une manière de dire que les enseignants ne seraient pas seulement des idéologues : ils auraient véritablement perdu tout sens commun. »

Une mobilisation inédite et après ?

Le monde de l’éducation était massivement dans la rue jeudi 13 janvier. Pour le premier degré particulièrement : « avec 38,5% de grévistes selon le ministère et 75% selon le premier syndicat du primaire, cette mobilisation est la plus importante depuis 2019. », indique l’Etudiant. (Sans compter les enseignants consignés à la maison par le COVID.) La revue liste aussi les mesures annoncées à l’issue des négociations entre les syndicats, le premier ministre, le ministre de la santé et celui de l’Éducation Nationale : « Masques, recrutements, baccalauréat… Ce qu’il faut retenir des annonces de Jean-Michel Blanquer après la grève des enseignants ». La méfiance étant de mise, l’application de ces annonces est attendue avant d’entonner des hourras enthousiastes.

« Des excuses pour apaiser les tensions ? Ce vendredi, au lendemain de la grève qui a mobilisé des milliers d’enseignants dans toute la France, Jean-Michel Blanquer a présenté son «mea culpa». » raconte Le Figaro. Cette interrogation du quotidien semble illustrer le constat de Philippe Watrelot :

« Jean-Michel Blanquer sort, toutefois, très affaibli de cette séquence. On a assisté ces derniers jours à la fin de son immunité médiatique. » Le malaise des écoles et de tous les personnels qui y travaillent est désormais visible et reconnu. « Si la grève du 13 janvier a beaucoup été présentée comme une « grève des enseignants », une grosse partie du contingent gréviste était formée d’autres métiers, moins visibles mais tout aussi essentiels. Les assistants d’éducation, par exemple, sortent de plusieurs années de précarité amplifiées par le covid. » souligne France3. Les mensonges et approximations du ministre de l’éducation ne sont plus gobés sans sourciller par les médias.

Alors, victoire ? Pas vraiment. Un nouvel appel à la grève pourrait être lancé par une partie au moins des syndicats. Et puis, selon Philippe Watrelot, des problèmes de fond doivent aussi être abordés : « S’il faut évidemment « panser » l’école et revaloriser les enseignants, le véritable enjeu est de penser et proposer un projet d’une école de l’émancipation et de la justice sociale qui permette vraiment d’affronter les enjeux du XXIème siècle. »

L’enseignement supérieur gronde aussi

Il bruissait déjà suite au colloque « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture », organisé à la Sorbonne les 7 et 8 janvier et ouvert par Jean-Michel Blanquer. « Le colloque organisé à La Sorbonne contre le “wokisme” relève d’un maccarthysme soft », dénonce le sociologue François Dubet dans une tribune publiée par Le Monde (réservée aux abonnés).

770 anciens étudiants de Sciences-po Grenoble prennent la défense de leur école, pour laquelle la Région présidée par Laurent Wauquiez a décidé de retirer ses subventions suite à la suspension d’un enseignant. « Depuis de longs mois, la polémique secoue l’institut dont deux professeurs avaient, par voie d’affichage sur les murs de l’école, été accusés d’islamophobie, en début d’année dernière. » explique le Dauphiné Libéré. Le wokisme est mis sur le banc des accusés par le président de la Région. « Par cette tribune, nous condamnons fermement la normalisation de termes conceptuellement infondés, empruntés à l’extrême-droite, dans la presse et le discours politique, qui mettent en cause la rigueur scientifique des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de notre école ; et apportons notre soutien à celles et ceux qui travaillent sur les concepts de racisme, d’antisémitisme et d’islamophobie, et sur les sujets d’égalité et de lutte contre les discriminations en général. » répliquent les étudiants.

Le sup vit de profonds changements. Celui de l’accroissement de la compétition d’abord. « Au cours des vingt dernières années, les gouvernements du monde entier ont poussé leurs universités à devenir plus compétitives au niveau mondial. Ceci a profondément transformé les écosystèmes de l’enseignement supérieur et de la recherche de pays comme la France, en érodant les catégories nationales telles que la distinction entre les grandes écoles et les universités, tout en creusant l’écart entre les institutions à forte intensité de recherche et celles qui ne le sont pas. » souligne Jean-Luc Dubois-Randé dans une tribune publiée par le Monde (réservée aux abonnés). Autre changement : « Le digital modifie le secteur de l’enseignement supérieur en profondeur ». Romain Zerbib et Olivier Mamavi présentent dans The Conversation, l’ouvrage « Transformation digitale et enseignement supérieur » qu’ils ont coordonné.

