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Mon marathon pour devenir perdir
Pour le concours 2021, l’Éducation nationale avait ouvert 560 postes de personnel de direction. Qu’est-ce qui peut motiver une professeure d’espagnol à se lancer dans la course ? Comment a-t-elle réussi à faire partie des admis, malgré le contexte difficile ? Un témoignage personnel riche en réflexions et ressources.
À bien y réfléchir, j’ai le sentiment d’avoir toujours souhaité devenir personnel de direction. Je n’ai pas pris la décision de me présenter au concours de recrutement à une date précise, sinon de façon progressive : riche de mes connaissances et des compétences acquises au cours de mes seize premières années à l’Éducation nationale, mais aussi grâce aux diverses rencontres, au travail en équipe, à ma participation à la vie de l’établissement ou grâce à mon introspection engagée en amont de mon entretien PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations).
Une double motivation
TZR (Titulaire de zone de remplacement) pendant sept ans, j’ai découvert divers types d’établissements (majoritairement en zone d’éducation prioritaire), divers fonctionnements et surtout des publics très variés. Tutrice, formatrice, j’ai rencontré des chefs, des adjoints, des inspecteurs et des formateurs créatifs, dynamiques, engagés dont le travail m’intéressait beaucoup. Ma motivation est double : elle repose sur l’intérêt que je prends, d’une part, à l’idée de conduire un projet d’ensemble et, d’autre part, à favoriser l’évolution des pratiques pédagogiques et éducatives. Bien sûr, j’ai toujours été guidée par les objectifs fixés à l’école, et principalement la réduction des effets des inégalités sociales.
Un enseignant, je pense, peut avoir un impact illimité dans le temps sur ses élèves, cependant, pour lui, les choses se rejouent chaque année. Le personnel de direction (« perdir »), lui, inscrit son action dans un temps plus long et dispose d’une plus grande capacité d’agir. Pour moi, devenir « perdir » représente un changement de registre dans l’action, et cela est d’autant plus motivant qu’il s’agit aussi d’une démarche participative avec les différents groupes de travail de l’établissement, et avec le concours des ressources académiques ou des corps d’inspection.
Un an de préparation au concours
J’ai préparé ce concours, parallèlement à mon métier d’enseignante, comme un marathon, mot que je dois à Lory Bareille, principale adjointe au collège de Caraman (Haute-Garonne). Tout d’abord, et cela a son importance, j’ai accepté l’idée d’être mobile et j’ai bénéficié du soutien de mon entourage proche (mon mari, mes enfants). Il n’y a pas de bon moment pour se lancer, il y a toujours des contraintes. J’ai suivi deux formations, l’une académique, l’autre avec un proviseur honoraire. J’ai eu à cœur de travailler collectivement : avec mes collègues préparationnaires d’Antony (Hauts-de-Seine), avec ceux du groupe Facebook intitulé « Personnel de direction : préparation du concours perdir », avec ma cheffe, ma cheffe adjointe et l’adjointe gestionnaire. Je me suis vraiment impliquée dans la vie de l’établissement au cours des deux dernières années (conseil d’administration, comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, conseil de la vie collégienne, commission permanente, éducative, conseil de discipline) et j’ai favorisé les démarches de projets ainsi que les échanges avec les représentants des parents d’élèves.
Pour l’écrit, j’ai commencé, seule, dès mai 2020, par un travail de recherches (sur Eduscol, education.gouv.fr) sur des thèmes variés comme la réforme du lycée, du baccalauréat, la transformation de la voix professionnelle. Puis, en juillet-août 2020, j’ai fait une partie du parcours Magistère et retranscrit presque tous les entretiens filmés.
Dès la rentrée 2020, j’ai travaillé sur des mises en situations (en formation académique) et j’ai varié mes supports de révision : lectures, rapports de jury, copies des sessions précédentes, sites internet, webinaires, réseaux sociaux. Je me suis beaucoup entraînée pour évaluer ma préparation. À l’écrit, j’ai traité une quinzaine de sujets blancs, tous les week-ends, dès le mois d’octobre. Nous nous les autocorrigions avec un groupe d’amis tous les dimanches après-midi en visio, et je les faisais relire par mon formateur de l’organisme Educadre, Jean-Yves Langanay, IA-IPR EVS (Inspecteur d’académie-Inspecteur pédagogique régional – établissement et vie scolaire)
honoraire, directeur du CRDP de l’académie de Créteil. Malgré tout, le jour J, j’ai voulu réorganiser mon brouillon, et j’ai donc perdu les précieuses quinze minutes de la fin de l’épreuve.
