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Une soirée au musée (de l’immigration)

Le Musée national de l’histoire de l’immigration au palais de la Porte-Dorée à Paris vient de rouvrir ses portes, avec une nouvelle exposition permanente repensée et plus étendue. Une visite enthousiasmante, et inspirante pour y retourner avec des élèves.

Mercredi 14 juin, destination : la nouvelle exposition permanente du Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI). Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre et pour tout dire je suis un peu circonspecte, j’aimais beaucoup la précédente !

J’arrive. Le hall n’a pas changé, mais immédiatement, mon chemin habituel est dérouté… Et en haut de l’escalier, j’en prends plein les yeux ! L’esprit de l’exposition permanente du Musée n’a pas changé. Et pourtant tout a changé : il y a plus de tout ! Plus de documents, un parcours historique augmenté, plus d’œuvres (mention spéciale à la salle musicale, qui a fasciné les enfants présents, danses et yeux écarquillés), plus d’interactivité (choisissez massivement les visites actives, les questionnements sont riches pour un travail à poursuivre en classe en collège), plus de parcours personnels…

Il y a trois parcours mêlés de visite (parcours individuels, histoire de l’immigration, balisage artistique). Comment ça, trois parcours mêlés ? Le premier, car le plus évident en entrant, c’est le parcours historique : un cheminement chronologique qui débute avec le XVIIe siècle et s’attarde sur des parcours personnels qui servent d’exemple à des explications plus larges. L’une d’elles m’a marquée. Il s’agit de la création des cartes d’identité destinées à ficher les étrangers arrivant en France. Un espace m’a particulièrement touchée, car il résonne avec mon histoire personnelle, celui qui concerne la marche des Beurs de 1984, qui est particulièrement bien décrite, mettant en avant de nombreux témoignages.

Histoire personnelle, histoire locale

Travailler avec l’histoire personnelle de nos élèves, ou celle de leurs familles, ou encore celle de nos lieux d’exercice me semble particulièrement porteur pour proposer dans nos classes une visite au Musée national d’histoire de l’immigration.

Un bel hommage, au travers de documents d’époque, est aussi rendu aux FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée1). Cela semble un fouillis, c’est en réalité très fourni. L’exposition est tellement plus riche qu’il faut vraiment encadrer sa visite et choisir un axe de visite.

Et pour les autres parcours ? J’avoue avoir un énorme faible pour la salle de musique, comme les enfants ce soir-là. Toutes ces chansons, que l’on peut sélectionner selon un programme choisi par le musée ou en aléatoire, m’ont fait rêver à de nombreuses réalisations interdisciplinaires tournées vers l’art de la chanson populaire du XXe siècle (L’Italien de Serge Reggiani comme point d’entrée sur les vagues migratoires successives depuis le XIXe siècle, ça me tente !).

Photo Anne Volery.

Parcours individuels

Dernière façon de visiter le musée : les parcours individuels autour des vies de personnes célèbres ou inconnues, jamais anonymes. Témoignages, récits, courriers et surtout objets personnels m’ont paru particulièrement émouvants et permettent une identification bovaryste probablement utile lors dun travail en lettres. Imaginer une correspondance entre un immigré et sa famille restée au pays de départ, par exemple.

On peut continuer à venir au MNHI selon ces trois axes du thème de l’immigration, et se réjouir qu’il n’ait pas renié son parti pris politique en mettant en avant notamment, dans une affiche extrêmement frappante, la mort de Malik Oussekine ou le parcage des Allemands durant la Seconde Guerre mondiale (lire qu’Hannah Arendt est appelée boche dès 1939 est assez parlant).

Historiquement parlant, le parcours permet de commencer au début du programme de 4e en histoire, au thème 2 de l’année de 2de GT et d’aborder ensuite tous les thèmes du cycle 2 au lycée. Tous les programmes d’EMC (enseignement moral et civique) sont concernés, du cycle 1 (qui n’en possède pas, mais qu’on peut travailler autour du « vivre ensemble », des émotions, ou encore des règles de vie, qui sont au cœur des apprentissages du cycle 1) jusquau lycée.

Imaginer des visites possibles

Ma grande et très agréable surprise a été d’imaginer durant ma visite de nombreux parcours possibles selon des thématiques de disciplines extrêmement variées, scientifiques (parcours de scientifiques, échanges de techniques, « racisme scientifique »…), mathématiques (statistiques, comparaisons notamment), artistiques, littéraires, sciences sociales…

J’ai imaginé une visite libre tournée vers l’EMC  : quelles lois et quels discours sont liés aux différentes vagues de migration en France ?

Une visite en classe puzzle avec des petits groupes de deux ou trois élèves, qui permettrait de traiter pratiquement tous les thèmes sur la citoyenneté, la liberté et la fraternité du programme d’EMC en collège : l’esclavage, l’identité, une réflexion sur le droit à la révolte, la France « black-blanc-beur » de la Coupe du monde 1998, les émeutes de 2005, la marche des Beurs (« Touche pas à mon pote »), l’humour (avec en particulier les vidéos INA de Pierre Desproges)… Laissez-moi encore deux visites et je vous la propose ici !

Quel avantage à proposer des microthèmes pour une visite libre ? L’exposition est pléthorique, il sera impossible à nos élèves de tout voir. Un sujet approfondi me semble préférable à un saupoudrage qu’aucun élève ne pourra vraiment intégrer.

L’exposition est tellement plus riche que la précédente exposition que c’en est à la fois enivrant et un peu effrayant : par quoi commencer ? Puis-je tout voir (spoiler : non !) ? Bref, éducateurs, enseignants, parents, foncez au MNHI, l’exposition vaut LES voyages !

Émilie Kochert
Enseignante d’histoire-géographie-EMC en collège dans l’académie de Versailles
Photographie du logo, Cyril Zannettacci © Palais de la Porte Dorée, Musée national de l’histoire de l’immigration.

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Notes
  1. Unités de la Résistance fondées en 1942, dont fit notamment partie le groupe Manouchian.