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«Débuter a toujours été difficile.»

Yannick Mével et Dominique Seghetchian

Yannick Mével et Dominique Seghetchian

Yannick Mével et Dominique Seghetchian

Les Cahiers pédagogiques ont déjà publié il y a quelques mois un dossier hors-série numérique sur les débuts dans l’enseignement. En quoi celui-ci le complète-t-il ?

Ce dossier se veut résolument ancré dans le quotidien des enseignantes et enseignants débutants, les deux pieds sur terre et « les mains dans le cambouis ». Il s’agit de répondre aux premières questions voire aux premières urgences, de partager des acquis de l’expérience pour permettre aux collègues qui entrent dans le métier de trouver quelques clés pour ouvrir les premières portes. Cette démarche est complémentaire de celle du précédent dossier qui décrivait les conditions d’entrée dans le métier et traitait davantage de la formation que des débuts proprement dits. Il montrait les effets de la formation et avançait des propositions pour une formation professionnelle vraiment adaptée. De ce fait, il s’adressait sans doute davantage aux formateurs qu’aux débutants eux-mêmes.

Dans le dossier que nous venons de coordonner, nous avons choisi de donner des conseils. Nous avons voulu que ces conseils soient autant que possible au croisement de l’expérience et de la recherche, afin que la lecture du dossier puisse accompagner la prise de distance avec l’action et son contexte, prise de hauteur nécessaire à la professionnalisation. Formés en maternelle, les jeunes collègues seront peut-être affectés en enseignement élémentaire ; beaucoup, formés au lycée, seront affectés dans des collèges, peut-être en éducation prioritaire, certains entreront dans le métier sans formation initiale. Avec ce dossier, nous avons cherché à proposer à la fois des procédures qui permettent de répondre aux situations d’urgence et une ouverture aux processus qui permettront, dans la durée, la maturation de postures et de gestes professionnels, afin d’aider nos jeunes collègues à se construire comme praticiens réflexifs capables de programmer et d’accompagner les apprentissages de leurs élèves et non comme opérateurs ou opératrices de programmes échappant à leur maitrise.

Enfin, nous avons voulu que la parole des débutants, par exemple à l’issue de l’année de stage, trouve pleinement sa place et dialogue avec celle de formateurs ou d’enseignants plus chevronnés.

Pourquoi un hors-série gratuit ?
Gratuit cela ne signifie pas que ça n’a aucun coût et encore moins que ça n’est pas de qualité : rédactrices en chef, graphiste, correctrice ont consacré du temps à la mise en forme de ce dossier, sans compter le temps de travail bénévole des auteurs et autrices, du coordonnateur et de la coordinatrice pendant près de neuf mois (ça ne s’invente pas !). Nous savons cependant que les collègues débutants (et futurs débutants) ne sont pas bien riches et le CRAP-Cahiers pédagogiques est une association militante ! Nous espérons que la gratuité permettra une entrée dans la lecture des Cahiers pédagogiques et, pourquoi pas, suscitera des vocations de contributeurs et contributrices aux différentes rubriques de notre revue.

Qu’y trouveront les lecteurs ?
La lecture de ce dossier fournira quelques «bons conseils» de formateurs, d’enseignants en poste, d’anciens débutants, beaucoup d’idées pour organiser la classe, réagir aux incidents, imaginer des situations d’apprentissage. On y trouvera sans doute aussi un peu de réconfort quand les choses sont difficiles et que le travail submerge ceux et celles qui doivent tout construire en même temps, ainsi que des ressources pour aller plus loin dans nos publications, dans des livres, sur la toile… et de quoi s’intégrer à des collectifs de travail !

Un des principaux messages est que si l’enseignement est un exercice très (trop ?) souvent solitaire, chargé de responsabilités, le meilleur moyen de s’épanouir professionnellement et humainement est de rompre cet isolement, de s’appuyer sur les collectifs que sont la communauté éducative d’un établissement, les communautés numériques, les associations disciplinaires et les mouvements pédagogiques.

Un autre message essentiel, corollaire du précédent, est qu’on n’en finit jamais avec la formation. L’année de stage passée, on devient responsable de sa formation continue à travers ses recherches personnelles, ses lectures (variées), son inscription dans des espaces et groupes de réflexion.

Nous nous sommes refusés à proposer des choses tellement «parfaites» qu’elles paraitraient impossibles à mettre en œuvre, c’est pourquoi les textes de ce dossier rendent souvent compte des hésitations, des imprévus, des petits échecs et des petites réussites du quotidien. L’autre critère de choix des articles retenus est leur exigence sur les finalités de l’école. Toutes les propositions de ce dossier ont été élaborées par des enseignants, des formateurs, professionnelles et professionnels persuadés que tous les élèves peuvent apprendre, que notre mission est de lutter constamment contre la résignation, la relégation, le repli sur le travail pour les quelques élèves qui sont les mieux adaptés à l’école.

Est-il plus difficile de débuter dans l’enseignement aujourd’hui qu’ «avant» ?

Non. Débuter a toujours été difficile. Lorsque nous-mêmes avons débuté (au début du dernier cinquième du siècle dernier…) on disait déjà que les élèves n’étaient plus comme «avant» ; en Mésopotamie, au 22ème siècle avant JC aussi…

Plus sérieusement, c’est vrai que l’école, comme la société, demande à chacune et chacun, qu’il apprenne ou qu’il enseigne, d’être performant le plus vite possible et que le stress de ceux et celles qui débutent en est renforcé. C’est vrai qu’aujourd’hui, nous, les pédagogues, sommes certainement plus exigeants avec nous-mêmes. C’est vrai que les tâches dévolues au personnel enseignant se sont diversifiées, que les contenus à enseigner se sont complexifiés, qu’il est plus difficile aujourd’hui qu’hier de «préparer un cours» en tenant compte de prescriptions multipliées (programmes, socle commun, «éducations à…»)

C’est pour cela que nous ne cessons dans ce dossier d’indiquer la voie de la coopération, de la bienveillance et de l’exigence.

Propos recueillis par Cécile Blanchard