Janvier 1989
« Mais qu’est-ce que tu attends, qu’est-ce que t’attends de moi ?
Tu veux me prendre la tête, la mettre au fond du sac, c’est ça, hein ?
Tu veux me jeter du hamac et que je me roule dans la poussière pour te baiser les pieds ?
Mais qui t’es ? T’es qui toi ? Comment tu t’appelles ? »
Le doux Jacques Higelin, tombé du ciel, feint les gros durs dans un bras de fer souriant avec une femme forte et rebelle. En cette année placée sous le signe des commémorations du bicentenaire de la Révolution qui s’annoncent tellement consensuelles qu’elles risquent l’aseptisation, un peu de confrontation serait bienvenu ? Pour les Cahiers pédagogiques, cela part très fort. Un numéro spécial « Lectures », dont le titre au pluriel annonce un ensemble de textes d’auteurs aux points de vue et références théoriques très variées. Cela offre aux lecteurs une liberté de choix, de chemins, tout en instaurant un dialogue fécond entre différentes approches. Une histoire de grenouille analysée par Jean-Pierre Astolfi sous l’angle de la lisibilité interroge cette question complexe avec subtilité et humour. Toujours à propos de lecture, Jean-Michel Zakhartchouk revient, à la fin du dossier, sur un autre bras de fer, moins policé celui-là. L’animateur de l’émission de France Culture Répliques avait fait dialoguer deux spécialistes aux approches très divergentes, et s’en était pris à ce qu’il avait lu, sans doute trop rapidement, dans les Cahiers pédagogiques. C’était un temps où Alain Finkielkraut était encore ouvert au dialogue sur les questions touchant à l’école. Depuis ce temps, les Cahiers ont défendu ardemment la lecture, les lectures, sans céder aux chants des sirènes du tout numérique, mais sans le diaboliser non plus. Quant à l’animateur de Répliques, il a dérivé, sur ces questions comme sur d’autres, vers le monologue, la confusion et l’amalgame. Le bras de fer direct s’arrêta là, l’invitation évoquée n’est jamais arrivée.
Yannick Mével