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D’une revue de presse à l’autre, le paysage éducatif change peu entre les échos d’une guerre à nos portes, la foire aux propositions de réforme d’une campagne électorale en panne d’enthousiasme. Les questions et les débats venus du terrain animent les réflexions et les doutes pour continuer, envers et contre tout, à faire vivre l’Éducation avec un E majuscule.

Cláudia H. Abrantes pour https://creativesforukraine.com/

Ukraine : enfants d’ici, enfants de là-bas.

« Face à l’horreur des images nous venant d’Ukraine, mais aussi à côté du courage héroïque des résistants à l’invasion russe, de simples mots écrits d’ici peuvent sembler dérisoires, mais ils sont pourtant nécessaires, de notre point de vue de pédagogues engagés. », le communiqué du CRAP-Cahiers Pédagogiques invite à « mener un dialogue avec les élèves, différent selon les âges sans doute, avec un dosage difficile entre rassurer et faire prendre conscience des dangers, en utilisant des outils comme la discussion philosophique, par exemple autour de l’idée de paix et surtout de paix juste. »

Dans les classes, le dialogue semble nécessaire et les enseignants sont en première ligne pour trouver des éléments de réponse aux questions des élèves. « Expliquer ce qui se passe », mais ne pas montrer trop d’images et « rassurer »: face à l’actualité, les enseignants s’efforcent de parler aux enfants de manière adaptée de la guerre en Ukraine, devenue un sujet de conversation aussi dans les cours de récréation. », indique le Point qui relaie des témoignages d’enseignants.

« « Est-ce que c’est la troisième guerre mondiale ? » Cette question terrible, des enfants et des adolescents l’ont posée à leurs parents, à leurs enseignants depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Alors, comment parler de cette guerre en classe, en famille ? ». Dans son émission « Être et savoir » Louise Tourret a creusé la question ce lundi avec ses invités, psychiatre, journalistes et une coordonnatrice académique du Clemi.

Pour illustrer leurs propos, enseignants et parents peuvent puiser dans la galerie de dessins «Creatives for Ukraine », une galerie participative où chacun est invité à poster ces illustrations à disposition de tous.

L’inquiétude est aussi pour les enfants ukrainiens, eux qui subissent directement et intensément les violences de la guerre. « Les enfants ont peur, ils sont sous le choc, ils se trouvent séparés de leurs pères et ont désespérément besoin de sécurité. », souligne Bettina Junker, directrice générale d’Unicef Suisse et Liechtenstein. Au micro de la RTS, Stephan Eliez, professeur au département de psychiatrie de la faculté de médecine à lʹUniversité de Genève, explique les impacts de la guerre sur la santé mentale des enfants : « hausse de lʹanxiété, symptômes dépressifs et des répercussions qui se poursuivent à lʹâge adulte »

École : état des lieux, états du terrain

« Depuis 2015, le collectif des parents d’élèves du Petit Bard-Pergola se mobilise pour l’égalité des chances des enfants de ce quartier paupérisé de Montpellier, qui subit toujours les effets de l’exclusion sociale. » Alternatives Économiques nous raconte un combat sans relâche contre la ségrégation scolaire dans un quartier où « le taux de scolarisation des 15-24 ans n’est que de 56 % et le taux de diplômés ayant le bac ou plus, de 30 % ».

Le Parisien relaie la mobilisation d’un collectif issu de vingt établissements des Hauts de Seine contre « la mort programmée de l’éducation prioritaire ». « Les vacances scolaires n’auront pas eu raison de la grogne des enseignants. Déjà largement mobilisés depuis le mois de février dans une quinzaine de collèges et lycées contre la baisse des heures d’enseignement, principalement dans l’éducation prioritaire, les personnels de 35 établissements ont décidé d’une mobilisation commune cette semaine. »

