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Comment évoluent (vraiment) les rémunérations des enseignants ?

©DR.

« Monter un escalator qui descend » : c’est l’expression employée par le collectif Nos services publics1 à propos de l’évolution du pouvoir d’achat des enseignants du second degré depuis une vingtaine d’années. En raison du gel du point d’indice et de sa sous-indexation sur l’inflation, les progressions de carrière n’ont pratiquement aucun effet d’augmentation du pouvoir d’achat.

Au-delà de l’actualité et des récents effets d’annonce gouvernementaux, le collectif Nos services publics a voulu savoir comment avait réellement évolué les rémunérations et le pouvoir d’achat des enseignants. La conclusion est sans appel : « le gel du point d’indice a annulé la quasi-totalité de l’évolution salariale liée à la progression professionnelle ».

Pour arriver à cette conclusion, le collectif a étudié le cas de trois professeurs fictifs du second degré, Sophie, Nadia et Maxime, entrés dans l’enseignement respectivement en 2000, 2008 et 2016, pour établir des carrières-types. Depuis leur entrée, chacun a connu un déroulement avec des passages d’échelons et, parfois, des mesures indemnitaires. Si au tout début de la carrière, le pouvoir d’achat progresse du fait de la rapidité des passages d’échelons, il tend très rapidement à stagner. Au bout de huit ans et seize ans de carrière, deux des profils étudiés ont, en réalité, un pouvoir d’achat comparable à ce qu’ils avaient au moment de leur titularisation.

Car, à partir des années 2000, « les gouvernements successifs ont sous-indexé la valeur du point d’indice par rapport à l’inflation, en revalorisant moins le point que ce qui serait nécessaire pour maintenir le pouvoir d’achat des fonctionnaires au vu de la hausse des prix ». Et à partir de 2010, « la valeur du point d’indice a été non plus sous indexée mais gelée, à de rares exceptions près (+0,6 % au 1er juillet 2016 puis au 1er février 2017, +2,5 % au 1er juillet 2022) ».

Des carrières plates

Selon le collectif, tout se déroule comme si, loin de permettre une progression du pouvoir d’achat, les progressions d’échelon ne faisaient que rattraper ce qui a été perdu depuis l’avancement précédent. Pire, les mesures catégorielles centrées sur les débuts de carrière, dont le montant est dégressif, conduisent à un véritable effet « carrière plate ».

Les mesures récentes annoncées par le président de la République ne changeront pas la donne. L’augmentation des indemnités de début de carrière va contribuer à maintenir l’aplatissement des  carrières. Par ailleurs, l’augmentation générale de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) devrait représenter une petite centaine d’euros par mois, alors que les auteurs de l’étude chiffrent le manque à gagner du point d’indice par rapport à l’inflation entre 250 € et 500 € nets mensuels.

Malgré les mesures, sur la seule année 2023, 70 % des enseignants devraient donc voir leur pouvoir d’achat diminuer par rapport à la fin 2022. La question de l’attractivité financière du métier d’enseignant reste entière.

D’autant que, pour les 30 % de professeurs concernés par une hausse de pouvoir d’achat, les
gains spécifiquement liés à la hausse de la prime d’attractivité vont diminuer à mesure que
ces jeunes professeurs vont gagner en ancienneté.

Des primes plutôt que des heures supplémentaires

En effet, pour augmenter le salaire des enseignants, le gouvernement utilise depuis 2021 des primes d’attractivité dont les montants diminuent à mesure que l’ancienneté des professeurs augmentent. Si elles augmentent le pouvoir d’achat individuel des jeunes professeurs à court terme, ces primes ont donc comme conséquence de ralentir ensuite leur progression salariale : « lorsqu’ils franchiront leurs prochains échelons, les gains liés à ces promotions seront atténués par la baisse concomitante de leur prime d’attractivité ».

Quant au « pacte », Nos services publics s’interroge sur le choix du gouvernement de créer de nouvelles primes, à un taux plus avantageux que celui des heures supplémentaires, et non d’augmenter le nombre de celles-ci. Leur hypothèse est qu’ainsi, on crée un régime incitatif pour les nouvelles missions, sans avoir à payer plus cher les heures supplémentaires qui sont déjà effectuées (et qui auraient été mécaniquement revalorisées elles aussi).

Mais de toute façon, « la plupart des professeurs ne sont pas en mesure d’absorber des tâches
supplémentaires », estime le collectif, puisque « pour les collèges et les lycées, le nombre d’heures en cours avec les élèves a été déterminé en 1950, en référence à une semaine de quarante-cinq heures de travail » et que « de fait, les professeurs déclarent travailler plus de quarante heures par semaine » (et jusqu’à quarante-cinq pour les plus débutants).

Enfin, même si l’étude porte uniquement sur le second degré, le collectif estime que l’on peut extrapoler au primaire le principe selon lequel, pour 70 % des enseignants, la rémunération va continuer à diminuer malgré les revalorisations annoncées ces derniers jours.

La rédaction

Retrouver la note en ligne : https://nosservicespublics.fr/point-carriere-enseignant


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Dossier coordonné par Sabine Coste et Nicole Priou

Comment les enseignants, individuellement et collectivement, interprètent-ils des textes officiels apparemment intrusifs de manière à stimuler leur créativité ? Comment s’approprient-ils des situations matérielles, organisationnelles, sociales fortement contraignantes ?


Notes
  1. Ce collectif regroupe des agents publics « engagés pour retrouver le sens qui fonde le service public et ses missions au quotidien ».