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Michel Ocelot : « Je transmets ce que je sais et que je pense utile »

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Cinéma. Présente-t-on Michel Ocelot ? Le réalisateur, auteur de Kirikou, de Princes et Princesses ou encore d’Azur et Asmar, est connu pour ses dessins magnifiques, aux décors foisonnants, et, donc, pour ses films d’animation où tous, petits et grands, trouvent matière à voyager, rêver et réfléchir. Il répond à nos questions, pour un entretien qui défend le plaisir à être ensemble.

Que pourriez-vous nous dire sur votre parcours scolaire, notamment en Afrique ? L’école a-t-elle joué un rôle dans le chemin qui vous a amené à être cinéaste d’animation et au choix de vos thèmes ?

Mon école primaire s’est déroulée à Conakry, en Guinée. Je ne me posais pas de question sur l’école, c’était la vie, j’étais un élève moyen, bon en dessin et en rédaction, ce qui est resté le cas quand je me suis trouvé dans le Val-de-Loire. C’était une enfance particulièrement réussie, parce que j’avais accès à deux univers qui ne se connaissaient pas : la Guinée pendant l’année scolaire et la France pendant les grandes vacances. Dès l’enfance, j’ai su qu’il existait plusieurs mondes et que les choses étaient relatives. Je suis arrivé tout seul au cinéma, en aimant tout ce qui était de la création : le bricolage, l’écriture et le dessin. Mais bien sûr, mon film Kirikou et la Sorcière vient de mon enfance africaine. C’était un film que je devais faire, auquel je croyais, malgré des opinions très sceptiques autour de moi.

Rencontrez-vous souvent des jeunes et enfants autour de vos films et pouvez-vous nous parler de ces rencontres ?

Je rencontre de temps en temps des enfants, soit dans des écoles, soit après une projection. Cela me passionne et j’admire souvent la qualité des jeunes personnes qui me parlent, parfois fort bien. J’observe des publics très différents, ceux qui osent parler et qui savent parler et qui ont leur propre pensée, et ceux qui sont restés en jachère et qui ne disent pas grand-chose.

Qu’est-ce que vos films apportent aux enfants, selon vous ?

J’espère que mes films apportent beaucoup aux enfants (aux adultes aussi). Je transmets ce que je sais et que je pense utile. J’espère leur donner de la dignité, de la décontraction, le sens du plaisir ensemble. Je préfère la formule « plaisir ensemble » à « tolérance ». Bien sûr on a besoin de tolérance, mais dans bien des cas on n’en a pas besoin, les différences étant plutôt une qualité qu’un défaut. Quand, à la fin d’Azur et Asmar, sept personnes dansent ensemble, ce n’est pas qu’elles soient tolérantes, c’est qu’elles sont aimables et qu’elles s’aiment bien.

Comment vos films sont-ils utilisés en classe, d’après ce que vous en savez ? Dans le cadre d’une éducation à la tolérance et à l’ouverture aux autres, d’un travail sur le conte, ou avec Dilili, pourquoi pas dans des cours d’histoire ?

Je ne sais pas vraiment comment mes films sont utilisés en classe, puisque je n’y suis pas. J’ai toujours un peu peur qu’on les explique trop. J’ai la prétention de faire des films qu’on comprend, ou qu’on enregistre pour plus tard. Comme je l’ai dit dans la précédente réponse, j’espère bien leur apprendre à vivre agréablement ensemble. Pour tous mes films, il y a eu des dossiers pédagogiques, et pour Azur et Asmar et Dilili à Paris, de très beaux albums sur la partie historique de mes films. Bien sûr, mes films peuvent aider dans les cours d’histoire et de bien d’autres matières, je me documente toujours beaucoup pour les films que j’entreprends.

Y a-t-il suffisamment d’éducation à l’image dans l’école d’aujourd’hui ? Quelle place cela doit-il ou devrait-il avoir selon vous (éducation du spectateur, mais peut-être aussi inciter à créer chez les élèves) ? Et pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre engagement avec le CNC pour l’éducation à l’image en primaire ?

Je ne sais pas dire s’il y a assez de cinéma dans l’école. Il y a tant de choses à apprendre en quelques années, dans mille domaines. Chaque fois que l’on peut faire en sorte que les enfants mettent la main à la pâte, c’est mieux qu’une classe ordinaire. Si on peut aussi développer leur sens critique pour qu’ils jugent les films dont on les bombarde, ce sera bien.

En tant que cinéaste, je suis bien content de vivre dans le pays où il y a le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Je me réjouis qu’il pense aux écoliers, qui sont les cinéastes et surtout les spectateurs de demain. Je suis impressionné par la richesse du coffret « Atelier Cinéma »1, en plus d’être bien content qu’on ait pris un de mes films pour établir ce coffre aux trésors !

Propos recueillis par Cécile Blanchard et Jean-Michel Zakhartchouk

article paru dans notre n°555, Droits des enfants, droits des élèves, coordonné par Catherine Chabrun et Maëliss Rousseau, septembre 2019.

La Convention internationale des droits de l’enfant aura 30 ans en novembre 2019. Quelles pratiques pédagogiques et quels partenariats développer pour que les enfants, y compris ceux en situation difficile à l’extérieur de l’école, soient acteurs de leurs droits, tout en respectant leurs obligations en tant qu’élèves ?

https://librairie.cahiers-pedagogiques.com/revue/770-droits-des-enfants-droits-des-eleves.html


Notes
  1. atelier Cinéma du CNC a pour objectif de permettre à des classes de cycle 3 d’avoir un temps dédié à l’éducation à l’image. À partir d’exemples tirés d’Azur et Asmar, les élèves peuvent suivre les différentes étapes de création d’un film et se rendre compte qu’un film, c’est le travail d’une équipe. Il en existe deux versions, numérique et physique. https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/latelier-cinema_878001