« Le Comité national d’action laïque alerte sur les « dérives » de l’enseignement privé hors contrat. » Sonia Princet ouvre son micro au président du CNAL « On a remarqué, «  explique Rémy Sirvent, le président du Cnal, « qu’il existe encore un certain nombre de dérives dans les établissements hors-contrat, qui n’assurent pas les acquisitions fondamentales qui sont contenues dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture »,  l’ensemble des notions que doit maîtriser un élève à l’issue de la scolarité obligatoire, à la fin de la classe de troisième. » Les grandes lignes du rapport du CNAL sont publiées par Charlie-Hebdo. Il se base sur 164 rapports d’inspection portant sur 10 % des écoles hors contrat recensées en France. « Dans le détail : 14 établissements de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (sur 59), 26 d’écoles ultracatholiques (hors Saint-Pie-X, sur 140), 52 écoles Montessori (sur 384). Pour d’autres types d’écoles – Steiner, Espérance banlieues ou musulmanes –, ils n’ont obtenu qu’une poignée de rapports, nous y reviendrons. »

« Vingt écoles clandestines ont été fermées depuis la rentrée de septembre, dont deux cette semaine dans l’académie de Lyon et une troisième dans l’Académie d’Aix-Marseille. » lit-on dans Ouest-France. « Pour le Comité national d’action laïque, leur ouverture devrait être soumise à une autorisation préalable. »

Un jeune camerounais s’était vu refuser en 2015 « des tests d’évaluation préalables à son inscription dans un établissement scolaire ou dans une formation pour jeunes étrangers mineurs isolés. » Le Conseil d’État a tranché. « L’éducation est un droit, jusqu’à 18 ans » explique Ouest-France. « Peu importe que l’élève soit français ou étranger, et qu’il ait éventuellement dépassé l’âge de la scolarisation obligatoire fixé à 16 ans, vient de statuer la plus haute juridiction administrative française. »

Jean-Pierre Veran explore la vie scolaire à partir de deux instantanés qui révèlent notamment : « D’abord, que, dans l’institution scolaire, existe un écart entre tout ce qui est dit et écrit dans les textes officiels d’une part et ce qui se passe dans la réalité des établissements scolaires d’autre part. Ensuite, que l’intérêt des élèves, la parole des élèves ne sont trop souvent encore pas la préoccupation première. »

Pour Vousnousils, Chloé Le Dantec a rencontré la documentariste Hélène Milano à l’occasion de son projet « Chateau Rouge », une immersion dans la vie collégienne. « Je me représente le collège comme un grand bateau où tous embarquent pour un voyage de quatre ans, et dans lequel chaque personne est absolument nécessaire. ».

Dans le Monde, Violaine Morin explique : « Dans les écoles, les enseignants questionnent la pertinence des évaluations de mi-CP. Malgré les demandes d’annulation formulées par l’ensemble des syndicats, les tests, programmés chaque année en janvier mais reportés pour cause de Covid-19, ont lieu en ce moment. »

L’adaptation des programmes au changement climatique fait l’objet d’une double interpellation. « Les enjeux associés à l’environnement sont reconnus comme étant urgents et vitaux. Leur enseignement est pourtant encore loin de faire l’objet d’une préoccupation à la hauteur des crises écologiques que nous traversons. », dénonce le doctorant en physique Olivier Claude Marchand dans un billet de blog. Alternatives Économiques étrille l’enseignement agricole avec ce titre « L’agroécologie, parent pauvre de la formation agricole ». « Malgré un plan « Enseigner à produire autrement » mis en place en 2014 et la rénovation des programmes scolaires, l’agroécologie occupe une place marginale dans l’enseignement agricole public. Au sein de la jeune génération d’agriculteurs, plus sensible à ces questions, nombreux sont ceux qui préfèrent se tourner vers des réseaux alternatifs. »

L’état du terrain c’est aussi l’application d’un nouveau protocole à partir du 14 mars, jour où les masques pourront tomber. L’Étudiant décrypte les nouvelles règles à appliquer dans les collèges et les lycées, infographies à l’appui.

