Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !
La diversité de l’inclusion
Après trois ans en classe préparatoire littéraire, elle s’inscrit en master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) premier degré. « J’ai toujours aimé l’école. J’ai choisi le premier degré car je n’avais pas envie de me cantonner à une seule discipline. » Ses deux années de master se concluent par la réussite au concours de professeur des écoles dans l’académie d’Orléans-Tours. Pour son année de stage, elle enseigne auprès d’une classe de CE1. Titularisée, elle exerce comme remplaçante de directeurs de quatre écoles pendant leur décharge.
« Pour ma deuxième année de titularisation, j’ai été nommée sur un poste que l’on redoute et où on envoie souvent des débutants, celui de coordinatrice de dispositif ULIS. » Elle arrive avec un peu d’appréhension au collège de Sainte-Geneviève-des-Bois dans le Loiret pour l’ouverture du dispositif. Ses craintes se dissipent rapidement. « Je ne connaissais pas du tout le métier de coordonnateur ULIS. J’ai dû m’adapter et l’équipe aussi. On a débuté et appris ensemble. J’ai beaucoup été soutenue par l’équipe, la conseillère principale d’éducation et le principal. »
De son côté, elle se renseigne sur les réseaux sociaux et d’enseignants, elle rejoint des groupes où les conseils et les ressources s’échangent, où les situations particulières se partagent pour trouver des pistes.
Les douze élèves en situation de handicap qui fréquentent l’ULIS ont des troubles différents : de l’attention, autistique, dys ou encore de comportement. « Étant jeune enseignante, je n’avais pas forcément rencontré des élèves avec ces types de troubles-là. J’ai dû me former en même temps que je forme les profs. »
Devant les missions multiples, le flou qu’elle ressent au départ se dissipe peu à peu. À la fois personne ressource pour les enseignants et personne référente pour les élèves que le dispositif accueille, elle apprécie la diversité de ses activités, l’absence de monotonie dans son quotidien professionnel.
Chaque élève est rattaché à une classe ordinaire où il suit certains cours selon son PPS (projet personnalisé de scolarisation). Ses horaires, son emploi du temps, sont adaptés à ses besoins et à ses possibilités. L’inclusion dans ces cours se fait avec des aménagements précis. « Les enseignants viennent me voir pour parler de ces aménagements. Cela leur fait un peu peur avec les effectifs qu’ils ont en classe. Il faut les rassurer, leur donner des outils précis permettant d’adapter les cours et les évaluations, leur venir en aide si besoin ».
Elle veille ensuite à ce que les aménagements soient mis en place. Une AESH (accompagnante d’élèves en situation de handicap) est présente pendant les cours dans la classe ordinaire de référence. Elle aide l’élève en reformulant les consignes, ou en prenant en charge la trace écrite, selon les besoins définis dans le PPS.
L’AESH a un rôle pivot dans le dispositif en faisant le lien entre classe de référence et classe ULIS. « Elle m’apporte les éléments pour adapter, faire correctement mon travail et m’épanouir dans ce rôle », explique Chloé. Ces éléments lui sont utiles lorsqu’elle enseigne au sein du dispositif lorsque les élèves ne sont pas dans leur classe de référence.
Elle intervient dans différentes disciplines en complément du français et des mathématiques, là où sont les difficultés principales et selon les objectifs visés par les élèves. Pour ceux qui préparent un brevet des collèges professionnel, elle va aborder l’anglais et renforcer les maths.
Elle garde le lien avec ce qui est fait dans la classe de référence, échange avec les professeurs et observe leur façon de fonctionner. « Il faut avoir un œil sur tous les programmes surtout que je ne suis pas prof de collège. Je reprends les thèmes qu’ils font en classe et je les adapte. Je propose des textes simplifiés par exemple en français. »
Elle a toujours aimé explorer toutes les matières, mêler les différentes disciplines. Elle travaille beaucoup par thématique pour donner du sens. Elle fait des ponts avec les passions de chacun pour intéresser les élèves. Elle envisage des projets pour qu’ils aient du plaisir à travailler en mêlant des choses concrètes, des situations de la vie quotidienne aux disciplines.
