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Compétences et évaluation

Le point sur l’état des réflexions sur l’évaluation des compétences : chercher à développer celles-ci implique une évolution des pratiques de validation des acquis des élèves.

La notion de compétence traverse tous les cursus et s’impose comme une notion centrale dans tous les programmes d’enseignement. L’évaluation de ces compétences devient, par conséquent, essentielle dans les problématiques éducatives actuelles.

Compétences et évaluation

Il est désormais reconnu que certaines compétences doivent être inférées à partir de réponses élaborées lors de tâches complexes. Il faut se résigner à abandonner l’objectivité complète, autrefois tant recherchée. L’évaluation fait partie intégrante des processus et démarches d’apprentissage. Les modalités d’évaluation des apprentissages s’inscrivent dans une perspective nouvelle, tout en conservant une visée de mesure objective. C’est ainsi qu’est née « l’évaluation critériée par inférence », une option pouvant remplacer l’approche normative classique, qui consistait à comparer les individus les uns aux autres. Le but est alors de décrire ce dont un élève est capable, valider ses acquis, sans égard à la performance des autres.

La compétence se définit par la capacité pour un individu d’utiliser à bon escient ce qu’il sait et ce qu’il sait faire, en tant que combinaison singulière et originale de connaissances, de capacités et d’attitudes. Pour l’évaluer, il va falloir créer des tâches appropriées, distinctes de celles utilisées pour construire et enseigner cette compétence.

Alors que les connaissances, les capacités et les attitudes sont souvent, et de manière isolée, le principal contenu des procédés de collecte d’informations et d’évaluation des apprentissages, il faut maintenant viser plus haut et vérifier la capacité des individus à utiliser efficacement une mise en relation singulière, individuelle et originale, de réinvestissement de ses connaissances, d’utilisation de ses capacités et attitudes dans des contextes variés.

Pour ceux et celles qui enseignent, il ne s’agit plus de simplement transmettre des connaissances, ni seulement de se centrer sur les compétences à faire acquérir dans le seul but de les attester ou de les certifier : le suivi de la progression (validation positive des acquis) et la conception de remédiations, pour chaque élève, sont tout aussi essentiels.

La mesure n’a pas disparu, mais elle n’est qu’un élément intégré à l’évaluation. L’évaluation implique également l’idée de continuité : il ne s’agit plus de traiter une succession d’actions isolées, mais d’envisager un ensemble de procédés complémentaires de collecte d’informations. « Si l’établissement de différences individuelles n’est pas abandonné pour autant, il a cédé beaucoup de place au souci de décrire avec exactitude ce dont les individus sont capables. La méthodologie de l’évaluation s’est développée, pour répondre à des impératifs bien différenciés du système éducatif, notamment celui d’assurer la réussite du plus grand nombre d’élèves1. »

Démarche nouvelle

L’articulation, la combinaison, la mise en réseau, la mobilisation de tout ou partie des connaissances, capacités et attitudes doivent être organisatrices des situations d’apprentissage proposées aux élèves. Les évaluations des compétences disciplinaires des programmes, dans chaque discipline, intègrent également des items de compétences plus transversales. L’aspect le plus complexe de l’évaluation des compétences est de concevoir, de développer, d’utiliser des outils d’évaluation (référentiels, grilles d’indicateurs, échelles critériées) et d’identifier des critères pertinents pour assurer la validité et la fiabilité des procédures.

« Il faut prendre le risque de confronter les élèves à des situations complexes, difficiles à standardiser, mais qui mettent les connaissances “au travail”. Des situations qui ne proposent pas aux élèves de faire étalage de leurs connaissances, mais de s’en servir comme d’outils pour raisonner, guider leur pensée et leur action ou assimiler de nouveaux savoirs. Si les connaissances ne valent que si l’on est capable de s’en servir à temps, à bon escient, pour résoudre des problèmes, prendre des décisions, guider l’action ou accueillir de nouveaux apprentissages, on se trouve très près de la problématique des compétences. L’évaluation est inséparable de la confrontation à des situations qui n’ont aucune commune mesure avec de classiques épreuves de “restitution” de connaissances.

