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N’Autre école : la pédagogie et le social au corps

Connaissez-vous N’Autre école ? C’est une revue militante et engagée, qui parle de pédagogie, d’éducation et d’émancipation. Pas très loin des Cahiers pédagogiques, donc, et d’ailleurs, nous avons des contributeurs communs. Mais N’Autre école se revendique haut et fort de la gauche radicale, ce que les Cahiers ne font pas. Il n’empêche qu’on ne peut que vous inciter à la lire, et notamment le tout dernier numéro, consacré au corps, un thème que nous avions nous aussi traité il y a quelques années.

Un engagement à la fois social et pédagogique, c’est le pari de N’Autre école. Un pari difficile, car le social va au-delà de la bienveillance : quand il s’agit d’être, dans la classe, dans l’établissement et au-dehors, aux côtés des opprimés.

Dans la classe, avec le souci que les enfants des familles populaires, voire précaires, dépassent les réflexes de honte ou d’embarras, qui se traduisent par de l’abstention ou une agitation-paravent ; dans l’établissement, en n’oubliant pas les agents de service (non, même en lycée, ils ne doivent pas être ces domestiques qui effacent le tableau) ni les AESH, si indispensables aux élèves porteurs de handicap et si mal traités ; autour de l’école, en tissant des liens avec le quartier, en faisant ce premier pas qui consiste à se déplacer pour briser une distance minime sur la carte mais socialement énorme.

L’engagement social dépasse le quartier : engagement syndical (souvent à SUD Éducation ou à la CNT) ou associatif, mais N’Autre école n’appartient à aucune chapelle ni politique, ni syndicale, ni pédagogique.

L’engagement pédagogique, justement : les lecteurs des Cahiers le savent, il n’est pas toujours facile non plus, quand il s’affranchit de la mode ou du gadget ministériel. Il touche le cœur des contenus : quand Magali Jacquemin fait une visite-enquête aux archives départementales et ravive la mémoire des ascendants algériens d’une élève1, elle éveille la curiosité des élèves et fait que les savoirs reprennent force et sens. Le combat quotidien pour l’égalité des filles (temps de parole en classe, par exemple) joue sur d’autres registres. Et l’implication des élèves (pratique du conseil) nous parait essentielle.

Pédagogies nouvelles

Le patrimoine des pédagogies nouvelles est suffisamment riche pour servir de boite à outils, toutes écoles et préoccupations confondues, mais sans nostalgie et en intégrant les questionnements de notre époque (le genre, la « race »), avec le lot de discussions voire de désaccords sans lesquels on serait dans l’enfermement. L’important est de voir ce patrimoine comme un tremplin, un incitatif pour inventer.

Mais attention : tout cela, ce sont des objectifs. La réalité est rude : des collègues difficilement à l’écoute d’une volonté égalitaire, une administration pour qui les dictats managériaux sont devenus de plus en plus l’ordinaire. Comment faire ?

En faisant, justement : tous les membres de l’équipe de N’Autre école sont des praticiens, ça modère les envolées lyriques ! En faisant savoir, et c’est la fonction d’une revue qui parait trois ou quatre fois par an – mais depuis une vingtaine d’années – et d’un site, Questions de classe(s), plus fouillis peut-être mais plus branché sur l’actualité.

On peut craindre, en lisant ces lignes, on ne sait quelle propagande ou publicité ; le mieux est de lire un numéro de la revue (le tout dernier porte sur le corps), voire de proposer un article pour le thème d’un prochain dossier, voire de participer à un comité de rédaction ouvert.

Jean-Pierre Fournier
membre du collectif Questions de classe(s)

« Plus on travaille proche du corps et de ses besoins, plus on est bas dans la hiérarchie scolaire », observe le collectif Questions de classe(s) dans l’édito du dossier « En corps à l’école » du numéro 21 de N’Autre école, en évoquant le livre Les « petits coins » à l’école paru récemment et recensé sur notre site. Prendre en charge le corps des élèves n’est donc pas une tâche noble, et le corps des enseignants est « un impensé » dans le système éducatif.

Le thème du corps est abordé dans ce dossier sous tous ses angles : « des culottes de règles à la question du handicap, en passant par les représentations dans les manuels ou les toilettes », sans oublier les corps des enfants racisés.

Le constat est sans appel : « Nos corps et ceux de nos élèves évoluent dans un système de normes validistes, sexistes et racistes (…) Encore aujourd’hui, c’est la nation qu’on tente de construire en redressant le corps des enfants. » Et Questions de classe(s) lance une invitation à « repenser ce que signifierait une éducation intégrale qui ferait du corps un sujet politique et pédagogique, au service de l’émancipation », et qui embrasserait danse, théâtre, apprentissages, espace scolaire, etc.

« En corps à l’école », N’Autre école n°21, été 2023


Notes
  1. Des élèves à la conquête du passé – faire de l’histoire à l’école primaire, éditions Libertalia, 2023.