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« Nous défendons une école maternelle riche en sollicitations culturelles et langagières »

L’école maternelle française reste une de celles qui produisent les plus grands écarts de réussite entre élèves selon leur origine sociale. Dans un contexte de forte pression sur les formes et contenus de la maternelle, quelles valeurs, quels fondamentaux voulons-nous promouvoir ? Que faut-il enseigner aux petits de 2 à 6 ans ? Et comment ? Nous apportons nos réponses à ces questions dans notre dossier « Où va l’école maternelle ? », présenté par ses coordonnateurs, Jacques Crinon et Maëliss Rousseau.

Jacques Crinon et Maëliss Rousseau. ©DR

Pourquoi cette question en titre ? Quels sont les enjeux de l’école maternelle aujourd’hui ?

Les politiques éducatives récentes affirment l’ambition que l’école maternelle accompagne tous les enfants dans leur développement, contribue à une réduction des inégalités sociales d’apprentissage, constitue un milieu accueillant et exigeant à la fois. Paradoxalement, leur mise en œuvre se traduit souvent d’une manière qui va à l’encontre de cette ambition : attente de connaissances et d’une posture d’élève préalables qui devraient au contraire être des buts, inflation évaluative, réduction des objectifs d’apprentissage au « lire, écrire, compter », multiplication des fiches, des entrainements mécaniques, des rituels sans contenu, mépris des besoins et des rythmes de vie de jeunes enfants, rejet des parents.

Pourtant, beaucoup d’enseignantes font autre chose. Au cours des années se sont accumulés pratiques et résultats de recherches : l’école maternelle sait être un lieu favorable au bienêtre et aux apprentissages de tous. Malgré nos inquiétudes, nous espérons que l’école maternelle va dans cette direction, et nous souhaitons, dans ce dossier, non seulement critiquer les pratiques délétères et contreproductives par rapport à une prétendue préparation à l’école élémentaire, mais surtout armer les enseignantes.

Que défendent les Cahiers pour la maternelle ?

Éducation et instruction vont de pair, c’est vrai quel que soit l’âge d’un élève, mais encore plus vrai à l’école maternelle. C’est pourquoi le dossier contient des propositions concernant la manière de créer un climat affectif chaleureux et confiant, l’organisation de la classe et de l’école, la conduite des apprentissages dans différents domaines, du langage oral à l’enseignement artistique, de la structuration du temps et de l’espace à l’acquisition de la numération, etc. Il propose aussi bien des témoignages sur un projet à dominante scientifique ou sur une correspondance avec une classe à l’étranger que des réflexions sur l’apport indispensable du jeu symbolique dans le développement de l’enfant ou l’analyse d’échanges qui permettent que les élèves s’acculturent aux usages langagiers propres à tel domaine de connaissances…

À travers tout cela, nous défendons une école maternelle riche en sollicitations culturelles et langagières, où les élèves apprennent en agissant et en prenant conscience, avec l’aide de l’enseignante, de ce qu’ils apprennent par leur activité.

Quels types d’articles trouveront les lecteurs dans ce dossier ?

Dans ce dossier, nous avons cherché à croiser les regards sur l’école maternelle. On y trouve donc des résultats de recherche, des pratiques, des références, etc. qui éclairent toutes à leur manière la question : « Quelles pratiques pour construire l’école maternelle que nous voulons ? » Les formes d’écrits sont diverses : aux côtés des articles classiques illustrés par les dessins de Borris, on trouve des fiches-outils, un compte-rendu d’observation de classe, un état de la littérature sur le langage en maternelle, le portrait d’une directrice… Le dossier est divisé en trois parties : la première est consacrée au « climat affectif » indispensable aux apprentissages, la deuxième à « une organisation stimulante » et la dernière aux domaines d’apprentissage qui, selon nous, sont « tous fondamentaux ». Enseignants de maternelle, débutants ou confirmés y trouveront de quoi inspirer et prendre du recul sur leurs pratiques, les formateurs, des dessins et articles qui permettent d’interroger le métier. Quant aux lecteurs qui ne connaissent pas la maternelle, ils ouvriront une fenêtre sur une pédagogie riche ainsi qu’un éclairage singulier sur des débats qui traversent l’école dans son ensemble.

Est-ce que quelque chose vous a particulièrement plu dans ce travail bénévole ?

Coordonner à deux un dossier des Cahiers pédagogiques est toujours stimulant. Ce n’est pas seulement un moyen de se répartir la correspondance avec les auteurs d’articles, la mise au point des textes, leur saisie dans l’outil d’édition. Surtout, le travail collaboratif permet de mieux réfléchir pour concevoir le dossier, de préciser les objectifs de celui-ci afin de tenter d’avoir un ensemble cohérent, de se compléter grâce à nos expériences différentes.

Et, évidemment, tout ce travail n’a de sens que parce que nous sommes convaincus de l’importance de l’enjeu : ce qui se passe à l’école maternelle est à la racine de la réussite ou de l’échec scolaire ultérieur, même si rien n’y est définitivement joué.

Propos recueillis par Cécile Blanchard

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