Ce panorama de questionnements et de doutes s’assombrit encore avec l’information publiée vendredi par la Nouvelle République. « Une enseignante du lycée professionnel Sonia-Delaunay s’est défenestrée en plein cours ce vendredi 11 mars 2022 dans la matinée. Si son pronostic vital n’est plus engagé, les questions sont encore nombreuses autour de cette tentative de suicide. » Une nouvelle qui s’abstient de commentaire. Toutes nos pensées pour l’enseignante, son entourage, les élèves et la communauté éducative de son lycée.

L’éducation à la lorgnette politique

Une prof dans la course à l’Elysée : « Pour la 3e fois, la candidate de Lutte ouvrière fait campagne, non pour gagner mais pour diffuser ses idées. Afin que les « travailleurs et travailleuses » se mobilisent dans les entreprises et renversent le capitalisme. La prof d’économie-gestion a déjà prévu de retrouver ses élèves le 11 avril, au lendemain du premier tour. » signale Ouest-France. « Ses élèves ont une prof particulière, elle en convient. Mais l’enseignante jure qu’elle applique le programme d’économie-gestion à la lettre : Dites-le bien à M. Blanquer ! ​enjoint-elle. »

A l’heure où le Conseil supérieur des programmes change de direction, Roger-François Gauthier questionne dans Le Monde : « Faut-il laisser les programmes scolaires aux mains des politiciens ? », « Ce qu’on apprend à l’école vise-t-il l’universel ou le particulier et le partisan ? »

 A cette question, la papesse du libéralisme ne répond pas mais propose des solutions radicales à partir d’hypothèses discutables : « Les évaluations nationales montrent que les élèves du privé maîtrisent mieux le français que ceux du public. Pourtant, l’école privée coûte moins cher à la collectivité, nous dit Agnès Verdier-Molinié. La solution ? Régionaliser la gestion de la politique d’éducation, autonomiser les établissements scolaires, embaucher des enseignants sous contrat… entre autres. »

Pour certains candidats aux présidentielles, la tentation de revenir à une école d’antan fantasmée est forte. Pour balayer les idées reçues sur une époque révolue, le CRAP-Cahiers Pédagogiques a invité Claude Lelièvre à l’occasion de son dernier livre pour un débat éducatif « C’était mieux avant ! Vraiment ? » « C’était mieux avant, du temps de la blouse obligatoire, quand les élèves respectaient les enseignants, quand on apprenait quelque chose à l’école, que le niveau était bien meilleur qu’aujourd’hui… Les termes de République et de républicains opposés à pédagogue, de défenseurs d’une école passée mythifiée cachent en réalité des projets politiques d’héritages conservateurs voire  bien loin de ce qu’elle fut en réalité. »

« Des établissements plus autonomes, en lien avec les entreprises, c’est ce qu’Emmanuel Macron a présenté lors de son premier meeting de campagne à Poissy le 7 mars. On retiendra l’importance accordée aux fondamentaux, l’annonce du retour des maths dans le tronc commun au lycée et la fausse annonce des 30 minutes quotidiennes de sport à l’école primaire. Globalement, le candidat Macron met à son programme les classiques de la droite sur l’École. Et il continue l’évolution de l’Education nationale lancée par JM Blanquer. » résume le Café Pédagogique. Marianne est allée à la rencontre des syndicats d’enseignants pour recueillir leurs réactions : « « Du délire complet », « ligne rouge » : les propositions de Macron sur l’éducation étrillées par les syndicats ».

Est-ce Agnès Verdié Molinié qui a soufflé cette proposition fort libérale dans l’oreille du président-candidat ? « Nous devons réformer le lycée professionnel sur le modèle de ce qu’on a fait pour l’apprentissage », a-t-il estimé. Le président sortant veut « un partenariat beaucoup plus étroit avec les entreprises » et des lycéens professionnels « rémunérés pour leur temps d’entreprise comme le sont les apprentis ». C’est l’État qui « assumera cette gratification », précise son équipe de campagne. »

L’article des Echos revient aussi sur les souhaits de Macron d’ « ouvrir l’école sur l’extérieur – aux parents, aux associations, aux collectivités – pour « bâtir le pacte républicain ». « Le « pacte » républicain, « ça ne commence pas le matin à 9 heures pour s’arrêter à 17 heures, quatre ou cinq jours par semaine ». « La bataille est là », a-t-il insisté. » Pour des élèves activement en marche, trente minutes de sport tous les jours avant 9 heures ou après 17 heures ? Dans la journée ce sera difficile comme le souligne Ouest-France « La proposition d’Emmanuel Macron, déjà inscrite dans la loi sur la démocratisation du sport à l’école votée le 24 février, se heurte à la réalité : pas assez d’équipement, trop de temps scolaire contraint par les « fondamentaux » à enseigner. »

Illustration Fabien Crégut

Orientation : c’est qui le patron ?

