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Une expérience de travail collaboratif en sciences
Après trois années d’expérimentation des nouveaux programmes de physique-chimie en classe de terminale S, nous avons ressenti le besoin de proposer un cadre d’apprentissage différent aux élèves, pour les aider à surmonter certains écueils du programme de mécanique. Notre objectif était de rendre les apprentissages plus cohérents, par un travail collaboratif et interdisciplinaire.
Aborder le programme de mécanique en classe de terminale S suppose pour les élèves d’utiliser le vecteur comme outil de représentation de différentes grandeurs physiques, de savoir réaliser des projections de vecteurs sur des axes, de savoir faire des recherches de primitives, etc., autant de notions mal maitrisées par nos élèves, pour des raisons de manque de cohérence entre les programmes de mathématiques et de sciences physiques. Devant ce constat, nous avons sciemment fait le choix de mettre en difficulté les élèves, afin d’apporter ces outils comme des réponses au moment où ils en ressentent le besoin.
Le programme de mécanique a été abordé sous un aspect historique avec les trois lois de Newton. Aucune notion de cinématique n’a été donnée aux élèves avant l’apprentissage par problème que nous leur avons ensuite proposé (voir l’encadré). La recherche de la solution s’est faite par équipes de six à sept élèves pendant trente minutes, avec pour objectif soit de proposer une solution par écrit, soit de rédiger un certain nombre de questions. Le choix de faire réfléchir les élèves dans de grands groupes a permis un échange très riche. Il n’y a pas eu d’interactions entre les groupes, car chacun était très concentré sur ce qui se passait dans son groupe. Pour avoir déjà fait une activité d’apprentissage par problème en début d’année scolaire, les élèves savaient qu’ils ne pouvaient pas compter sur le professeur pour répondre à leurs questions ; ils savaient que cette situation ne durerait pas, par contre ils ne savaient pas qu’on reviendrait vers eux à deux professeurs !
La lecture des réponses proposées par les trois groupes représentatifs de cette classe de vingt élèves est très riche d’enseignements. On peut noter la difficulté à prendre un bon démarrage, à puiser de façon efficace dans ses connaissances et compétences, à faire le lien entre un constat (« ne dépend pas de la masse » vu en classe de 2de) et une équation (« = »), ou bien, tout au contraire, le « génie » de comprendre la nécessité de retrouver « la fonction qu’on a dérivée ». Deux professeurs ont donc animé la séance suivante. Le professeur de physique a projeté et rapidement commenté les réponses des trois groupes. Le professeur de mathématiques a ensuite pris la main pour un cours sur la primitive d’une fonction. Les élèves n’ont pas été étonnés très longtemps et ont rapidement compris la nécessité de travailler de concert pour les deux disciplines. Nous avons ensuite laissé les trente minutes restantes aux élèves pour rédiger leur réponse au défi posé. Chaque binôme s’est précipité dans ce travail de rédaction, désireux d’arriver au terme de la résolution du problème. Cette fois, les deux professeurs présents pouvaient intervenir. À l’issue de cette séance, les réponses rédigées des élèves ont été annotées par le professeur de physique d’une couleur, puis par le professeur de mathématiques d’une autre couleur.
Au début de la troisième séance, le professeur de physique a rédigé au tableau la solution du problème et a rendu les réponses annotées. Chaque binôme a évalué l’écart entre ce qui était attendu et le point où il est arrivé. Cette autoévaluation formative permet aux élèves de mesurer leur degré de maitrise à un moment de leur parcours d’apprentissage ainsi que les évolutions attendues. Nous avons pu constater avec les élèves qu’à ce stade, ils ont pratiquement tous mal défini le référentiel et le repère d’étude, étape nécessaire à la bonne résolution du problème. Ils ont compris que le choix des repères d’espace et de temps devait être fait de façon réfléchie pour une résolution efficace. La généralisation à des situations rencontrées dans des espaces à deux ou trois dimensions n’ajoute que la difficulté de la projection des vecteurs sur des axes. Ce parcours d’apprentissage a donc permis de ne pas rencontrer toutes les difficultés en même temps, tout en permettant aux élèves de construire des bases solides. En outre, ce travail a permis de constater les différences des attendus de rédaction d’un raisonnement en physique ou en mathématiques et a suscité des discussions intéressantes entre élèves et professeurs, ainsi qu’entre les professeurs sur l’emploi d’une même notion au travers des exigences propres aux deux disciplines. Les avis des élèves sur cette séquence sont sans équivoque : « Expérience extrêmement intéressante ; à refaire ; contrastes et points communs maths et physique mis en valeur ; j’aimerais bien avoir cette expérience plus souvent ; l’intervention du professeur de maths a été utile pour pouvoir avancer et c’est original, ça rend l’heure vivante ; le fait que le professeur de maths intervienne est plus efficace que si la professeure de physique le fait ; c’était intéressant de faire le lien entre les deux matières et aussi de voir comment les différentes notions sont exploitées ; c’est une démarche cohérente, logique, que je vous encourage à répéter ; etc. »
La même expérience d’enseignement a été proposée dans une autre classe de terminale S de trente-quatre élèves, à la différence que le professeur de mathématiques de cette classe n’est pas intervenu. Le professeur de physique a fait le même cours de mathématiques. Il va de soi que la dynamique est meilleure quand les deux professeurs s’investissent dans cette collaboration. Néanmoins, l’échange réalisé avec la première classe a permis au professeur de physique de mieux « parler les mathématiques », en s’appuyant sur une rédaction propre à cette matière d’enseignement et en ayant conscience des exigences de celle-ci. De son côté, le professeur de mathématiques impliqué dans la première classe a pu s’aventurer dans le domaine de la physique et voir comment les mathématiques étaient utilisées. Ainsi sensibilisé, il pourra utiliser des exemples issus de la physique dans son cours, varier l’utilisation des variables, dans les études de fonction par exemple.
Cette expérience a été riche d’échanges entre tous les acteurs, élèves comme professeurs. Par ce travail collaboratif, nous avons beaucoup gagné en efficacité, même s’il représente un effort pour amener de la cohérence dans les deux programmes de sciences qui ne sont pas toujours en adéquation. Le travail interdisciplinaire, encouragé par l’institution, se développe à travers les enseignements d’exploration en classe de 2de, les travaux pratiques encadrés en 1re et l’aide personnalisée sur l’ensemble des trois niveaux du lycée, mais le besoin de travailler en interdisciplinarité peut aussi être ressenti de façon plus ponctuelle en dehors de ces cadres. Se pose alors le problème des moyens alloués à ce type d’activité. La contrepartie positive est que les élèves vouent une grande confiance à leurs professeurs, ce qui facilite le travail pour toute la suite de l’année scolaire. Il y a eu une légitimation des deux disciplines l’une envers l’autre.
Trouver la hauteur h à laquelle se trouve le bas de la fenêtre du premier étage de la maison de Rodolphe, qui possède un chronomètre pour ses entrainements sportifs. Pour restaurer sa maison il doit connaitre la hauteur à laquelle se trouve le bas de sa fenêtre du premier étage, mais il n’a pas encore d’outil adapté pour mesurer de grandes longueurs. Il lâche alors un caillou et mesure le temps qu’il met pour atteindre le sol. Il trouve t 1 = 0,750 s. Il recommence avec un autre caillou beaucoup plus lourd et retrouve le même résultat : t 2 = 0,750 s. Il se dit que cette deuxième expérience était bien inutile ; il vient de se souvenir de ses cours de physique et les frottements sont négligeables ! S.R. et C.D.