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Des programmes plus explicites et donc plus justes

Le Conseil supérieur des programmes vient de publier aujourd’hui ses propositions pour les cycles 2 (CP-CE2), 3 (CM1-6e) et 4 (5e-3e). Patrick Rayou, professeur en sciences de l’éducation et chercheur à l’université Paris VIII, a participé activement au sein du CSP à l’élaboration des nouveaux programmes proposés à la consultation en vue de leur adoption. Un travail tout sauf opaque et coupé des réalités, contrairement aux accusations habituelles des détracteurs de tout changement. Voici notre entretien avec lui, paru dans le numéro 521 des Cahiers pédagogiques, « Croiser des disciplines, partager des savoirs ».
Vous avez présidé le groupe chargé des programmes du cycle 4 : Comment cela a-t-il fonctionné ? Quel lien entre les différents cycles ?

Nous avons répondu à la demande du CSP (Conseil supérieur des programmes) de rédiger trois textes, dont deux sous forme de tableaux et qui, tous, devaient traduire en programmes la charte qui définit le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Le premier en adapte la philosophie générale pour des collégiens de la 5e à la 3e. Le second dit en quoi chacun des champs disciplinaires et éducatifs contribue, à sa manière mais de façon essentielle, à nourrir chaque domaine du socle. Le troisième décline la façon dont chaque discipline du collège aide à construire des compétences, propose des démarches, méthodes et outils, définit des attentes de fin de cycle. Des groupes disciplinaires se sont parallèlement constitués pour garantir la continuité des programmes entre les trois cycles.

Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter la posture du chercheur pour celle d’acteur engagé institutionnellement ?

Durkheim disait volontiers que la sociologie ne vaudrait pas une heure de peine si elle n’était pas utile. Je m’inscris modestement dans cette filiation. De mon point de vue, la thématique des compétences fait l’objet de bien des malentendus, alors que des recherches aident à en montrer les possibles impasses, mais aussi les progrès dont elles sont porteuses. Ces travaux peuvent aider à les étayer par des apports disciplinaires, mais aussi à les développer grâce à des situations dans lesquelles les élèves sont amenés à combiner, parmi les procédures qu’ils connaissent, celles que requièrent les tâches nouvelles et complexes qu’on leur propose aujourd’hui. Tenter d’apporter à ceux que leur éducation familiale n’y a pas préparés les éléments que les versions antérieures des programmes exigeaient sans toujours les fournir me parait une nécessité pour lutter contre les inégalités d’apprentissage.

Que répondre à ceux qui ne manqueront pas de dire que les programmes proposés en avril sont l’œuvre de gens coupés du terrain, de bureaucrates ou technocrates ?

D’abord, que les praticiens étaient nombreux dans les groupes de cycles et d’intercycles qui ont nourri leur travail. Ensuite, que nous nous sommes astreints à écrire un texte centré sur la façon dont les élèves apprennent, puis des compléments qui essaient de dire ce que cela demande pour chaque discipline. Nous avons également proposé pour les « enseignements pratiques interdisciplinaires » des pistes de mise en œuvre à partir d’apports disciplinaires possibles. Et le terrain n’a malheureusement pas réponse à tout. Il est souvent un lieu où l’on désespère de faire correctement son métier et de faire réussir les élèves. Mais il est vrai que, pour que ces programmes ne soient pas une injonction technocratique de plus, il faut les accompagner d’appuis institutionnels, de mobilisations d’équipes et de formations sans lesquels ils resteront lettre morte.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

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