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Mensonge de tous, pouvoir de chacun !

Couverture du numéro 598, « Remobilisés ! »

Il y a quelques émissions, nous avons abordé le sujet des bulletins scolaires1. Recherches à l’appui, cela semble un outil pédagogique fragile. Particulièrement lorsqu’on s’intéresse aux appréciations. Si elles sont de bonnes prédictrices des trajectoires scolaires des élèves, une fois glissées dans les dossiers scolaires, leur usage peut interroger.

Que dire de ces grandes écoles qui, à notes égales, tendent à ne pas retenir les élèves dont on vante les efforts qui, à leurs yeux, soulignent le caractère peu glorieux de la besogne ? Et si l’on considère, là aussi recherches à l’appui, le langage assez pauvre et normé de ces appréciations, on peut se demander si les trajectoires effectives des élèves ne sont pas alors basées sur un reflet au moins partiellement déformant tendu par les bulletins ; en un mot, sur des mensonges.

Ces mensonges, mais aussi d’autres que l’école peut incarner, ont été le sujet de notre émission suivante2. Un de ceux qui a été questionné concernait les notes et leur fiabilité pour rendre compte des apprentissages. L’évaluation de ces derniers est un sujet aussi vaste qu’épineux.

Ici, arrêtons-nous sur la distinction entre apprentissage et performance. En effet, on peut tout à fait obtenir de bonnes notes en récitant, en appliquant, sans pour autant avoir appris grand-chose, et encore moins de manière durable. Et si l’on ajoute à cela l’usage de critères d’évaluation explicités, censés rendre la notation plus rigoureuse mais qui, par la lourdeur de la démarche, peinent encore à s’imposer dans les pratiques, alors la couche de mensonges s’épaissit.

Si les notes sont d’une fiabilité au moins discutable, que les appréciations ne guident pas l’accompagnement des élèves, ni ne préjugent de manière transparente les sélections de dossiers, que dire de l’ascension sociale que l’école revendique offrir à ses élèves, au prix d’efforts qui seront in fine mal perçus lors des sélections dans le supérieur ?

Nous serions bien mal avisés de tirer à boulet rouge sur qui que ce soit. Déjà parce qu’il ne fait aucun doute que la responsabilité de ce mensonge est diluée, ce qui le rend très insidieux ! Une personne interrogée pour préparer notre émission sur les mensonges de l’école nous a rapporté cette anecdote d’un enseignant de REP+ entendant son élève de 3e lui dire peu ou prou : « Mais nous, on sait très bien qu’on n’est pas dans les mêmes écoles que les riches. »

Grippe collective et responsabilité individuelle

Les élèves en ont lourdement conscience, et il ne fait aucun doute que nous sommes aussi une écrasante majorité de professionnels à savoir pertinemment que la machine est sérieusement grippée. Mais derrière le poids des structures et les si nombreux aspects de l’école – au-delà des bulletins et notes – qui participent au système de reproduction sociale, la question s’impose : où est notre responsabilité individuelle dans la levée de ces mensonges ?

Depuis presque treize ans, et nous l’espérons pour longtemps encore, Nipédu a la chance démesurée de lire, écouter ou parler avec un nombre impressionnant de personnes convaincues que cette responsabilité est partout. Mais le message porté est tout à l’opposé de la culpabilité ou de l’impuissance. Du constat des mensonges collectifs nait, à tous les étages, le pouvoir de sincérité et d’action de chacune et chacun. Si ça, ça n’est pas stimulant !

Régis Forgione, Fabien Hobart et Jean-Philippe Maitre

Sur notre librairie

Couverture du numéro 598, « Remobilisés ! »


Notes
  1. Pour écouter l’émission : https://podcast.ausha.co/nipedu/bulletin-de-sante-des-bulletins-scolaires.
  2. À écouter ici : https://podcast.ausha.co/nipedu/mensonges-pedagogiques.