Et dans ce contexte, devant la Conférence des Présidents d’Universités, « À trois mois de la présidentielle, Emmanuel Macron a exposé, jeudi 13 janvier, une réforme « systémique » des universités, qu’il veut plus « professionnalisantes », tout en jugeant intenable un système d’études supérieures « sans aucun prix » pour les étudiants mais avec un taux d’échec massif. » relaie Le Point. Le Président « propose une remise en question du double système « grandes écoles-universités » souligne Le Monde. « Devant les présidents d’universités, le Président a esquissé les grandes lignes de ce que serait un deuxième quinquennat pour l’enseignement supérieur et la recherche : l’émergence d’établissements à l’américaine, et donc payants. » explique Libération. La Croix s’intéresse à cette question de la pseudo-gratuité des études : « Il est bien que le président ait posé la question du sous-financement des universités, mais il est regrettable que la seule hypothèse esquissée pour y répondre soit de mettre fin à la gratuité », déplore Mathias Bernard, président de l’université Clermont Auvergne. « Cette expression est d’ailleurs fausse, quand on sait que la moitié des étudiants doivent travailler, ajoute-t-il. La question du financement de l’enseignement supérieur doit être travaillée dans une perspective plus large, et en gardant à l’esprit les principes d’égalité des chances, de démocratisation de l’enseignement, et de service public. »

« Le président veut adapter les formations aux besoins des entreprises, faire payer les étudiants, réformer l’orientation, donner plus d’autonomie aux établissements. » résume le Point (article réservé aux abonnés). De quoi hausser encore le niveau d’inquiétude dans l’enseignement supérieur du côté des étudiants et des personnels.

Du côté de l’école inclusive, des attaques et des ressources

Sur notre site cette semaine, deux articles viennent à la rescousse des Segpa suite à la bande-annonce d’un film produit par Cyril Hanouna. Sylvain Connac interpelle le producteur : « Vous avez récemment annoncé que vous êtes en train de produire un film qui s’appellera Les Segpa, inspiré par la série du même nom et qui devrait sortir au mois d’avril. Nous comprenons et pouvons même apprécier votre envie de faire rire, surtout dans une période où la vie est douloureuse et incertaine pour la plupart d’entre nous. Toutefois, nous vous demandons de bien vouloir changer le titre de ce film, parce qu’il s’en prend à des jeunes qui ne méritent pas ça. En le titrant ainsi, vous collez à ces jeunes une étiquette bien difficile à supporter. ». Sandrine Sirvent, professeure en Segpa, raconte son métier, ses élèves auprès de qui elle aime enseigner. Elle exprime aussi son indignation : « Elle souligne que le racisme social n’est pas loin en s’attaquant à des jeunes et des familles en difficulté qui n’ont ni le temps ni l’énergie de se défendre. Le silence institutionnel est d’autant plus assourdissant, ce qui ne l’étonne guère. » A signaler qu’une pétition «Non à la dévalorisation des élèves de SEGPA » est en ligne.

Le candidat bolloresque et extrémiste a remis en question l’inclusion des élèves en situation de handicap provoquant un concert de réactions indignées. Certes, mais Caroline Boudet, journaliste et maman d’une fillette trisomique, s’interroge dans Médiapart (article réservé aux abonnés ) : « Élèves handicapés : les vilénies de Zemmour, le tollé, et après ? »

Aux antipodes des visions excluantes, stigmatisantes et anxiogènes, on peut lire dans le Monde « un plaidoyer pour une institution juste, solidaire et mixte ». « La mixité sociale, le souci de la solidarité et la coopération entre élèves sont au fondement du « réenchantement » possible de l’institution scolaire, plaide le sociologue Aziz Jellab dans son ouvrage. » expose Luc Cédelle dans un article réservé aux abonnés.

Pour lutter contre les préjugés, l’Observatoire des inégalités a « créé le « Monopoly des inégalités ». Comme dans la vie, les joueurs ne débutent pas tous la partie au même niveau et tous n’expérimentent pas les mêmes discriminations. », un jeu décrit sur le site de France-Inter.

Le site Eduscol propose quant à lui des « Ressources nationales et européennes pour l’égalité entre les filles et les garçons ».

 

La revue de presse cette semaine était tricotée par Monique Royer à partir des liens collectés par Bernard Desclaux

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Sur la librairie des Cahiers pédagogiques

N° 572 – Entretiens en milieu scolaire, novembre 2021

Coordonné par Michèle Amiel et Anne-Marie Cloet-Sanchez

L’entretien est une forme d’échanges avec les élèves, les familles, les collègues, les personnels ou les stagiaires, etc. Entre souci de relation et exigence d’efficacité, son exercice montre que c’est une compétence qui peut se développer, et devenir même un réel support des apprentissages pour chacun.

 

N° 571, L’alimentation et l’école, octobre 2021

Coordonné par Hélène Limat et Alexandra Rayzal

L’alimentation, un thème aussi essentiel à la vie que marginal à l’école ! Et pourtant il apparait dès qu’on s’interroge sur le fonctionnement du système scolaire dans bien des aspects : le bienêtre des élèves, l’organisation des établissements, les codes et règles, les représentations, les savoirs enseignés et les contenus d’enseignement.

Quelle place prend l’alimentation dans nos salles de classe, nos établissements, nos thématiques et nos cours ?