Les vertus des webinaires - Les Cahiers pédagogiques

Le confinement a eu cet effet-là de positif : déployer de nouvelles voies pour diffuser et partager connaissances et pratiques en pédagogie auprès des communautés éducatives. La série de webinaires « Les épisodes cévenols » est née ainsi. Orane Bischoff, son animatrice, nous raconte cette belle idée, qui aujourd’hui s’est installée dans le paysage de la formation continue des acteurs de l’enseignement agricole.

Le campus de Florac de l’Institut Agro Montpellier est un lieu historique dédié à l’expérimentation pédagogique, avec des actions de formation et d’accompagnement proposées sur des thématiques éducatives et pédagogiques. Parmi les questions abordées : la réussite scolaire, l’engagement des jeunes, l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, mais aussi le numérique collaboratif, l’agroécologie ou la prise en compte de la biodiversité dans l’agriculture.

Entre rivières et causses cévenols, l’endroit se prête aux parenthèses pour apprendre et enrichir ses approches pédagogiques. Le centre produit également des ressources pédagogiques. Arrive le covid et tout est à l’arrêt.

« On a saisi l’occasion d’offrir des zooms sur des questionnements qui nous semblaient peu traités, des trous dans la raquette », témoigne Orane Bischoff. Coordonnatrice du service éducation et pédagogie du campus, elle organise et anime les webinaires. Le développement durable est une autre facette de ces activités, auprès du réseau des écoresponsables de l’enseignement agricole ou au sein de la licence professionnelle « Coordination des projets en éducation à l’environnement et au développement durable ».

Avec les webinaires, elle apprend une modalité nouvelle d’accompagnement des communautés éducatives. « Pour nous, c’est aussi une nouvelle façon d’offrir des ressources pédagogiques aux équipes avec les replays. La production d’ouvrages, de vidéos fait partie de nos missions. »

Élargir le champ jusqu’à l’agroécologie

En cinq ans, près de trente-quatre épisodes ont été réalisés, sur des thèmes aussi larges que la réussite éducative, le numérique ou l’« éducation à », sans oublier des sujets autour de l’environnement ou de l’agriculture. « On teste des thématiques nouvelles, des interrogations repérées lors des stages de formation continue. On se donne le droit de se tromper sur le choix des intervenants ou sur le traitement d’un thème, cela permet de tester une entrée pour la développer par la suite dans nos actions d’appui. »

Les sujets évoqués vont au-delà des sujets phare du campus de Florac et tissent des liens avec les différentes missions de l’enseignement agricole. Le bureau de l’action éducative et de la vie scolaire de la DGER (Direction générale de l’enseignement et de la recherche) du ministère de l’Agriculture ou bien les réseaux thématiques de l’enseignement agricole peuvent souffler des idées, voire suggérer des intervenants. « En travaillant avec les réseaux, cela élargit le champ de ce que nous pouvons proposer et permet d’approfondir des sujets comme celui de l’agroécologie. »

Têtes d’affiches

L’ambition affichée est de partager la connaissance sur une question, de partager un état de l’art complété par une dimension pratique contextualisée en pédagogie. « C’est à la fois un éclairage intellectuel, un temps réflexif avec l’objectif de donner de la connaissance et de proposer des approches, et des exemples de pratiques. On s’enrichit des regards d’experts et de praticiens pour aller plus loin sur des questionnements du quotidien. »

Les webinaires durent deux heures, la première étant consacrée à l’intervention d’un expert et la seconde aux échanges (avec un éditeur de texte en ligne collaboratif pour les faciliter). Le public cible est celui de l’enseignement agricole ; les épisodes sont proposés dans le cadre du Plan national de formation. Les participants reçoivent une attestation de formation.

Les intervenants peuvent être des « têtes d’affiches » mais également des personnes moins connues qui viennent partager des pratiques et des outils. Le dernier webinaire accueillait l’historien Pascal Blanchard sur le thème de « L’image comme fabrique des stéréotypes et des préjugés ». L’assistance était nombreuse.

C’était le cas aussi lors de l’épisode « Mieux comprendre le cerveau des adolescents et adolescentes pour assurer leur réussite éducative » avec Grégoire Borst. Le nombre de participants varie entre trente et 150.

Outiller les collègues

Le replay permet à ceux qui n’ont pas pu assister aux webinaires de les utiliser comme source de réflexion, et pour les formateurs des acteurs de l’enseignement agricole, comme ressource pédagogique. « Notre préoccupation actuelle est d’avoir plus d’échanges lors du webinaire. On réfléchit pour voir comment les faciliter davantage. »

Les webinaires sont organisés environ une fois par mois. Cela varie toutefois en fonction de la disponibilité du public potentiel, pour éviter par exemple la période des examens. Là aussi, la souplesse est de mise.

L’organisation et l’animation des « épisodes cévenols » est une affaire collective. « On travaille en équipe, on apprend, on se professionnalise en faisant. » Orane est aux manettes pour l’organisation générale. Elle sollicite les services de la DGER, les réseaux thématiques de l’enseignement agricole et ses collègues pour trouver de nouveaux thèmes. Un comité éditorial se réunit deux à trois fois par an pour faire le bilan des épisodes précédents et prévoir la suite. « On regarde si la programmation est compatible avec les objectifs fixés, ceux d’outiller intellectuellement et dans les pratiques les collègues des établissements. »

La compatibilité avec les orientations et programmes de l’enseignement agricole est également prise en compte, tout comme les aspects déontologiques et éthiques. « On veille à l’adéquation entre nos objectifs, le cadre institutionnel et une politique de neutralité. » Le comité éditorial rassemble les organisateurs et les opérateurs des webinaires ainsi que des représentants des réseaux impliqués.

Estomper le sentiment d’isolement

Lorsque le programme est validé, Orane anime une réunion de préparation avec l’intervenant et un ou deux collègues. « L’idée est de bien préciser les propos, de voir les modalités d’organisation, le rythme ou les outils d’animation nécessaires, comme l’utilisation d’un sondage. » Elle fait ensuite appel aux bonnes volontés parmi ses collègues pour l’aider pendant le webinaire « pour éteindre les micros, inciter les participants à signer la feuille d’émargement, à gérer le tchat en relayant les questions, etc. » La communication au sein de l’enseignement agricole repose sur une mobilisation d’un réseau de personnes référentes.

« Les épisodes cévenols », nés pour conserver et entretenir le lien avec la communauté éducative de l’enseignement agricole, s’inscrivent dans la durée afin d’estomper le sentiment d’isolement pédagogique et amener des temps de respiration insufflés par le collectif.

Monique Royer