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Concours de la biodiversité en EPS

En EPS, les élèves sont souvent dehors. Au contact de la nature, donc. Mais la regardent-ils pour autant ?

Durant la période covid, où les activités EPS (éducation physique et sportive) et UNSS (Union nationale du sport scolaire) traditionnelles étaient suspendues, j’ai organisé une autre forme de compétition. Pour éviter les cours théoriques d’EPS en salle, j’ai mis en place une course à la connaissance, en organisant un concours de la biodiversité. Il s’agit de science participative en partenariat avec l’application « INPN espèce »1 (Inventaire national du patrimoine naturel).

Cette application gratuite a été créée par plusieurs ministères (Écologie et Éducation nationale) et organismes publics (Office français de la biodiversité, Muséum d’histoire naturelle) pour permettre à tout à chacun une meilleure connaissance de la biodiversité qui nous entoure. L’application fait gagner des points à chaque observation validée. Plus l’observation est précise, rare, plus on gagne de points.

J’ai demandé aux jeunes de photographier la faune et la flore qu’ils rencontrent à la ville ou à la campagne, de les caractériser ou identifier au maximum de ce qu’ils peuvent, et de partager l’observation via l’application. Des experts sont chargés ensuite de l’identification exacte. Les photos prises sont géolocalisées par le téléphone et permettent un inventaire de la biodiversité rurale ou citadine.

Le lancement, la compétition

À partir de là, j’ai organisé une compétition par équipe (trois élèves ou professeurs) sous l’égide de l’association sportive, avec récompenses (carte cadeau) et diplôme. Elle a duré plusieurs mois, jusqu’au 1er mai.

J’ai proposé de venir dans les cours de mes collègues pour expliquer le principe du concours. Après une séance de promenade et d’explications, je suis passé régulièrement voir les élèves pour les suivre et les motiver. Sur toutes les équipes engagées, une douzaine a joué le jeu à fond. C’est-à-dire que pour avoir un maximum de points, ils ont cherché à identifier par eux-mêmes les espèces, ils sont allés prendre des photos dans d’autres villes, etc. Ils ont mis en place des stratégies de gain de points pour la victoire et, sans s’en rendre compte, ils ont découvert un monde inconnu et un pan de la culture scientifique. Chaque fois qu’une identification est faite par les experts, l’application propose d’en savoir plus sur l’espèce (classification, habitat, répartition sur le territoire, espèce protégée, en voie de disparition).

Parfois, certains ont de belles surprises avec des observations à 5 000, 7 000 points ou plus. C’est le résultat de l’observation d’un animal, d’un insecte ou une plante qui coche des critères comme : « Première observation de l’espèce sur la commune » (1 000 points), « Première observation de l’espèce dans le département » (5 000 points), « L’espèce a été correctement identifiée » (300 points)… Forcément, lors des rencontres pour faire le point sur l’avancement des observations, cela suscite la curiosité et la fierté du découvreur auprès de ses camarades et de ses parents. C’est souvent le moment d’engager la discussion pour mieux connaitre cette espèce rare.

On protège bien ce que l’on connait bien

Tout n’est pas merveilleux dans le concours, je ne compte plus les problèmes de mots de passe ou identifiants perdus, téléphone cassé, les baisses de motivation, ou même des enseignants qui ont arrêté en cours de route : « le Covid s’arrête, j’arrête le jeu, c’est pas mon truc ni ma matière », m’explique une collègue. « Si le résultat est pas immédiat, c’est pas marrant, ça me soule ! Faut attendre », s’exaspère une élève. Il y a parfois plusieurs semaines ou mois entre le dépôt de la photo et le retour d’identification, ce qui est en décalage avec les attentes et envies des jeunes qui sont habitués aux rituels de la récompense immédiate d’autres jeux en ligne. D’où une baisse de motivation qui peut « plomber » les équipes.

C’était une première mais pas une dernière car cela a été tout de même un beau succès. Ce genre de projets peut fédérer une communauté de jeunes et d’enseignants motivés pour lancer des démarches et des projets. Je pense au « prix de l’action écodéléguée », la labellisation E3D (établissement en démarche de développement durable) de son établissement, la formation de jeune écoresponsable UNSS, d’écodélégué. Bref, lancer une dynamique environnementale positive et avec des résultats concrets.

Certains peuvent y voir un dévoiement de l’EPS et UNSS, moi j’y vois un nouvel ancrage scolaire de la discipline, en marquant sa spécificité, qui est la capacité pour ses enseignants de transformer des contenus communs, en moyen éducatif au service de l’école et des enjeux qui lui sont confiés. La didactisation des activités à caractère environnemental et écologique a un bénéfice éducatif sur le long terme et participe à la création d’une conscience écologique.

Comme tous les contenus d’enseignement, le plein air est un point de départ pour enseigner et éduquer aux questions d’environnement et d’écologie. L’EPS et ses enseignants ont la chance d’être régulièrement en plein air pour leurs activités. Il suffit d’un peu de formation et d’imagination aux enseignants pour apporter leur pierre à la construction d’un écocitoyen garant d’un avenir plus vertueux, respectueux et vivable du monde dans lequel nos enfants vont grandir.

Emmanuel Richardot
Professeur d’éducation physique en lycée professionnel à Troyes (Aube)

Vidéo de présentation d’INPN-Espèces « Rejoignez les explorateurs de la nature » : https://miniurl.be/r-4c2b

Comment former les élèves à l’écocitoyenneté en EPS ?

Emmanuel Richardot propose une autre pratique de l’EPS en lien avec la nature pour développer l’écocitoyenneté chez ses élèves. À découvrir en écoutant le podcast que nous y avons consacré : https://www.cahiers-pedagogiques.com/comment-former-les-eleves-a-lecocitoyennete-en-eps/

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Notes
  1. https://inpn.mnhn.fr/informations/inpn-especes