Cette année, elle aimerait mener un projet cuisine, aller avec eux au marché acheter des fruits et légumes pour cuisiner, et investir ainsi aussi bien les mathématiques que la communication. « Beaucoup d’élèves décrocheurs sont découragés, car ils font beaucoup d’efforts sans réussite à la clé. Ils ont un rapport particulier avec l’erreur, baissent facilement les bras. Le projet donne un minimum de motivation et de sens. »
Elle organise sa classe en ateliers avec notamment des activités de manipulation qu’elle aime créer. Elle cherche constamment pour trouver ce qui fonctionne, et cela lui plait. Elle sait qu’il n’y a pas de recette magique, que ce qui marche pour un élève ne va pas marcher pour un autre. « C’est passionnant, très riche et varié. Cela stimule ma créativité. J’aime particulièrement la liberté pédagogique permise par ce dispositif ».
Elle apprécie beaucoup l’accompagnement très individualisé, l’idée de pousser chacun à aller jusqu’au bout de ses possibilités, de développer l’autonomie et de viser un épanouissement à l’école et dans la société.
L’objectif est aussi qu’ils aient un métier plus tard, qu’ils trouvent une orientation qui leur corresponde, un métier où ils s’épanouissent avec leurs difficultés. Des découvertes métiers sont organisées. « Ils peuvent faire des stages pour découvrir plusieurs métiers et choisir ensuite un CAP qu’ils suivront avec l’appui d’un dispositif ULIS. » Elle les accompagne pour la rédaction d’un CV et de lettres de motivation.
Elle établit avec eux une fiche qui expose tout ce dont l’élève a besoin en stage. « Par exemple, j’ai du mal à prendre des initiatives, que peut faire le patron ? Le document pose les choses. Cela rassure à la fois l’élève et le patron. »
Les métiers choisis sont variés, la formation est la plupart du temps un CAP suivi en apprentissage si l’autonomie le permet. Là aussi, l’accompagnement est individualisé sur un projet de vie qui se dessine. La difficulté est de garder une bonne distance, de s’attacher aux personnalités sans perdre le recul nécessaire. « On a moins d’élèves, on les voit beaucoup dans la semaine, on partage les difficultés familiales, on est la personne référente dans leur paysage. »
Le lien avec les parents est essentiel. Elle est présente lors des réunions parents-profs avec le professeur principal de la classe de rattachement, pour souligner l’inclusion. Elle fait des points réguliers avec eux.
Elle est aussi en contact avec les partenaires extérieurs, les orthophonistes, ergothérapeutes et autres intervenants qui prennent en charge l’élève souvent pendant le temps scolaire. « C’est important que je sache ce qu’il se passe pour les élèves. »
C’est pour cela aussi que la communication avec les enseignants, l’infirmière scolaire, la CPE ou le principal sont essentiels. Chaque année, une réunion éducative est organisée avec les personnes internes et externes impliquées dans le parcours, les parents et l’élève. « C’est essentiel, l’élève est là aussi pour voir, pour entendre ce qui se dit, donner son avis, son ressenti. Cela permet d’adapter encore mieux et d’aménager encore mieux. Les parents se rendent compte de ses difficultés mais aussi de ses réussites. »
Elle aime ce métier où le tact est primordial. « On a tous les éléments sur l’élève. Il ne faut pas trop en dire, prendre en compte que les parents ont parfois du mal à entendre que leur enfant a des difficultés. » Dans les situations ardues, elle sait qu’elle peut compter sur l’équipe du collège.
Elle apprend la patience, celle requise pour ne pas se décourager face à des progrès minimes mais qui, en fait, sont des petits pas essentiels. Elle sait qu’elle apprend et que tout ce qu’elle apprend maintenant sur l’adaptation, l’inclusion, lui sera utile quelle que soit la classe où elle enseignera.
Elle aimerait passer le Cappei (certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive), qui lui permettrait de rester dans un dispositif ULIS plus d’une année. Car, pour sa deuxième année comme coordonnatrice, elle a dû changer d’établissement et cela se reproduira tous les ans tant qu’elle n’aura pas le certificat. Elle garde toutefois le sourire. Dans ce collège aussi, elle sent que l’équipe est présente auprès d’elle et qu’elle apprendra encore à ses côtés et auprès des élèves.
Sur notre librairie :
Hors-série numérique n°51 – ULIS, Unité localisée pour l’inclusion scolaire