Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Un bilan enthousiasmant pour les Rencontres internationales de la classe dehors

Du 31 mai au 4 juin derniers se sont tenues les premières Rencontres internationales de la classe dehors à Poitiers, qui ont été, selon l’avis des organisateurs interrogés ici, conviviales et prometteuses, mais reposant sur une base encore fragile. Le CRAP-Cahiers pédagogiques y était présent, comme partenaire très attentif au développement de ces dispositifs d’apprentissage hors les murs.

Nous avons demandé d’abord à plusieurs des organisateurs ce qu’ils retiraient de positif de ces Rencontres. Roland Gérard, qui a animé « Les causeries Yannick Bruxelle » durant ces journées, fait part de « l’immense plaisir de nous retrouver, nous qui formons une communauté d’acteurs enthousiastes et positifs et qui ne lâchons rien, malgré les promesses non tenues de l’Accord de Paris de 2015, malgré les obstacles rencontrés au quotidien ».

Ronan James, concierge des Rencontres, insiste sur un cadre (celui du grand Parc de Blossac, en plein cœur de ville) qui permettait la discussion dans un environnement chaleureux et un climat de bienêtre. Charlotte Rizzo, autre organisatrice, va jusqu’à parler de « moment d’intensité historique » qui a réuni une diversité précieuse d’acteurs éducatifs : enseignants et personnels de l’Éducation nationale, chercheurs, animateurs natures, militants de l’éducation populaire, agents des collectivités et élus.

Lorsqu’on demande à ces responsables de citer des temps forts, il est question de l’intervention des enfants qui « ont enchanté Poitiers » en défilant et en s’appropriant l’espace public, du « gouter de conversation » préparé avec Théodore Zeldin, des temps d’engagement des collectivités à financer les « communs », et aussi, bien sûr, des temps informels d’échanges.

Pauline Catala, coordonnatrice des communications, met en avant un évènement qui s’est déroulé dans la bienveillance, avec des imprévus, des surprises.

Des enfants décisionnaires

Benjamin Chow Petit dit avoir « croisé des gens en dehors des militants, y compris opposés à la classe dehors, mais avec qui il a pu discuter, qui ont pu donner leur avis ». Il exprime aussi son enthousiasme devant la présence des enfants qui ont pu être auditionnés devant l’Hôtel de Ville : « J’ai trouvé ça magique, c’était vraiment fort. » Pour Adrien Chao, chargé du contact avec les médias, « les enfants ont été vraiment décisionnaires et non instrumentalisés ».

Charlotte Vuarchex relève que « les gens étaient calmes et studieux, dans des petits cercles assez cocon, en train de se former. Je ne pensais pas que les gens venaient à ce point chercher quelque chose ! »

Que peut-on au lendemain de cette initiative, attendre de l’institution ? Pour Roland Gérard, « elle devrait rencontrer les organisateurs, et même les remercier ! Et surtout envisager la suite. Lever les obstacles et encourager les innovations. »

Des revendications ont pu être exprimées lors d’une rencontre à la Mairie de Poitiers avec les deux députées chargées d’une mission parlementaire sur l’adaptation de l’école au changement climatique, Francesca Pasquini et Graziella Melchior.

Des demandes concrètes

Pour le CFEDD (Collectif français pour l’éducation à l’environnement vers un développement durable) ce sont des demandes concrètes comme la possibilité d’une demi-journée nature par semaine, un séjour en nature par an avec nuitées, la formation des enseignants à l’éducation à la nature, la multiplication de coins nature, une sensibilisation des différents acteurs de l’Éducation nationale. « J’ai réaffirmé l’importance dans les expériences de rapprochement avec la nature du « cœur », de l’émerveillement plus encore que de la connaissance. L’heure est à l’alphabétisation écologique et nous devons être capables, par exemple, de transformer deux ou trois hectares de maïs en « forêt éducative » ! C’est une question de volonté politique », déclare Roland Gérard.