Plus un système scolaire et son corps enseignant se soucient d’évaluer des connaissances contextualisées et mobilisées, plus ils seront prêts à évaluer des compétences. Le principal obstacle n’est pas technique, il est épistémologique : la difficulté à se déprendre du modèle scolaire de la connaissance comme ensemble de tiroirs, dans lesquels sont rangées des réponses toutes prêtes à des questions de cours2 ».

Complexe et compliqué

La complexité n’est pas liée à la difficulté de la situation, mais au fait qu’elle est irréductible à un modèle fini. Si la situation est réellement complexe, l’élève ne peut lui appliquer un algorithme défini une fois pour toutes pour ce type de situation. Il doit chaque fois s’adapter et développer une nouvelle stratégie, dans l’incertitude. La complexité « ne dépend pas tellement du type d’activités à exercer, du type de savoirs et de savoir-faire à mobiliser, mais surtout de la quantité de savoirs et de savoir-faire à mobiliser. La difficulté vient non pas de chaque opération à exécuter, mais de l’articulation de ces opérations entre elles3. ». Une tâche complexe combine des éléments que l’élève connait, qu’il maitrise, qu’il a déjà utilisés plusieurs fois, mais de façon séparée, dans un autre ordre ou dans un autre contexte.

En cas d’échec à une situation trop complexe, il serait impossible de savoir si l’élève n’a pas été à même de la résoudre parce qu’elle était trop compliquée ou parce qu’elle était trop complexe. En d’autres termes, lorsqu’un enseignant souhaite évaluer des compétences à partir d’une situation complexe, il doit s’être assuré préalablement que toutes les ressources (connaissances, capacités, attitudes) à mobiliser pour résoudre la situation ont été non seulement « apprises » par les élèves, mais sont également « maitrisées ». « L’approche par les compétences n’élimine pas le travail sur les ressources, bien au contraire. Leur acquisition et leur évaluation sont des préalables indispensables, tant à l’acquisition qu’à l’évaluation des compétences4».

La mobilisation et l’intégration des ressources pour résoudre une situation complexe doivent faire l’objet d’un apprentissage spécifique, la tâche complexe devient le « révélateur » des mises en relation fonctionnelles des ensembles « connaissances, capacités et attitudes » de chaque élève.

Quels critères

Le choix des critères est donc un élément essentiel de l’évaluation des compétences par tâches complexes. Les critères d’évaluation devraient être :

  • pertinents, c’est-à-dire qu’ils doivent permettre d’évaluer vraiment que la compétence est maitrisée ou non ;
  • indépendants, ce qui signifie que l’échec, ou la réussite, d’un critère ne doit pas entrainer automatiquement l’échec, ou la réussite d’un autre critère ;
  • pondérés, en définissant par exemple des critères minimaux, qui doivent absolument être maitrisés pour certifier la maitrise de la compétence, à côté de critères de perfectionnement qui concernent des qualités dont la présence est préférable, mais non indispensable ;
  • peu nombreux, pour éviter la multiplication des observables et l’infaisabilité de l’évaluation.

Les indicateurs, fiables, lisibles et peu nombreux doivent être révélateurs de combinaisons de connaissances, capacités et attitudes dans une tâche complexe, sans que l’on soit obligé d’évaluer toutes les composantes de la compétence (principe d’inférence).

Ces indices « révèlent » les compétences acquises. L’utilisation des variables sur les systèmes de score en sport de raquette (notamment le bonus attribué lorsque l’adversaire ne touche pas la balle ou le volant) est une bonne illustration de cette démarche, car cet indicateur est révélateur de nombreuses acquisitions en situation d’opposition.

Joël Dugal
IA-IPR dans l’académie d’Amiens, formation de formateurs en EPS
 BIBLIOGRAPHIE
Jean-Marie De Ketele, François-Marie Gérard, « La validation des épreuves d’évaluation selon l’approche par les compétences », Mesure et évaluation en éducation, volume 28, n° 3, pp. 1-26, 2005.

Notes
  1. Gérard Scallon, L’évaluation des apprentissages dans une approche par les compétences, De Boeck Université, 2004.
  2. Philippe Perrenoud, Evaluer des compétences, ESF, 2004.
  3. Jean-Marie De Ketele, Xavier Roegiers, Méthodologie du recueil d’informations, De Boeck Université, 1996.
  4. Bernard Rey, Vincent Carette, Anne Defrance et Sabine Kahn, Les compétences à l’école – Apprentissage et évaluation, De Boeck, 2003.