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Une école commune contre les inégalités

Thierry Pech, directeur général de Terra Nova, et Maya Akkari, coordonnatrice du pôle éducation de la fondation, lançaient ce jeudi 6 mars les travaux d’un groupe autour de l’école commune, considérée comme une manière efficace de lutter contre les inégalités de l’école française, relevée dans les études internationales comme dans les études nationales de la DEPP. Plaidoyer pour une école unifiée.

Le rapport « Pour une école commune, du cours préparatoire à la Troisième : un pas supplémentaire vers la démocratisation » a été coordonné et présenté par Jean-Pierre Obin et Claire Krepper. Il s’agit du résultat des travaux d’un groupe de travail, et la note est également signée par Caroline Veltcheff, Gilles Langlois, Roger-François Gauthier, Julien Maraval et Jean-Michel Zakhartchouk. Un pas de plus pour la lente avancée du socle commun notamment.


Trois ruptures pour des décrochages

Ecole commune, plutôt que Ecole du socle. Le terme est choisi : il faut qu’il soit parlant, qu’il appelle chez tous l’idée de cohésion, de cohérence d’un parcours qui ne serait plus morcelé. Morcelé et marqué par trois ruptures.

Maya Akkari, Claire Krepper, Jean-Pierre Obin et Thierry Pech

Maya Akkari, Claire Krepper, Jean-Pierre Obin et Thierry Pech

Jean-Pierre Obin rappelle que la première rupture date de 1975, avec la réforme Haby. Elle a amené à calquer toute le modèle sur le modèle du lycée, avec des contenus du secondaire définis selon une logique descendante : seront enseignés des savoirs nécessaires à l’entrée en classes préparatoires. « Alors que les contenus du primaire s’adaptent davantage à l’évolution des élèves, une école primaire, soit dit en passant, qui, elle, réussit assez bien à corriger des effets d’inégalités sociales, contrairement au secondaire qui les creuse. », ajoute Jean-Pierre Obin. La détérioration de la mixité sociale, notamment depuis la carte scolaire de 2007, ajoute encore à l’inéquité des résultats des élèves, et à la faible performance du système.
L’évaluation va ajouter une rupture, avec un système de notation sur 20 allant dans le sens de la compétition et du classement.
Quant à la troisième rupture, elle porte sur la dimension éducative : « On forme volontiers « l’homme et le citoyen » dans le primaire, mais dans le secondaire les résistances sont beaucoup plus fortes, avec parfois des enseignants qui refusent encore à se considérer en charge du comportement des élèves. » relate Jean-Pierre Obin.
Trois ruptures pour des décrochages et un accroissement des inégalités dans le secondaire. Dans ce rapport de Terra Nova, il est avancé que faire réussir ceux qui ne réussissent pas est une nécessité sociale, mais que ce sera aussi avec des retombées économiques, puisque l’échec a un cout pour la société, cout qui a été évalué par la fondation à 24 millions d’euros. Comment réunir ce qui a été désuni, comment relier ce qui a été rompu ?

Continuité des parcours, mixité sociale, hétérogénéité et coopération

Selon Claire Krepper, « les enseignants sont déjà conscients de partager ces défis professionnels, sentant qu’ils sont sur cette vague unique de la maternelle au lycée. » Sans attendre de révolution de l’école commune, les propositions du rapport de Terra Nova s’appuient sur des expériences existantes, par exemple à Trappes ou à Toulon, qui ont intensifié le chemin de l’école au collège. Sont par contre préconisés de fusionner au niveau du ministère les budgets du primaire et du secondaire, et les corps des professeurs des écoles et les professeurs du secondaire, de redéfinir les tâches en fonction des situations géographiques. La formation paraît centrale et Claire Krepper insiste sur ce point : « Il serait bon d’introduire la notion d’école commune dans la formation continue et initiale, de la rendre plus professionnalisante, en évaluant les étudiants en situation de classe, avec les élèves, de fournir un soutien aux équipes enseignantes par des chercheurs, de former les formateurs sur ce sujet. » Un curriculum commun primaire collège, et une rupture d’avec les programmes actuels sont souhaités, et une adaptation par les équipes, avec support du socle commun, et le brevet qui serait une certification de ce socle. Le groupe se montre opposé aux parcours individuels qui ont tendance à prolonger les filières, alors que l’hétérogénéité est toujours le système le plus favorable pour faire progresser tous les élèves. Le cout d’une formation adaptée s’élèverait à 6 % de la masse salariale, qui seraient compensés économiquement par la baisse de l’échec scolaire. Reste à communiquer en direction des acteurs du système scolaire, mais aussi en direction du monde économique qui a à y gagner.

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Les questions posées par le public ont cependant soulevé des ombres propres à effrayer, comme le fantôme de la bivalence. Elle n’est pas envisagée, pas plus qu’on ne toucherait pour le moment le corps sacré de l’agrégation. Par contre, ce qui est espéré de la fusion, c’est le travail sur de l’interdisciplinaire, ou l’intervention d’enseignants volontaires sur plusieurs disciplines autour de projets, lors du cycle CM1-CM2-6e.
Tout reste à préciser, le devenir des options, de l’inspection, ou la manière d’intervenir sur la carte scolaire. Il sera bon de suivre l’avancée du travail sur les programmes, le socle commun et de commencer à faire un bilan des conseils école-collège qui se sont mis en place il y a un an. D’autres notes de Terra Nova sont annoncées.
Il a été enfin rappelé que l’école commune a déjà été adoptée dans 14 pays européens sur 27. Le rapport de Terra Nova ajoute un élément supplémentaire vers cette même évolution.