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La direction d’école primaire : entre pont et pilote

Couverture du n° 596, « Citoyenneté(s) »

Logo de l’IFE (Institut français de l’éducation)La direction d’école primaire joue un rôle complexe et central au sein de l’institution scolaire, intermédiaire entre divers acteurs et actrices concourant à l’éducation des enfants. Ses mutations successives mettent en lumière sa fonction d’interface essentielle au bon fonctionnement de l’école.

Depuis une trentaine d’années, plusieurs lois clés ont successivement façonné le rôle des directrices et directeurs d’école, chaque réforme apportant son lot de responsabilités nouvelles et modifiant les dynamiques, internes et externes, de l’école1.

La loi d’orientation du 10 juillet 1989 a marqué un tournant pour le système éducatif français. Elle a introduit des innovations telles que l’obligation de rédiger un projet d’école et la mise en place des cycles d’enseignement. Ces mesures ont transformé l’organisation des apprentissages, passant d’un modèle centré sur un ou une enseignante par classe à une approche plus collaborative, nécessitant une coordination entre les enseignants. Le directeur d’école est ainsi devenu un coordinateur, chargé de piloter ces dynamiques éducatives et les interactions entre les membres de la communauté scolaire.

Besoins particuliers

L’impact de la loi d’orientation de 1989 s’est poursuivi avec la loi du 11 février 2005, qui a généralisé l’inscription des enfants en situation de handicap dans les écoles ordinaires. Les directeurs et directrices ont dû apprendre à gérer les besoins des élèves à besoins éducatifs particuliers, les attentes des parents et l’intégration des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Ils et elle se sont retrouvés en première ligne afin de garantir un travail intermétiers de qualité entre toutes les parties prenantes, pour une inclusion scolaire réussie. Cette évolution a renforcé leur rôle d’intermédiaire entre de nombreux acteurs, exigeant des capacités accrues d’adaptation et de médiation.

Enfin, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 a accentué les responsabilités pédagogiques des directions d’école. Elle leur demande de veiller non seulement à la bonne marche de l’établissement, mais aussi à l’efficacité des pratiques pédagogiques et à la réussite des élèves. Le référentiel métier des directeurs et des directrices de 2014 a détaillé ces missions, les classant en trois grandes dimensions : pilotage et animation pédagogiques, responsabilités administratives et compétences relationnelles.

Pour mieux comprendre ce rôle, la sociologue Cécile Roaux mobilise le concept de marginal sécant2. Il désigne un acteur intégré dans plusieurs systèmes d’action, interconnectés mais distincts, qui joue un rôle d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques d’action souvent divergentes, voire contradictoires. Dans le contexte de l’école primaire, les directeurs doivent ainsi naviguer entre trois sous-systèmes principaux : le pôle de l’institution, celui des partenaires, et celui de l’équipe éducative3.

Le pôle institutionnel est incarné par l’inspection de l’Éducation nationale (IEN) représentant l’autorité bureaucratique et les politiques éducatives formalisées. La direction d’école doit appliquer ses directives tout en tenant compte des réalités locales et des besoins spécifiques de son école.

Les partenaires, dont la commune, collectivité territoriale de rattachement, incluent les parents, les élus locaux, et divers intervenants extérieurs. Les directeurs et les directrices doivent naviguer entre ces acteurs avec tact et diplomatie, prendre en compte les exigences administratives et les attentes locales. Les parents d’élèves en particulier peuvent exprimer des attentes concernant la scolarité de leur enfant en contradiction avec les logiques enseignantes, nécessitant de la part de la direction une sensibilité spécifique.

Car, enfin, au sein même de l’école, la direction reçoit les attentes et les préoccupations de l’équipe éducative. Elle doit maintenir un climat scolaire propice aux apprentissages, dénouer les conflits et les résistances internes, et inspirer ses pairs pour atteindre les objectifs pédagogiques définis par le projet d’école.

Les réformes éducatives ont progressivement transformé le rôle de pivot des directrices et directeurs d’école, essentiel et polyvalent, au sein de l’institution scolaire. Introduisant la notion d’autorité fonctionnelle, la loi Rilhac de 2021 semble amorcer un changement plus profond, susceptible de conduire à une redéfinition de leur statut.

Peggy Neville
Chargée d’études, équipe Veille et analyses de l’IFE (ENS de Lyon)

Pour aller plus loin
Peggy Neville, « La direction d’école, une question d’équilibres ? », Dossier de veille de l’IFÉ n°149, novembre 2024.

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Couverture du n° 596, « Citoyenneté(s) »


Notes
  1. Peggy Neville, « La direction d’école : quels héritages ? » Édubref n° 19, avril 2024, IFE-ENS de Lyon.
  2. Cécile Roaux, « La direction d’école primaire, une question de pouvoir ? », Recherches en éducation n° 49, 2022.
  3. Florian Ouitre et Sandrine Prevel, « Le système d’activité des directeurs des écoles : une modélisation en termes de problèmes professionnels pour appréhender la complexité de la fonction », Revue française de pédagogie n° 219, 2023, P.47‑67.