Pour l’oral, j’avais entamé la rédaction de mon CV, mon rapport d’activité et ma lettre de motivation dès mai 2020. Puis, à partir de février 2021, j’ai consacré environ douze semaines à l’écriture et à l’appropriation de mon exposé. En parallèle, j’ai fait une quinzaine d’oraux blancs : avec la formation académique (le mercredi après-midi), avec mon formateur Educadre, José Fouque, proviseur honoraire, avec de nombreux perdirs en poste, avec un DRH du privé ancien manager, avec une collègue de français, spécialiste de l’éloquence, avec une collègue néotitulaire. Je me souviens être sortie de l’oral plutôt confiante (« à 80 % », ai-je dit à mon mari).
La gestion des émotions
Cette préparation pourrait effrayer certains futurs candidats, mais chaque préparationnaire est différent et a sa propre organisation. Chacun connaît les forces sur lesquelles il peut s’appuyer : pour moi, le goût pour le travail organisé, rigoureux, la résilience (j’ai eu le variant anglais de la Covid-19 pendant un mois, en février, ce qui a mis à mal ma préparation), la conviction, l’envie, l’esprit positif. Mais il faut aussi avoir conscience de ses faiblesses : le stress, l’émotivité. J’ai beaucoup appris, grâce à cette préparation, quant à la gestion des émotions. C’est très important, pour un chef d’établissement, de savoir gérer ses émotions, pour demeurer dans l’écoute active, la réflexion et l’analyse, mais aussi pour garder le sang-froid nécessaire aux situations d’urgence.
Il me paraît essentiel de faire appel à l’intelligence collective. Le partage, les échanges, le travail collaboratif sont essentiels. Il ne faut pas hésiter à confronter ses idées, son point de vue avec des candidats issus d’autres corps de métier. J’ai ainsi pu travailler avec des CPE (Conseiller principal d’éducation), des professeurs des écoles, des DDFPT (Directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques), des formateurs de formateurs. Ces groupes de travail permettent une émulation positive, un soutien dans les moments difficiles, les moments de doutes.
Des soutiens dans la communauté éducative
J’ai consacré mon temps libre, sans regret, à la veille éducationnelle. Je me suis inscrite sur les listes de diffusion du Bulletin Officiel, de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), de la DAJ (Direction des affaires juridiques). J’ai suivi des formations et des webinaires Canopé, Manag’Educ, LEAD (Organisme suisse de formation : https://www.lead-edu.ch/), IH2EF (Institut des hautes études de l’éducation et de la formation).
J’ai lu beaucoup d’articles sur différents sites, navigué sur les réseaux sociaux : le groupe Facebook cité plus haut, le blog de Jean-Marc Robin Concours personnel de direction, et les pages Twitter des professeurs des écoles, des collèges et des lycées, des CAVL (Conseil académique de la vie lycéenne), des académies, des inspecteurs et des IA-Dasen (Inspecteur d’académie-Directeur académique des services de l’Éducation nationale), des perdirs, qui permettent de suivre l’actualité de l’Éducation nationale, mais aussi de se créer un réseau.
J’ai rencontré et/ou contacté plus d’une trentaine de chefs d’établissement, Philippe Bonneville, Dominique Nguyen, et chefs d’établissement adjoints vraiment présents pour aider les candidats, une IEN IO (Inspectrice Éducation nationale Information et orientation), Anne Demeulemester, candidate admise en 2020, mais également le Dasen du Gers, Farid Djemmal. Mais il faut garder en tête que cette préparation est aussi synonyme de remise en cause, de doutes, de pleurs, d’épuisement, de temps de pause. Il faut savoir rebondir, aller de l’avant, toujours être positif et garder en tête ce que l’on souhaite construire pour soi mais surtout pour la communauté éducative. Il faut s’appuyer sur ses valeurs.
Ma réussite, je la dois à toutes les personnes qui m’ont aidée, soutenue, conseillée et guidée. C’est, pour moi, le début d’une nouvelle aventure, riche, humaine, exigeante mais passionnante.
Marie Perpère