Les députées, selon Laure Pillot, qui a coordonné plusieurs ateliers et tables-rondes, ont pu faire un parallèle avec l’urgence climatique et ont perçu à travers les témoignages d’enseignants combien la classe dehors pouvait permettre de retrouver du sens au métier et pourquoi pas susciter de nouvelles vocations. « Faire classe dehors, c’est innovant et pas cher, il y a quand même moyen que ça bouge ! » pour Julien Beutter, responsable de ce lieu stratégique qu’était le bar. Et Thomas Germain, concierge et responsable des bénévoles, note que, de toute façon, quand on voit le nombre de demandes de formation dans les académies, on voit bien que le processus est en marche…

Perspectives

Quelles sont les perspectives ? Dialoguer avec les institutions et les corps intermédiaires pour passer des bonnes intentions à l’action, valoriser les ressources, faire des bilans. Pauline Catala dit recevoir de nombreux retours de partout, avec un sentiment d’avoir vécu une expérience forte qui donne envie de pérenniser l’évènement. Beaucoup disent avoir tout de suite vu les applications possibles dans leur pratique en suivant une table ronde ou en vivant un atelier en plein air.

« L’enjeu », conclut Charlotte Vuarchex, « c’est que ça devienne une pratique au quotidien, de passer des convaincus à la marge à la normalité ». Les Rencontres d’aujourd’hui et de demain (sous la forme d’une biennale ?) doivent y contribuer. Et Catherine Villeret, coordonnatrice du fablab, d’ajouter : « Oui, pérenniser, mais aussi multiplier des rencontres dans d’autres territoires, voire d’autres pays, notamment en Afrique de l’Ouest, où nous aurions beaucoup à apprendre. »

Toutefois, un rappel est fait par Benjamin Gentils : « Sans soutien structurel au développement des communs pédagogiques, tant par les institutions publiques que par les réseaux associatifs et les fondations, aucune pérennisation des actions ne sera possible. Les enjeux de coopération, de mutualisation de ressources, de fédération et d’animation de communautés ne peuvent rester à la marge comme c’est le cas actuellement. Il est impératif pour tous les acteurs d’intégrer la coopération comme enjeu stratégique majeur malgré un climat général qui pousse au repli sur soi et la sauvegarde de ses propres intérêt. »

Les organisateurs proposent également de signer la pétition pour soutenir le développement de la classe dehors.

Jean-Michel Zakhartchouk
Quelques données chiffrées :
• Plus de 120 organisations partenaires (dont le CRAP-Cahiers pédagogiques)
• Près de 2000 participants (Éducation nationale, associations, collectivités, enseignement supérieur et recherche)
• 1300 enfants dans le centre-ville de Poitiers le 1er juin
• 250 ateliers
• Vingt balades pédagogiques
• 110 communications et témoignages au colloque scientifique
• Trente tables rondes et entretiens
• Sept expositions
• Quatre matériels pédagogiques pour la classe dehors écoconçus
• Une conférence théâtrale jouée trois fois
• Quatre séances de cinéma dont une en plein air
• Un terrain d’aventures et un terrain d’aventures nomade
• Deux agoras extérieures construites
• Deux gouters de conversation préparés par Theodore Zeldin
• 800 enseignantes et enseignants de vingt-et-un pays ont participé à la première semaine francophone de la classe dehors
Un prolongement possible : les Rencontres d’été du CRAP-Cahiers pédagogiques
Nous proposons entre autres une activité « apprendre dehors » et une « randonnée nature » (une dizaine d’heures d’atelier), ainsi que deux ateliers sur la thématique de la coopération (une quinzaine d’heures). Il reste des places. Tous les détails sur cette page.

Sur notre librairie :

N°585 – Apprendre avec la nature

Coordonné par Laurent Reynaud et Jean-Michel Zakhartchouk

Les expériences de « classes dehors » ont du succès. Une manière de se reconnecter avec la nature. Mais en quoi le contact avec la nature est-il nécessaire aux élèves, et à quelles conditions permet-il de mieux apprendre ?

 

 

 

N°570 – Apprendre dehors

Dossier coordonné par Aurélie Zwang et Jean-Michel Zakhartchouk

Depuis les confinements successifs, l’intérêt pour les pratiques d’éducation en plein air est grandissant. Inscrites dans l’histoire de la pédagogie, elles sont non seulement mises en œuvre à l’école, de façon régulière ou lors de sorties de terrain plus ponctuelles, mais aussi dans le périscolaire. Ce dossier interroge ce qui s’apprend de spécifique dehors.