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Avant-propos – Le respect, clé de la relation scolaire

« Respecter autrui » a été ajouté aux apprentissages fondamentaux en 2019 par la loi pour une école de la confiance. Mais, faute de précision sur les apprentissages que cela recouvre, le respect de l’autre risque de rester une notion floue, voire moralisante. Il pourrait même devenir stigmatisant : viser implicitement certains élèves, aujourd’hui, garçons issus des classes populaires ou de l’immigration, jugés éloignés de la culture scolaire, incapables de respecter leurs enseignants, leurs camarades, la République et ses valeurs. Ces élèves-là, par leurs marques d’irrespect, remettraient en cause le bon fonctionnement de notre école.

Pour sortir de ces débats simplistes et prendre au sérieux l’apprentissage du respect d’autrui, nous proposons de l’analyser comme une compétence complexe à acquérir. Du côté des apprenants, c’est le pendant de la liberté d’expression. Respect d’autrui et liberté d’expression constituent ensemble le cœur de l’apprentissage de la citoyenneté active. Les élèves doivent apprendre à se respecter entre eux dans l’expression de leurs points de vue singuliers. Mais il y a un corrélat à cet enseignement du respect aux élèves. Le respect est aussi une compétence professionnelle, et donc un but crucial de la formation. Il s’analyse, du côté des adultes, comme la capacité à accueillir les élèves avec leurs différences culturelles et identitaires, à faire la clarté sur leurs propres normes et à maitriser leurs émotions devant l’altérité. Le respect, assorti à la liberté d’expression des élèves, devient alors le régime ordinaire de la relation pédagogique.

Ce dossier définit le respect d’autrui comme une compétence centrale, impliquant de façon spécifique chacun des deux pôles de la relation éducative. Nous proposons de l’envisager comme un régime de relation fondamental à l’école, nécessaire aussi bien à l’éducation citoyenne des élèves qu’à l’entretien d’un climat de qualité indispensable à l’apprentissage des autres savoirs fondamentaux. Chacune des quatre parties du dossier présente une des dimensions de cette compétence. Nous nous sommes inspirés des quatre dimensions des compétences définies par le programme d’EMC (enseignement moral et civique). Sans prétendre à l’exhaustivité, nous espérons qu’elles permettront au lecteur d’amorcer une vision opérationnelle de la question.

La première partie traite du respect comme objet de savoirs. Elle permet de définir plus précisément les contours de la notion, en apportant des éléments de compréhension du côté de la philosophie morale, de la sociologie, des sciences de l’éducation, des sciences cognitives, des pédagogies critiques. On verra que les intuitions des élèves ne sont pas si loin des propositions des philosophes. Mais le respect d’autrui comprend aussi une dimension psychoaffective, et la deuxième partie se penche sur ces savoir-être indispensables à l’exercice de relations respectueuses, ou sur leur manque, qui pourrait mettre à mal la qualité des relations dans les établissements scolaires. La troisième partie évoque des outils et méthodes que l’on peut mobiliser en pratique pour développer le respect d’autrui à l’école. Enfin, la quatrième partie éclaire la dimension proactive de la compétence, que le programme d’EMC nomme « engagement ». À l’issue du dossier, deux fiches de compétence tentent de synthétiser l’approche présentée, une pour les élèves, et une pour les professionnels, laquelle inclut les objectifs-élèves mais ne s’y réduit pas…

Julien Garric
Enseignant à l’Inspé d’Aix-Marseille, chercheur à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam)
Françoise Lorcerie
Directrice de recherche émérite au CNRS, chercheuse à l’Iremam