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L’apprentissage des concepts en histoire et en géographie
Enquête au collège et au lycée

Le but de cet ouvrage est de faire le point sur ce qu’apprennent effectivement les élèves du secondaire en histoire-géographie. L’entrée choisie prend à contre-pied les formulations des programmes ainsi que les pratiques usuelles des enseignants puisqu’il ne s’agit pas d’évaluer la mémorisation de connaissances, mais l’assimilation de concepts : ceux de révolution et d’État en histoire, de paysage et d’organisation de l’espace en géographie.
L’enquête s’est déroulée dans deux collèges et deux lycées. Les enseignants ont soumis à leurs élèves des questions volontairement très ouvertes telles que : « À partir d’exemples de votre choix, qu’est-ce qu’une révolution ? ». Ils ont recueilli ainsi un corpus de textes qui a été étudié par des techniques d’analyse du discours présentées dans l’ouvrage. Quatre chapitres sont ensuite consacrés à chacun des concepts choisis : après une présentation de leur place dans les programmes, en replaçant celle-ci dans les enjeux didactiques, scientifiques et sociaux de l’histoire-géographie, l’analyse des productions écrites des élèves permet de mesurer l’efficacité des apprentissages scolaires tout au long du secondaire dans la construction des savoirs. Menée très finement, l’analyse parvient à dégager les degrés différents de maîtrise conceptuelle au-delà des maladresses d’expression écrite, des difficultés langagières.
Le bilan paraît assez sévère pour l’institution scolaire : si un concept comme celui de révolution, assez spécifique au champ scolaire, est finalement progressivement construit et à peu près maîtrisé par les élèves de terminale, les concepts d’État ou de paysage sont encore largement imprégnés de sens commun, même en fin de cycle. Bien des élèves de terminale sollicités pour définir la notion d’État accumulent les préjugés de café du commerce (en particulier sur la corruption supposée des hommes politiques). Quand les finalités des programmes d’histoire-géographie insistent sur les outils que notre enseignement doit apporter aux élèves pour appréhender le monde, on peut s’inquiéter qu’une notion si présente au collège et au lycée ne soit pas mieux assimilée par les élèves. Le cas du concept de paysage, lui, est significatif de la capacité de l’école à transmettre des savoirs techniques (observation par découpage en plans) au détriment de véritables savoirs conceptuels (le paysage comme révélateur des interactions entre les hommes et leur milieu).
Et si la progression dans la maîtrise de l’abstraction et de l’expression écrite est bien réelle de la 5e à la terminale (c’est quand même bien le moins), l’étude montre aussi de grandes inégalités entre élèves dans cette maîtrise.
Comme l’affirme Nicole Lautier dans sa préface, le problème n’est pas de recourir ou non aux concepts dans notre enseignement. Même si ce recours reste très largement implicite (on étudie la révolution néolithique, française, industrielle, russe, sans jamais, sauf exception, étudier en tant que tel le concept de révolution), les élèves construisent, tant bien que mal, de tels savoirs. Par la richesse des informations apportées en posant directement les questions aux élèves, cet ouvrage montre bien à quel point une approche explicite aurait toute sa place dans les cours d’histoire-géographie.

Patrice Bride