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L’engagement des jeunes ici et ailleurs

« Les jeunes d’aujourd’hui ne s’engagent pas à l’exception d’une minorité, ils s’abstiennent aux élections et se replient dans leurs petits réseaux » ; « la jeunesse est formidable, elle s’attaque au vieux monde et est l’espoir d’un monde nouveau ». Autant de clichés simplistes qui sont loin de décrire une réalité bien plus complexe. Aussi lira-t-on avec intérêt le dossier du n°88 de la Revue Internationale d’éducation (France Éducation international, ex CIEP) vient de faire paraitre un dossier « (S)’éduquer par l’engagement » coordonné par Valérie Becquet, chercheure à Cergy Paris-Université.

Comme dans chaque numéro de la Revue internationale d’éducation, le dossier sur l’engagement des jeunes propose un éclairage international sur une question éducative importante et ici, la question soulevée par le titre, mais qui peut aussi s’entendre comme « éduquer à l’engagement », est abordée à travers un voyage multicontinents (Canada, Singapour, France, Royaume-Uni, Suède, Chili…).

Dans ce dossier se déploient diverses formes d’engagement :

  • Celui qui s’inscrit dans des mouvements sociaux, comme au Chili et qui aboutit ou non à des résultats, parfois sur le temps long (Singapour).
  • Celui qui renvoie à des collectifs plus ou moins formels (des exemples au Maroc ou en Bulgarie, où les cadres insititutionnels sont contournés avec plus ou moins de succès), avec une importance marquée des réseaux sociaux.
  • Celui qui s’articule avec l’action publique (par exemple, les délégués de classe en France), mais qui peut la déborder. L’exemple du Canada évoque les croisements possibles entre action publique et collectifs de jeunes.

Le lien avec l’institution scolaire est très variable. Dans des systèmes éducatifs très ouverts, il n’a pas besoin d’être formalisé. C’est le cas de la Suède. La figure de Greta Thunberg n’a pas émergé pour rien dans une société où les frontières entre l’école et l’extérieur ne sont pas rigides Et des initiatives plus culturelles ou artistiques qui semblent éloignées au premier abord de la formation citoyenne participent en fait d’un projet éducatif global.

Les normes de la forme scolaire

Dans notre pays, la forme scolaire tend à imposer ses normes, même si elle est de plus en plus contestée par une partie de la jeunesse. Dans l’article sur la France, sont comparés le fonctionnement d’un conseil municipal de jeunes et un conseil d’élèves à l’école primaire. Les auteurs interrogent « l’injonction contemporaine à s’engager à la lumière de la complexité des dimensions constitutives des expériences de participation qui s’y vivent ».

Mais bien sûr, il faut distinguer les différentes composantes sociales de la jeunesse. Pour une fraction d’entre elle, il est dans la continuité familiale de prendre un rôle actif dans la société. Pas pour tout le monde…

Il convient aussi de s’intéresser aux médiateurs, ceux qui peuvent accompagner l’engagement. On pense aux CPE (conseillers principaux d’éducation) dans l’école française, mais aussi les animateurs à l’extérieur de l’école. Car finalement, c’est d’accompagnement dont ont surtout besoin les jeunes souhaitant s’engager.

Une question est assez peu abordée dans le dossier, mais elle est d’importance. L’engagement permet le plus souvent le développement de compétences dites « psychosociales » (savoir travailler à plusieurs, monter un projet, s’appuyer sur des ressources). Faut-il, formellement, valoriser ces compétences et les valider, au besoin pour contrebalancer le poids du diplôme dans la vie professionnelle -très fort on le sait dans notre pays- ou s’agit-il plus simplement d’aider au transfert de ces compétences dans la vie réelle, dans la construction d’une citoyenneté active ?

Instrumentalisation

Car bien sûr, l’engagement est souvent instrumentalisé par les pouvoirs (quand ils y parviennent), comme le montre par exemple le cas du Maroc. Après tout, dans le passé, cela a pu prendre les formes extrêmes de l’engagement contrôlé des Jeunesses hitlériennes ou des pionniers communistes. Aussi Valérie Becquet insiste-t-elle sur l’importance de « l’acceptation du conflit entre jeunes, mais aussi entre adultes et jeunes, que ce soit dans le cadre de débats ou de réalisation d’un projet » dans l’apprentissage et l’autoapprentissage de l’engagement. Le (s) du titre n’est pas là par hasard.

À l’heure des mobilisations pour le climat, mais aussi de la désaffection envers les urnes chez les jeunes et de la tentation populiste pour certains, il est bien tuile d’examiner ces phénomènes et d’interpeller nos responsabilités en particulier en tant qu’enseignants.

La coordonnatrice du dossier est intervenue également dans l’émission de Louise Tourret sur France-Culture le lundi 31 janvier aux côtés de Michel Tozzi et Nathalie Mons. Le premier a montré tout l’intérêt de la discussion à visée démocratique et philosophique (DVDP) dans la formation du citoyen, la seconde a rendu compte des enquêtes du Cnesco sur le sujet. Et une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) nous apprend ce que les jeunes pensent du rôle des délégués de classe à l’école.

Pour consulter le sommaire et commander le numéro : https://www.france-education-international.fr/article/ries-n88

Jean-Michel Zakhartchouk

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