« Le deuxième grand chantier en lien avec les entreprises » porte sur l’orientation. « Il faut mettre en face de nos jeunes des gens qui pratiquent un métier, c’est ce dont on a besoin pour aller vers le plein-emploi », argumente Emmanuel Macron. Qui veut « sanctuariser » une demi-journée par semaine pour tous les collégiens, de la cinquième à la troisième. » lit-on dans les Echos. Le même quotidien livre la réaction quelque peu revendicative des Régions. « Les régions se félicitent de la proposition d’Emmanuel Macron d’ouvrir davantage l’école sur l’entreprise. Mais elles réclament une responsabilité complète en matière d’orientation qui déboucherait sur de véritables agences régionales. Et une plus grande « souplesse » des établissements scolaires à l’égard des entreprises. »

Concordance des préoccupations, les propositions de candidat-président se font au moment où l’Association des Régions de France publie son livre blanc « Vers une République de la confiance. » où on lit page 26 : « Les jeunes doivent pouvoir compter sur l’accompagnement de la région dès la première année au collège (via les premières informations sur l’orientation professionnelle), puis au lycée afin de préparer leur entrée dans la vie professionnelle.” et pour cela, “Modifier la gouvernance des lycées en distinguant la fonction de proviseur et celle de président du Conseil d’administration, ce dernier étant choisi parmi les membres extérieurs à l’établissement afin de faciliter l’ouverture de celui-ci, sur le modèle de l’enseignement agricole ». Sur son blog, Bernard Desclaux revient sur les propositions du livre blanc liées à l’éducation.

Localtis donne la parole à François Bonneau, président du conseil régional Centre-Val de Loire et de la commission de l’éducation de Régions de France . « On ne donne pas les outils aux professeurs principaux, censés ouvrir les yeux des jeunes sur l’avenir. On ne leur permet pas de comprendre ce monde. Bien sûr, il y aura des résistances, mais tout jeune doit avoir accès à une orientation très qualitative. Il ne s’agit pas de fragiliser un domaine régalien mais de l’accomplir dans le cadre régional, lequel paraît central, avec un chef de file. », répond-il lorsqu’il est interrogé sur le risque « rupture d’égalité sur un sujet comme l’éducation, considéré comme régalien ».

Aux manettes de la revue de presse cette semaine,  Monique Royer avec la complicité de Bernard Desclaux et de Fabien Crégut.

Sur la librairie des Cahiers pédagogiques

N° 575 – Le bienêtre à l’école

La recherche en éducation met de plus en plus l’accent sur l’importance du bien­être à l’école, et les conditions à mettre en œuvre pour que les élèves persévèrent et réussissent scolairement, voire développent leur personnalité. Cela demande de faire émerger une relation apaisée entre les élèves, les enseignants, et les savoirs.

N° 560- Urgence écologique : un défi pour l’école

Ce dossier nous invite à aller plus loin que l’éducation à l’environnement ou au développement durable. Comment permettre à nos élèves de prendre conscience des enjeux de cette indispensable transition écologique : apport de connaissances, actions locales, formation à l’éco-citoyenneté…

N° 574 – Ce qui s’apprend en EPS

Mal reconnue, bien qu’obligatoire à tous les niveaux, l’EPS contribue à l’acquisition du socle commun, donne accès à des pratiques motrices et à la culture physique, sportive et artistique, tient une place de choix dans l’entretien de la santé et du bienêtre, contribue à l’égalité entre les filles et les garçons et à l’inclusion.